Bulletin SHF XXXX 62
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Bulletin de la Société
Herpétologique de France
2è'"° trimestre 1992 n° 62
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ISSN 0754-9962 Bull. Soc. Herp. Fr., (1992) 62

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Bulletin de la Societe Herpetologique de France
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Exemple de présentation et référence bibliographique:
BONS, J., CHEYLAN, M. et GUILLAUME, C.P. (1984) - Les Fteptiles méditerranéens. Bull.
Soc. herp. Fr., 29: 7-17.
Tlrés à part
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M. Roland VE_RNET _
Laboratoire d'Ecolcgie, Ecole Normale Supérieure
46 rue d'lJlm - 75230 PAFHS CEDEX 05
Fax : (1) 44 32 38 85
Tèl :(1) 44 32 37 04
Directeur de la publication:
Ftoiand VEHNET
N° commission paritaire 59374

Bulletin de la Société Herpétclcgiqtre de France
2è"‘° trimestre 1992 n° 62
SOMMAIRE
* La réduction des membres chez les reptiles
et |’édiIication d’un organisme serpentiforme
Albert RAYNAUD ........................................................ 1
" Reproduction de la oouleuvre d'Esculape Eiaphe iongissima
Laurenti (Fteptilia, Colubridae) dans le centre ouest
de la France
Guy NAULLEAU .......................................................... 9
* Phylogénie et systématique des Lpidosauriens.
Où en sommes—nous?
Jean-Claude RAGE ...................................................... 19
* Estimation de l’âge et de la structure démographique
de deux populations de Mesaiina oiivieri
(Fleptilia, Lacertidae) des Iles Kerkeonah (Tunisie)
Saïd NOUIRA ........................................................... 37
* La pêche et Pexploitation du varan du Nil (Varanus n. niioticus)
dans la région du* lac Tchad
Vivian de BUFFRENIL .................................................... A?
CONTENTS
' Limb reduction in reptiles and the embryonic beginnings
of a serpentiform organism
Albert RAYNAUD ........................................................ 1
* Reproduction in the Aesculapian snake Eiaphe iongissima
Laurenti (Reptilia, Colubridae) in western central France
Guy NAULLEAU .......................................................... 9

' Phylogeny and systematics of Lepidosauria.
How do we stand? I
Jean Claude RAGE .................................................... 19
* Age determination and structure of two populations of
Mesaiina olivier! (Fteptilia, Laoertidae)
on the Kerkennah Islands (Tunisia)
Saïd NOUIRA .....................................................,..... 37
' Capture and utilîzation of the Nile monitor (Varanus niioticus)
in the Lake Chad region
Vivian de BUFFHÉNIL ................................................,... 47

Bull. Soc. Herp. Fr. (1992] 62 : 1-B
I
  }
CHEZ LES REPTILES ET L EDIFICATION
1
D UN ORGANISME SERPENTIFORIVIEW
Dar
Albert Raynaud
Rèsurné - Différentes disciplines ont participé à l’étude et à |'e>tp|ication de ia réduction
des membres chez les Reptiles; les travaux d'anatomle comparée ont été suivis par ceux
d’embryotogie. L'ana|yse embryologique comparative a mis en évidence une deliciehce
somitique plus ou moins accentuée chez les embryons de Reptiles serpentitormes; cette
déficience est responsable d'une première réduction des membres; si elle est totale, elle
peut causer le non-développement du bourgeon de membre (cas des Ophidiens). La
déficience somitlque est suivie par la dégénérescence prématurée de la crête apicele qui
se constitue au sommet du bourgeon de membre réduit; cette dégénérescence détermine
|'arrêt, total ou partiel, du développement du bourgeon de membre, chez ces espèces
serpentiformes. Le mécanisme biochimiqu essentiel, révéte par l'etude
autoradiographique chez les embryons d'Angr.ils fragflfs, consiste en un DIDCSQG de la
synthèse d'ADN dans le mèsoderme du bourgeon de membre, pendant et surtout après la
dégénérescence de la crète apicale
En in, Vembryolopie suggère différentes étapes de la formation d'un organisme
serpentilorme et eur déterminisme.
Mots-clés: Reptile serpentiforme. Réduction des membres. Ara-C. Synthèse d'ADN.
Summary - Comparative anatotny. and descriptive and experimental embryology have
been used to explain limb reduction in serpentiform Reptiles. Comparative embryologicaî
analysis provided evidence ot a somitic deliciency in the embryos of these species which is
responsible for early limb reduction. A total deticiency results ln non-development ot the
limb bud (Ophidians). Somitic deficiency is followed by premature degerteration of the
apical ectodetmal ridge of the Iimb bud totally or partially arresting limb bud development.
The essential biochemical mechanism, brought to light by autoradtologlcal study ot Anguls
fragfifs embryos after thymidine incorporation, consists of a block in DNA synthesis in the
mesodermal cells of the limb bud alter regression of the apical ridge. The embryology
suggests that there are different steps tn the determination and formation of a serpentilorm
organism.
Key-words: Serpentiform Reptile. Limb reduction. Ara—C. DNA synthesis.
I- INTRODUCTION
La réduction ou ta perte des membres se rencontrent fréquemment chez
les Reptiles; Ces etats ont d‘abord donné lieu à diverses interprétations: ils
pourraient etre la consequence du non-usage (Lamarck, 1809); du non-
usage et des effets de la selection naturelle (Darwin, 1868); d'une
reduction adaptative (Steiner et Anders, 1946; Gans, 1975), etc. Line autre
hypothèse fait de la reduction des membres la conséquence directe de
Vallongement du corps, c‘est-a-dire de Vaugmentation du nombre des
vertebres (Cuenot, 1921); elle reçut, quelques années plus tard une
Manuscrit accepté le 7 février 1992
(1) Communication présentée au colloque Sl-IF d'Orsay (19-22 juin 1991)
1

premiére vérification de la part de l’anatomie comparée quand on constata
que dans une famille donnée de Fieptiles serpentiformes, Vaugmentation du
nombre de vertèbres présacrées s‘accompagnait d’une réduction des
membres (Sewertzolf, 1931; Stokely, 1947; Gasc, 1967}; mais les diverses
fonctions des somites n’étant pas complétement connues à I’époque, le
mécanisme de cette corrélation resta inexpliqué.
Laissant de côte les hypothèses, ]'entrepris, à partir de 1960, une étude
embryologique du développement des membres réduits de divers
Fleptiles serpentiformes. Je la complétai ensuite par une étude
expérimentale: obtention, au laboratoire, par voie chimique, de la réduction
des membres chez une espèce pentadactyle (Lacerra virioiis, Leur,). Cette
étude fut suivie de la mise en évidence, en autoradiographie, du
mécanisme biochimique responsable de la réduction évolutive des
membres de l’©rvet (Anguis fragflis, L,).
Divers collaborateurs ont participé à une partie de ces recherches: Mme
Flenous, lvllvl. Gasc, Pieau et Vasse, à Sannois, pour l’analyse
embryologique descriptive de la formation des membres chez plusieurs
especes serpentiiormes; et, a Toulouse, lvlme Brabet pour I’analyse
ultrastructurale de Vébauche du membre, Mme Clergue-Gazeau pour
Videntification des doigts réduits ou absents, Mme Kan pour
Vautoradiographie.
ll- MATERIEL ET METHODES
Diverses méthodes d’étude ont été mises en oeuvre: Vanalyse
embryologique descriptive, en premier lieu, fondée sur l’examen des
coupes sériées des ébauches des membres chez des embryons de
Fleptiles pentadactyles (Lacerra viriolis, Laur.) et de Reptiles
serpentiformes (Anguis, Sceiotes, Chaicfdes, etc.); puis, une étude
expérimentale mettant en oeuvre l’administration de cytosine-
arabinofuranoside a des embryons de Lacerra vfriotis (cette substance a été
injectée dans le sac vitellin, à différents stades du développement des
oeufs et à des doses allant de 17 à 70 uoloeuf); enfin, une etude
autoradiographique, aprés incorporation de thymidine tritiée, des ébauches
des membres chez les embryons de Lacerra vr‘n‘dis et d’Anguis fragiifs (les
détails techniques sont précisés dans le paragraphe suivant). Les oeufs
utilisés dans ces expériences ont été obtenus grâce à des élevages
constitués au laboratoire de Sannois et, depuis plusieurs années, au
laboratoire de Vabre.
Ill. RÉSULTATS
A- Analyse embrylogique du développement des membres chez des
Reptiles serpentiformes
Cette analyse, effectuée chez les embryons de diverses espèces
serpentilormes révéla une déficience somitique précoce, responsable
d’une premiére réduction du membre ou même de sa non-formation (chez
2

les Ophidiens). La déficience somitique est toujours associée à
Paugmentation du nombre total des somites, chez ces embryons: il y a là,
une corrélation qui doit relever d'un mécanisme morphogénétique entrant
en jeu précocement. Ainsi, |'étude embryologique permet d'envisager
|’enchaînement suivant des premieres étapes de la réduction du membre:
Paugmentation du nombre des somites chez I‘embryon correspondant à
Vallongement du corps doit résulter de modifications génétiques
déterminant des changements dans la formation et le mode de
segmentation des lames segmentaires, donc dans le mécanisme de la
somitogenése; à partir de là, la corrélation morphogénétique envisagée ci-
dessus doit provoquer une réduction de la participation somitique à la
formation initiale du membre, donc, automatiquement, une réduction du
membre; cette derniére ne reléve donc pas d'un effet adaptatif direct au
cours de la vie adulte, mais d'un mécanisme embryonnaire réalisant une
corrélation morphogénétique.
A la déficience somitique s'ajoute une dégénérescence prématurée de
la crête apicale qui se forme au sommet de |’ébauche réduite du membre:
chez tous les Reptiles serpenliformes, cette créte est incomplétement
différenciée (Raynaud et ai., 1979) et elle dégénère prématurément, plus
ou moins complétement suivant les espèces. Or, il a été établi chez
l’embryon de Poulet, que I'excision chirurgicale dela créte apicale entraine
l‘arrétdu développement et de la différenciation de l’ébauche du membre; il
est logique d’admettre que la dégénérescence prématurée de la créte
apicale, chez les embryons de Reptiles serpentiformes entraine |’arrét du
développement du bourgeon du membre; cet arrêt sera d'autant plus
prononcé ou total, que la dégénérescence dela crête aura été plus précoce
et plus compléte.
Déficience somitique et dégénérescence de la créte apicale permettent
ainsi d’e>rpliquer tous les degres de réduction des membres qui s’observent
chez les Reptiles serpentiformes.
B. Obtention expérimentale de la réduction des membres chez les
embryons de Lacerta w'rfo'is, par action de la cytosine-arabinofuranoside
La cytosine-arabinofuranoside (Ara-C), puissant inhibiteur de la
synthése d'ADN, s'est révélée fortement tératogéne chez les embryons de
Poulet (Karnofsky et Lacon, 1966) et chez ies embryons de Mammifères
(Rat, Souris) (Ritter et al., 1971, 1973; Kochhar et al., 1978). Parmi les
malformations qu’e|le provoque figurent de nombreuses anomalies des
membres.
introduite dans le sac vitellin des oeufs de Lacerta viridis, à divers
stades de leur développement, |'Ara-C a engendré des malformations
corporelles variées et de nombreuxarréts de développement des membres:
150 oeufs ont été traités entre le 68mQ et le 12eme jour de Vincubation par
des doses allant de 17 à 70 ag par oeuf (pour chaque oeuf, une seule
injection a lieu et la dose lnjectée est connue avec une précision de 0,1
ng). 131 embryons ont survécu à ce traitement; ils présentaient des
réductions des membres (amélie, mlcromélie, oligodactylie) d'autant plus
accentuées que |’lnjection d’Ara-C avait été plus précoce et la dose plus
élevée (Raynaud-, 1991).
3

Les réductions digitales provoquées par l'Ara-C sont variées: pattes
tétraclactyles, tridactyles, bidactyles, monodactyles, adactyles; elles sont
fréquentes: ainsi, 21,5% des embryons traités possèdent au moins une
patte tétradactyle. D'autre part, la méme réduction digitale est souvent
présente aux 4 pattes d'un même embryon; pour la gen se de ce type de
malformation, certains stades du développement sont particulièrement
sensibles; pour ces périodes de grande sensibilité, les pourcentages
maxima suivants de malformations ont été observés: aprés action de l'Ara-
C entre les stades 6 et 10 jours de Vincubation, 23,4% des embryons ont
les 4 pattes tétradactyles et 10,8% des embryons ont les 4 pattes
monodactyles. De même, aprés injection entre les stades 6 et 12 jours, 3%
des embryons ont les 4 pattes tridactyles. Entre les stades: 6 jours 16
heures et 11 tours, 6% des embryons ont les 4 pattes bidactyles et 20,7%
des embryons ont les 4 pattes ectropodes.
La réduction digitale induite par l’Ara-C obéit à certaines régies: dans
les cas de tétradactylie, c'est pour la presque totalité des cas, le doigt I qui
fait défaut; dans les autres cas c'est le doigt V qui manque; dans le cas de
tridactylie, manquent les doigts I et V; dans les cas de bidactylie, les doigts
I, ll et V; dans les cas de monodactylie, c’est toujours le doigt IV qui est
présent (Raynaud et C|ergue~Gazeau, 1986; Fiaynaud, 1991).
Comment l’Ara-C agit-elle pour provoquer ces réductions digitales ? Il a
été établi, chez les Mammifères (Furth et Cohen, 1968), que cette
substance, bloquant la formation de l'ADN polymérase, provoque un arrêt
ou une forte diminution du taux de synthese de |’ADN. Une étude
autoradiographique, aprés incorporation de thymidine tritiée, chez les
embryons de Lacerra vfrfdis, a montré que l‘Ara-C produit un fléchissement
important de la synthèse d'ADN dans les cellules mésodermiques des
ébauches des membres, entraînant un arrêt de la prolifération mitotique et
la mort de nombreuses cellules mésodermiques; la croissance ou la
formation des rayons digitaux sont ainsi arrêtées (Ftaynaud et Kan, 1988).
La comparaison des membres des embryons de Lacerra viridis réduits
par action de l’Ara·C et des membres réduits naturellement chez les
Fieptiles serpentiformes montre de grandes similitudes de structure entre
les deux types. D’autre part, les régles régissant l'ordre de disparition des
doigts et les séquences de réduction sont les mêmes dans les deux cas
(réduction expérimentale par l'Ara-C et réduction évolutive). Ces
similitudes suggèrent l‘intervention d’un mécanisme identique ou très
semblable dans les deux types de réduction. Ceci nous a conduit à
rechercher si les réductions naturelles des membres chez les Reptiles
serpentiformes ne reléveraient pas, également, d’un arrêt ou d’un
fléchissement temporaires de la synthèse d’ADN dans le mésoderme de
l’ébauche des membres.
C. Mise en évidence d’un fléchissement du taux de synthèse de I’ADN dans
le mésoderme du bourgeon de membre de I’0rvet (Angufs iiragüfs, L.),
avant l’arrët du développement de ce bourgeon
Une étude autoradlographique des variations du taux de synthèse de
|’ADN dans les ébauches des membres des embryons d’©rvet à différents
stades de leur développement, avant, pendant et aprés la régression de la
4

crête apicale de cette ébauche, a été effectuée (Raynaud et Kan, 1989). 27
oeufs ont été utilisés pour cette étude; chacun d’entre eux a reçu dans le
sac vitellin, une injection de 10 uCi de thymidin tritiée (activité spécifique:
25 Cilmlvl). 5 heures après l’injection du précurseur, les embryons ont été
sacrifiés et fixés au Bouin. Aprés inclusion dans la paraffine et coupe en
série, les sections, déparaffinées et humides, ont été trempées dans une
émulsion nucléaire Ilford (type K5); aprés 13 iours d’exp0sition, l‘émulsion
a été développée et les coupes colorées à I’héma|un.
i.'examen des autoradiogrammes montre que le mésoderme de
l’ébauche du membre est fortement marqué aux stades précoces du
développement de l’ébauche (indice de marquage compris entre 38 et
43%); ensuite, le taux de synthèse de |’ADN décroît, légérement d’abord
(l’indice de marquage n’est que de 33 à 35% à la fin de la période de
dégénérescence de la créte apicale) puis assez fortement: 24 à 30 heures
après la fin de la dégénérescence de la créte apicale, la valeur de |’indice
de marquage n’est plus que de 15 à 23%. Corréiativement, il se produit une
réduction de la prolifération mitotique et de nombreuses dégénérescences
cellulaires apparaissent dans le mésoderme du bourgeon de membre; une
étude détaillée montre que cette mort cellulaire, conséquence de |'arrét de
synthèse de l’ADN constitue le facteur terminal de |'arrét du
développement de l'ébauche du membre de l‘©rvet.
L‘ensemb|e de ces recherches montre que la chute du taux de synthèse
de I‘ADN dans les cellules mésodermiques des bourgeons de membre
constitue, à l'échelle cellulaire, le facteur biochimique responsable de la
réduction évolutive des membres de |'Orvet. Cette réduction est due à un
arrêt du développement du bourgeon, réalisé par un mécanisme
embryonnaire.
D. La construction d’un organisme serpentiforme
L'embryologie a mis en évidence, chez tous les Reptiies
serpentiformes, une modification du mécanisme de la somitogenése: il se
forme un nombre de somites supérieur au nombre qui caractérise les
espèces non serpentiiormes, à membres bien développés, de la même
famille. De plus, chez tous les embryons dont le nombre de somites est
ainsi accru, il se produit une réduction du nombre des somites qui
participent au développement initial du membre. Une relation de causalité,
une corrélation morphogénétique, doit donc exister entre ces deux
phénomènes (voir, p. 4) (Raynaud, 1972, 1974, 1977, 1985, 1990). Lorsque
le nombre de somites est trés élevé, comme c'est le cas pour les embryons
d’©phidiens, aucun somite ne forme de prolongement ventral dans la
région thoracique antérieure et il ne se développe pas de membre
antérieur. Quelques prolongements somitiques dans la région postérieure
permettent, chez certaines espèces, la formation d’un membre pelvien
rudimentaire. La corrélation que nous venons d’envisager permet de
comprendre comment la réduction des membres est automatiquement
associée à Vallongement du corps. Gasc et Flenous (1989) ont proposé un
mécanisme théorique faisant intervenir deux systèmes oscillants, avec
activateur et inhibiteur rétroactif, pour expliquer cette liaison entre
5

morphogenése axiale et morphogenése appendiculaire.
L’augmentation générale du nombre des somites chez les embryons de
Reptiles serpentiformes conduisant à l'augmentation du nombre des corps
vertébraux s’accompagne de Vaugmentatlon du nombre des côtes, des
vaisseaux, des nerfs segmentaires et également d’un allongement du
coelome et de toutes les ébauches d’organes insérées dans la paroi
dorsale de la cavité coelomique (reins, gonades, etc,). La réduction des
membres étant associée a ces transformations, le nouvel organisme offre
déjà les premières caractéristiques d’une transformation vers le type
serpentiforme.
Mais les modifications de structure associées aux précédentes ne
s’arrêtent pas là. Comme nous |’avons montré (Raynaud et Clairambault,
1978), la stucture de la moelle épinière d’un embryon de tacerra virfoïs se
modi ie, consécutivement à la supression des membres, dans le sens d‘une
configuration caractéristique des Reptiles serpentiformes (disparition des
”colonnes motrices" ventro-latérales); cette derniére doit donc
vraisemblablement être liée à la réduction ou à la perte des membres. De
plus, nous avons constaté récemment que Vaugmentation du nombre des
somites entraînait des modifications de la conformation du crâne et de la
région cervicale: ainsi, chez l’embryon d’©rvet, deux somites de plus que
chez l'embryon de Lacerta viridfs s’incorporent à la partie postérieure du
crâne (Raynaud, Renous, Gasc et Clergue-Gazeau, 1990); corrélativement
prend naissance une réduction UB la région cervicale. Le même
déterminisme doit entrer en jeu chez les autres Reptiles serpentiformes.
Ces données nous permettent d’entrevoir maintenant comment ont pu
prendre naissance ces grandes étapes de la transformation d’un organisme
tétrapode en organisme serpentiforme.
Il est d’autres caractéristiques des Reptiles serpentiformes qui ne
paraissent pas liées embryologtquement a la modification de la
somitogenése ou à l’arrét du développement des membres (modification
des organes des sens, des dispositifs osseux et musculaires tels que ceux
du crâne, de la colonne vertébrale, etc.). Il est toutefois possibie que leur
déterminisme génétique soit relié à celui des transformations précédentes
par l’entrée en jeu de gènes intégrateurs, d’effets pléiotropiques, etc. Nous
avions envisagé que le même mécanisme biochimique que celui impliqué
dans la réduction des membres (une chute du taux de synthèse de l’ADN)
puisse également intervenir dans les modifications régressives frappant les
ébauches d’autres organes, chez les Reptiles serpentiformes (Raynaud,
1985). Or, récemment, nous avons constaté que l’Ara-C, puissant inhibiteur
de la synthese d’ADN, déterminait chez les embryons de Lacerra vr'rr'dis,
des transformations de la ceinture pelvienne présentant certaines
similitudes avec celles qui s'observent dans ta ceinture pelvienne des
embryons d'/lngufs fragfffs et d’autres Reptiles serpentiformes (Raynaud et
Clergue-Gazeau, 1991).
Ainsi s'ouvre une nouvelle voie, expérimentale cette fois, pour Panalyse
des transformations qui ont conduit au passage de Porganisme tétrapode à
membres bien développés, a Vorganisme serpentttorme, apode ou à
membres réduits.
6

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Laboratoire de Biologie, Route de la Glévade
81330 VABRE (France)
et
Laboratoire de Zoologie, Université Paul Sabatier
118, Route de Narbonne
31062 TOULOUSE (France)
8

Bull. Soc. Herp. Fr. (1992) 62 L 9-17
1
REPRODUCTION DE LA COULEUVRE D ESCULAPE
Elaphe longrssrma LAURENTI
(REPTILIA, COLUBRIDAE)
DANS LE CENTRE OUEST DE LA FRANCE")
par
Guy Naulleau
Résumé - Les plus grands individus rencontres mesurent 155 cm pour les mâles (ri - 60) et
121 cm pour les femelles ln = 47). La sex-ratio est de 1,23 en faveur des mâles. Les plus
petits individus pouvant se reproduire pour la première fois mesuraient 74 cm de longueur
totale pour les mâles et 85 cm pour les femelles. Le cycle reproducteur du mâle est annuel
et peu dépendant de ses reserves lipidiques, Des spermatozoïdes sont presents dans les
voies génitales mâles tout au long de |'annee. Uaccouplement a lieu entre le debut mai et
la mi-Iuin. L'ovu|ation se situe dans la deuxième quinzaine de juin. La ponte observée
entre e 20 juillet et le 12 août represente 19 à 39% du poids des femelles qui ont déposé
leurs oeufs. Le nombre d'oeufs par ponte est de 6,7 +,i- 1,75 (n = 20). Les oeufs pèsent
9,28 +)'- 2,4 g (n - 37) et mesurent 38,39 +i- 3,18 mm x 19,89 +)'- 0,84 mm (n ¤ 14). Les
jeunes qui naissent en general en septembre mesurent 28,4 +,·'- 2,88 cm et pèsent 6,17 +,‘-
1,14 g (n - 8). Les reserves de graisse conditionnent la périodicité du cycle rîîroducteur
de la femelle Eur n'est pas toujours annuel. ll existe un seuil de I'lndice des atieres de
Fleserve (l.lv1. .) (0,55) au dessous duquel il n‘y a pas reproduction.
llilots-clés 1 Elaphe fcnglssima. Reproduction. Mâle. Femelle. Reserves lipidiques.
Summary - The longest male (n = 80) and female speoimens ( n = 47) observed were
respectively 155 and 121 cm. The maleliemale ratio was 1,23l1. No breeding activity was
observed in males and temales ol respectively less than 74 and 85 cm. Depending a little
on tat reserves, males ca:. uros; eiéiy year. Spermatozoa were present in the genital
ducts throughout the year. Nlatrng look place frorn the beginnin% of May to mid~June.
Females ovuiated in the second hall of June. Eggs were laid from 2 July to 12 August and
represented 19-39% of post—laying body weight. Mean number was 6.7 +,l- 1.75 sn - 20).
Mean weight tn = 37) was 9.28 +!- 2.4 g, and mean lenght and diameter (n ¤ 4) were
reïectively 38.39 +,l- 3.28 and 19.89 +l- 0.84 mm. I-latching was generally ln September,
an mean hatchling lenght and weight (n = 8) was respectively 28.4 +l· 2.88 cm and 6.17
+l· 1.114 g. Breeding annually depended on body lat reserves, and an index (|.M.Ft.) gave
o threshold value o 0.55.
Key·words: Eiaphe longfssfma. Fieproduction. Male. Female. Fat reserves.
I. INTRODUCTION
Les donnees de la litterature sur la reproduction de la Couleuvre
d'Esculape Sont |D8t‘fOlS C0l'itl'8dtCt0lT8S, lnC0n'tpISt8S 0l.l ît`l1[Jt8ClS8S
(Ftollmat, 1934; Angel, 1946; Fretey, 1987 et Naulteau, 1987). Le suivi
d’rndividus marques dans la nature et en terrariums, sur plusieurs annees
consécutives, et Vobservation de serpe_nts morts accidentellement nous ont
permis d’accumuler les donnees originales exposees dans ce travail.
Manuscrit accepté le 7 février 1992
(1) Communication présentée au colloque ce la S.H.F. d'Orsay (19-22 Juin 1991)
9

ll- MATERIEL ET METHODES
Les couleuvres d’Escutape étudiées provenaient toutes du Sud des
Deux·Sévres. Certains individus capturés en dehors de la Forêt de Chizé
ont été gardés en terrariums extérieurs. Ces terrariums sont adossés à un
bâtiment et exposés au Sud. lls mesurent 3,50 m de long, 2,50 m de large
et 1 m de haut et sont entiérement grillagés avec du grillage soudé à maille
carrée cle 6 mm de côté. Un talus d’hivernage contient des abris enterrés à
40 cm de profondeur où les variations de température sont trés amorties.
Ces terrariums subissent les conditions climatiques naturelles. Durant la
période active, les couleuvres sont nourries de souris d'élevage adiibftum.
L’el‘fectif de chaque terrarium varie del à 5 couples de couleuvres adultes.
Les observations ont également été faites sur les individus trouvés écrasés
sur les routes. Les premières données remontent à 1970. A partir de 1980,
en forét de Chizé, dans les environs immédiats du laboratoire (46°07 de
latitude Nord et 0°25 de longitude Ouest), les couleuvres d'Esculape
(subadultes et adultes) ont été capturées, marquées, relâchées et
certaines recapturées. 60 mâles différents ont été étudiés et il y a eu 37
recaptures. 47 femelles différentes ont été examinées et il y a eu 32
recaptures. Chaque couleuvre manipulée a été mesurée (longueur totale),
pesée, et le sexe déterminé par pression sur la base de la queue. Lorsque
les serpents ont mangé récemment (proies dans l’estomac),ils sont gardés
en cage au laboratoire durant la digestion et repesés aprés I'évacuation
des excréments. Une bonne partie de l'échantil|on a été examinée du point
de vue de la reproduction: 52 mâles et 76 femelles (captures et
recaptures). Les exemplaires écrasés ont été disséqués lorsque cela était
possible. Les individus vivants ont subi divers examens non traumatisants.
L'accoup|ement est difficile à observer dans la nature, mais une technique
permet de savoir si les femelles ont été inséminées. La partie postérieure
du corps du Serpent est massée délicatement; le mucus cloacal ainsi
obtenu, est étalé sur une lame et examiné au microscope. La présence de
spermatozo'ides indique qu’i| y a eu accouplement et il est d’autant plus
récent que les spermatozoïdes sont nombreux (Fuxada, 1959; Naulleau,
1986). Cet examen permet de situer la période d'accoup|ement des
femelles. La même technique utilisée chez les mâles permet de déceler la
présence de spermatozoïdes dans le prélèvement cloacal et même de
recueillir du sperme qui est dilué avant examen au microscope. La période
d’ovulation a été déterminée par radiographie (Naulteau et Bidault, 1978;
1981) et par palpation, ce qui nous renseignait également sur le nombre
d'oeuls avant la ponte, avec une erreur de +,l- 1. Les oeufs ont été mesurés
et pesés le ou les jours suivant la ponte.
Pour étudier Vinfluence des réserves sur la reproduction, nous avons
utilisé la formule de Leloup (1976) qui donne un Indice des Matières de
Ftéserve (|.lvl.Ft.) chez les Serpents vivants:
I.lvl.Fl. = P.Fl}P.T
PQR.: poids réel en grammes du serpent à étudier.
P.T.: poids théorique en grammes du Serpent en fonction de sa longueur et
par rapport aux proportions d'un nouveau-né de son espece.
1O

i=.r. = (L/T)3 x p
L: longueur réelie en cm du Serpent â étudier.
I: longueur moyenne en cm d'un jeune de la même espèce â sa naissance
(28,4 cm pour la Couleuvre d'Esculape).
p: poids moyen en grammes, d’un jeune de la même espèce, à sa
naissance (6,2 g dans le cas présent).
Les moyennes sont suivies de |’ècart-type. La comparaison des
moyennes a été faite â l’aide du test t.
RÉSULTATS
Les plus grands individus rencontrés sont des mâles avec une longueur
totale de 1,55 m et une masse corporelle de 506 g. Chez les femelles, ces
valeurs sont respectivement de 121 cm et 233 g (après la ponte). Chez les
mâles, la taille minimale â laquelle nous avons trouvé des spermatozo'ides
dans un prélèvement cloacal est de 74 cm. La plus petite femelle
reproductrice observée (4 oeufs) avait une longueur totale de 65 cm. Si l’on
compare la taille des mâles et des femelles capables de se reproduire (à
partir de 74 cm pour les mâles et 85 cm pour les femelles), nous avons pour
les mâies une moyenne de 113,79 ï 21,33 cm (n = 56) et pour les femelles
101,11 7, 9,03 cm (n = 45). Les femelles sont donc plus petites que les
mâles, les tailles moyennes chez les deux sexes étant significativement
différentes (t = 3,74; dl = 99; p<0,001). La sex-ratio des individus observés
est de 1,23 en faveur des mâles.
A. Mâles
Le cycle reproducteur des mâles est annuel. Excepté en novembre où
nous n'avons pas de données, nous avons trouvé tout au long de I’année
des spermatozoïdes dans les prélèvements cloacaux (fig. 1). La présence
de spermatozo`ides n’est pas liée â Vabondance de réserves puisque nous
en trouvons aussi bien chez des animaux n‘ayant pas ou pratiquement plus
de corps gras (|.lvl.R.<0,4) que chez des individus bien pourvus en graisse
(l.lvi.Fl.>0,6) ce qui est également net chez les deux mâles (1 et 2) suivis
sur plusieurs années (fig. 1). Les réserves des mâles sont maximales
durant la belle saison.
B. Femelles
L‘accouplement a lieu entre le début mai et la mi-juin. ll n’a pas été
décelé cfaccouplement d‘automne (fig. 2). L'ovulat1on se situe dans la
29""'9 quinzaine de juin. La ponte, relativement tardive, a lieu entre le 20
juillet et le 12 août. Elle représente 19 à 39% (x = 27,28 +,i- 7,91 %; n = 5)
du poids des femelles après la ponte. Sur 20 femelles ou portées
examinées, le nombre moyen d’oeufs par ponte varie de 4 â 10 (x = 6,7 +i-
11

0,,8 I.H-R.
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0,2
0 A 15
J F M A H J J A S U H D
Figure 1 : Indice de Matières de Réserve (l.l‘vl.Fi) et présence de s\:ermatozoïdes_|ors _du
preîevernent cioacal au cours de l’annee chez le male. A: Perrode d'acccup ement. Maxi: Evolution
du maximum de i‘|.M.F`t, Mini: Evolution du minimum de l'l.M.Ft. +:, Présence de sëermatozojdesgz
Accouplements observes.•: Absence de spermatozoides.-0-; Evolution de |'l. .Ft. du male 1 au
oours des années 1989 et 1990. -: Evolution de l'I.M.Fl. du mâle 2 au cours des années 1989,
1990 et 1991.
1,75). ll existe une légère corrélation significative (r = 0,49; |3<0,05) entre le
nombre d‘oeufs et la longueur des femelles (fig. 3). Le poids des oeufs lors
dela ponte est en moyenne GG 9,3 +t- 2,4 g (n = 37) avec des variations de
moyenne importantes selon les pontes (de 6,55 +f- 0,8 à 11,6 +f- 2 g). Des
variations analogues sont observées dans les dimensions des oeufs qui ont
en moyenne 38,39 +,l'- 3,28 mm de long sur 19,89 +}- 0,84 mm de diamètre
(n = 14). Les jeunes qui naissent, généralement en septembre, mesurent
en moyenne 28,4 +l- 2,88 cm (24 à 32,5 cm) et pèsent 6,17 +}- 1,14 g (4,5
a 7.8 g) (n = 8). Les ieunes étant trouvés dans la nature à la période des
éclosions il ne nous est pas posssible de savoir s’ii y a des variations inter
ou intra ponte et s'il y a des relations entre la taille ou le poids des oeufs et
ceux des jeunes à |’éclosicn.
Le cycle reproducteur des femelles est trés dépendant des réserves de
graisse qui conditionnent sa périodicité. Ainsi, il existe un seuil de l’lndice
des Matières de Réserves (l.M.Fi.) (0,55), à ia période des accouplements,
au-dessous duquel il n’y a pas reproduction (fig. 2). Les 3 femelles
reproductrices |’année de capture (3, 4 et 5), suivies ultérieurement en
terrarium où leur l.t'vi.R. est resté inférieur à 0,55 illustrent clairement ce
phénomène (fig. 2). Lorsque l'l.M.Ft. est proche de 0,4, les femelles ne
possèdent plus de corps adipeux ou trés peu. Des femelles ayant un l.M.R.
inférieur au seuil de reproduction (0,55) peuvent s’accoup|er mais ne se
reproduisent pas. C’est le cas de deux femelles : une de 104 cm de
longueur pesant 157 g (l.M.Ft. = 0,52) capturéé le 30 mai 1985, et une autre
de 105 cm pesant 156 g (l.lvl.Ft. = 0,50) oaptutée le 7 juin 1988. Certaines
femelles ne se reproduisent donc pas tous les ans. Sur 50 femelles
12

u r.M.n.
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Reproduction g 8§•:?':··È___ B à :1. ·
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D,·f·u ·
Absence de Reproduction
0,2
G ll. 0 P mis
F M A H J J A S 0 N
Figure 2 : lndlce de Matiere de Réserve (l.lv‘l.Fl.) et présence de spermatozoïdes lors du
prelèvement cloacal au couts de I’annee chez la femelle. A: Période d'accoup|ement. 0: Période
crovulatlon. P: Période de ponte. +:,Présence de spermatozoides.$: Accouplements observesj:
Absence de spermatozoïdes.-·•—: Evolution de |'l.l\r‘l.Ft. de la femelle 3 au cours des années 1988,
1989 et 1990. —: Evolution de I‘l,l'vl,H, de la femelle 4 au cours des années 1985.1986 et 1987.
-—-: Evolution de l`t.lvt.Fl. de ia lesiarzile 5 ou cours des années 1988 et 1989,
capturées ou reoapturées dans la nature, au printemps ou en été, de taille
supérieure ou egale à 85 cm (longueur de la plus petite femelle observée
reproductrice), 41 soit 82% sont reproductrtces, B soit 16% ne sont pas
reproductrices et une (2%) ayant un t.M.Ft. de 0,55, correspondant au seuil
de reproduction, ne peut être classee avec certitude dans une categorie OU
dans |’autre.
IV- DISCUSSION
Les femeiles atteignent des tailles inférieures a celles des mâles
(Rolllnat, 1934; Naulleau, 1987). Nos résultats sont en accord avec ces
donnees, mais la plus grandeiemelle observée (121 cm) est beaucoup plus
petite que la taille (160 om) citée par Ftollmat (1934). La taille moyenne des
femelles est significativement differente de celle des mâles (P<0,001]. ll
est fort probable que les mâles se reproduisent plus tot que les femelles
puisque des spermatozoïdes ont été trouvés chez un male de ?_4 cm de
longueur totale et que la plus petite femelle reproductrioe mesurait 85 cm,
même en admettant que la croissance des femelles soit un peu plus rapide,
ce qui n‘esl pas démontré actuellement. La plus grande précocite des
mâles à se reproduire a également été observée chez d’autres serpents.
C'est le cas chez Vrjoere aspis aussi bien dans la nature (Saint-Girons,
1952) qu’en conditions contrôlées avec suppression de Phivernage
(Naulleau, 1970}. Le cycle reproducteur annuet des mâles n’est pas lié à la
13

Cm Longueur
120
9 O
I
e
· O
I
I
100 °
I
O
O
I
I
I
I
80 Oeufs
5 10
Figure 3 : Nombre d’oeuis par ponte en fonction de la longueur totale de la femelle.
N=20; Y=-5,14+0,12X; r=O,42; p<0,05.
quantité de réserves lipidiques dont ils disposent. En effet, les
sperrnatozoïdes sont décelés tout au long de I’année, aussi bien chez les
mâles pratiquement sans corps gras (l.I\»1.H.<O,4) que chez ceux qui en ont
le plus (|.lv1.Fi.>0,6). Fretey (1987) signale Vaccouplement d’automne chez
cette espèce, mais sans référence précise. Flollinat (1934) envisage cette
possibilité mais ne peut en apporter la preuve. Tous les prélèvements
récoltés au niveau du cloaque en automne chez 7 femelles différentes, dont
4 avaient un l.M.Fl. supérieur au seuil de reproduction (0,55) étalent tous
dépourvus de spermatozoïdes bien que les mâles à cette période
possèdent des spermatozoïdes dans leurs voies génitales.
L’ovulation de la Couleuvre d'EscuIape (espèce ovipare), qui a lieu
dans la deuxième quinzaine de juin, est pius tardive que chez les vipéres
européennes (ovovivlpares) qui se situe fin mai - début iuin (Saint-Girons,
1957; Duguy, 1963; Naulleau 1981). Chez la Couleuvre d'EscuIape, comme
chez les vipères, l’ovulation se fait chaque année à la même période. La
14

Couleuvre d'Escu|ape peut pondre tardivement jusqu’au 12 août. Dans les
mêmes conditions climatiques, la mise bas la plus précoce observée chez
Vrioera aspis est le 22 août (Naulleau, 1981). Si |’on considère ces deux
extrêmes, on remarque que l’espèce ovipare est libérée de ses oeufs peu
de temps avant l’espéce ovovivipare. Dans ce cas, les deux espèces ont à
peu prés le même temps avant |’hivernage pour manger et reconstituer
leurs réserves. Signalons toutefois que si l’on compare les deux espèces,
une même annee, la différence est plus importante. Ainsi, en 1980, la
Couleuvre d’Esculape a pondu au plus tard le 12 août, alors que la
premiére mise bas de Vrjoera aspis a lieu le 20 septembre (observation
personnelle). L'investissement de la Couleuvre pour la reproduction
représente de 19 à 39% de son poids aprés la ponte, alors qu'il varie de 28
à 76% chez l/.·]oera aspfs (Naulleau et Saint—Girons, 1981). Le nombre
d’oeufs augmente avec la taille de la femelle (fig. 35). Les dimensions et le
poids des oeufs lors de la ponte et des jeunes |'éc|osion présentent
d’importantes variations.
Des travaux ont mis en évidence une relation étroite entre la capacité
reproductrice des femelles de Serpents et leurs réserves de graisse. Chez
Crotaius virfdis oreganus, la masse des corps gras est le principal facteur
contrôlant la fréquence de reproduction (Diller et Wallace, 1984). En
revanche, chez Opneodrys aestfvus, l’alimentation printanière peut
suppléer le faible stock des réserves lipidiques et fournir l’énergie
nécessaire à la vitellogenêse (Plummer, 1983). ll en serait de même chez
des femelles de Thamnophrs sirrafrs parieraffs certaines années (Whittier et
Crevvs, 1990). Les femelles de Efaphe guttara d'un groupe initialement
analogue se reproduisent toutes, indépendamment de la quantité de
nourriture (faible ou abondante) qui leur est distribuée (Seigel et Ford,
1991). Chez la femelle de Efapne fongissima, notre étude montre que les
reserves, principalement lipidiques, sont importantes dans la fréquence de
reproduction. Nous avons ainsi montré qu‘i| existe un seuil de l’lndice de
Matieres de Réserves (l.M.Fi.), 0,55 lors de la période des accouplements,
au-dessous duquel les femelles ne se reproduisent pas (fig. 2). Aprés
chaque ponte, les femelles sont au voisinage ou en-dessous de ce seuil.
Ce phénoméne a également été observé chez Vfoera asois (Bonnet et af.,
1992). ll arrive qu'aprés la reproduction, certaines femelles n’ont pas le
temps d'accumuler suffisamment de réserves pour se reproduire |’année
suivante. Ainsi, nous avons observe que des femelles ne se reproduisent
pas certaines années.
Parmi les especes de serpents ovipares, la fréquence de reproduction
est variable. Les femelles de certains Colubridés se reproduisent
annuellement comme Carp/tqohis amoenus (Atdridge et lvletter, 1973),
Dfao'o,ohr’s punctatus (Fitch, 1975), Masricqohis taeniatus et Pfruophis
mefanoieucus (Parker et Brown, 1980). Des femelles d'Elapidês
(Pseudonaja nuchaifs et P. rexrifis) peuvent même effectuer deux pontes
dans l’année (Shine, 1977). En revanche, chez Cofuber constrfcror (Fitch,
1963) et Arizona efeghans (Aldridge, 1979), un tiers des femelles ne se
reproduisent pas tous les ans. Chez Elaphe fongissima, 16% des femelles
capturées dans la nature, au printemps ou en été, ne sont pas
reproductrices. En terrariurns extérieurs, les femelles, aprés- une
15

reproduction, ont beaucoup de difficultes à refaire leurs réserves, bien
qu’eltes aient en permanence des souris à leur disposition. En general leur
I.lv1.Ft. reste inferieur à 0,55 et elles ne peuvent donc pas se reproduire (fig.
2). Ceci provient probablement du fait que la captivrte perturbe
|'a|imentatlon des couleuvres qui ne mangent pas suffisamment pour
reconstituer les reserves necessaires à la reproduction. Dans la nature, la
fréquence de reproduction des femelles de Eiaphe iongissima est
globalement annuelte; cependant, quelques individus peuvent ne D3S_S6
reproduire certaines années. La reproduction de cette espece est très liée
à Vimportance des réserves des femelles _et par conséquent aux
possibilites qu’elles ont de s‘alimenter et de digérer dans les meilleures
conditions.
Chez les espèces ovovivipares des régions temperees, l'effort de
reproduction important des femelles et les contraintes du milieu font que
celles-oi se reproduisent habituellement tous les deux ou trois ans. C’est le
cas de Vrioera aspis (Saint-Girons, 1957; Duguy, 1963 et observations
personnelles) qui vit parfois en sympatrie avec Eiapne iongissirna.
(Cette etude a fait l'obiet des _autorisat_ions de capture et de transport
d'animau>r d'espèces protegees delivrees par le Ministere de
t’Environnement).
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G. NAULLEAU
C.N.R.S., C.E.B.C.,
79360 VILLIERS-EN-BOIS (France)
1 7


			
Bull. Soc. Herp. Fr. (1992) S2 2 19-36
où EN SOMMES·NOUS?
par
Jean-Claude Rage
Résumé - Ces dernières années, la phylogénie et la systématique des Lépidosauriens ont
lait |’objet de plusieurs propositions qui sont discutées ici. Les Lépidosauriens sont
considérés comme le groupe frére des Archosauriens, c‘est-à-dire que les Diapsldes sont
monophylétiques. Les Squamates forment un groupe monophylétique qui est le groupe
frére des Sphénodontiens. La monophylie des Lacertiliens ne peut pas être démontrée; ce
taxon est probablement paraphylétique et il représente le groupe souche des
Amphisbaeniens et des Serpents. La phylogenie et la systématique des Lacertiliens
restent controversées. Au sein des Squamates, les allinités des Amphisbaeniens et des
Serpents (et aussi des Dibamides} ne sont pas établies. Chez tes Serpents, les principaux
problémes concernent les Aorochordoïdes (groupe lrre des autres Aléthinophidiens ou
groupe frére des Colubroides?) et les formes venimeuses (sont·e||es dérivées ou
primitives au sein des Co|ubro'ides?}.
Mots-clés : Amphisbaeniens. Lacerllliens. Lépidosauriens. Phylogénie. Serpents.
Squarnates. Systématique.
Summary - Recent studies on the phytegeny and systematics et Lepidosaurie are
discussed. Diapsidae are monophyletic end Lepidosauria is regarded as the sister group of
Archosauria. Squamata is rnonophyletic and the sister group ot Sphenodontta. Monotphyly
in the Lacertilia cannot be dernonstrated, lor the taxon ts probably paraphyletic and orms
the stent group ot Amphisbaenia and Serpentes. Lacertilian phylogeny and systematics
remain controversiai. Within Squamata, the atlinities ol Amphisbaenia and Serpentes (also
those of Dibamidae} have not been clarilied. The main problems in Serpentes concern the
Aorochordoidea [whether a sister group of the other Alethlnophidia or ol the Colubroidea)
and venomous terms (whether derived lrom or primitive to the Colubroidea).
Key-words : Arnphishaenia. Lacertllia. Lepldosauria. Phylogeny. Serpentes. Squamata.
Systematics.
I . INTRODUCTION
Dans la faune actuetle, Lépidosauriens et Crooodiliens (et Oiseaugt)
représentent les Diapsides, un groupe de_ Reptiles qui a connu une tres
forte e)<pê\tlSi0rI au COUrS du MQSOZOIQUG GVBC, €l'lÈl'G autres, les
«Dinosaures··, Ptérosaures, Thécoclontesn. Avec plus de 5700 espèces,
les Lépidosauriens paraissent ilorissants; toutefois ces espèces se
répartissent trés inégalement parmi les subdivisions généralement
reconnues: 1 ou 2 especes chez tes 3phénodontiens (avec l'unique genre
Sphenodon), environ 3300 chez |e_s Lezards, 2300 chez les Serpents et un
peu plus de 130 pour les Ampnisbaeniens. _ _ _
Ces derniéres années, diverses révisrorrs ont concerne les
Lépidosauriens et des propositions de phylogentes et classtfrcatuons ont
Manuscrit accepté le 7 février 1992
19

été avancées. Apparemment, la position du groupe au sein des Reptiles
fait maintenant i’objet d'un quasi-consensus. En revanche, en ce qui
concerne la phylogénie des Lépidosauriens, un seul point ne semble pas
prêter à discussion: Sphénodontiens d’une part, et Squamates (Lézards,
Amphisbaeniens, Serpents) d'autre part, sont issus d’une même
dichotomie qui correspond a la principale subdivision. Chez les
Squamates, de nombreux problémes apparaissent. Seront examinés ici les
principaux aspects de la phylogénie et de la systématique des
Lépidosauriens. Les caracteres sur lesquels se basent les différentes
phylogénies ne peuvent malheureusement pas être énumérés ici.
Notons que, sur le plan systématique, des noms désignant des groupes
paraphylétiques seront utilisés. En effet, il est possible de travailler dans
un esprit cladiste tout en conservant des termes s’appliquant à des
ensembles parapnylétiques; il suffit que ces groupes soient clairement
reconnus comme tels (Wiley, 1981). C’est le cas des Reptiles dont la
structure paraphylétique est bien établie; mais il est difficile de supprimer
untel nom et, de toute façon, chacun connaît le contenu du groupe. Le cas
se présente aussi, par exemple, pour les lézards (voir ci-dessous).
Il . AMNIOTES, HEPTILES ET LEPIDOSAURIENS
Les Amniotes actuels se composent de trois grands groupes
monophylétiques: Testudiniens, Diapsides et Mammifères. Ceci reflète la
subdivision des Reptiles en trois taxons basée sur la structure de leur
région temporale : les Anapsicles, sans fenêtres temporales, représentés
actuellement par les Testudiniens; les Synapsldes, avec une seule fenétre
temporale de chaque côté (comprenant les Fieptiles mammaliens, tous
fossiles, et les Mammifères); les Diapsides, avec deux fenêtres temporales
de chaque côté, qui regroupent tous les Reptiles actuels, autres que les
TBStudinienS, des Fteptiles fossiles et les Oiseaux. Un quatriéme groupe,
les Euryapsides, était généralement reconnu; en fait, il ne représente
qu'une forme modifiée de la structure diapside (Mazin,1982). Les
Diapsides actueis comportent deux ensembles monophylétiques, les
Lépidosauriens et les Archosauriens. Les Lépidosauriens sont donc des
Diapsides et il est maintenant généralement admis qu’ils représentent le
groupe frére des Archosauriens, c’est-à-dire de i'ensemb|e formé
actuellement par les Crocodiliens et les Oiseaux, mais qui comprend aussi
des fossiies comme les Dinosaures, les Ptérosaures, les Thécodontes...(fig.
1,A). Toutefois, la monopnylie des Diapsides, donc les affinités des
Lépidosauriens, a parfois été mise en doute. C'est ainsi que Tarsitano et
i-lecht (1984) ont supposé que la structure diapside est apparue par
convergence. Fleig (1967), puis Gardiner (1982) et Levtrup (1985) se sont
opposés à la monophylie des Diapsides. En se basant sur des données
paléontologiques, Fleig (1967), a considéré que les Lépidosauriens
descendent d’Anapsides, alors que les Archosauriens dériveraient de
Synapsides (fig. 1, B). Ainsi, les Lépidosauriens seraient plus étroitement
apparentés aux Testudiniens qu’aux Archosauriens, ces derniers étant plus
proches des Mammifères. Pour esruinar (1982), qui s’est fondé sur les
caractères anatomiques des formes actuelles, les Lépidosauriens
20

formeraient un groupe particulier r1’Amniotes, S’oppos_ant à tous les autres
Amniotes qu‘i| nomme «=EuamnioteS>=. les Testudrniens shntercalant ucl
entre les Lepidosauriens et les Archosauriens, Ces derniers formant le
groupe souche des lvlammtres (fig. 1, C). L_oytrup (1985), qui ne voit pas
de relations entre Arohosaurlens et Mammiferes, tntercale lui BUSSI les
Testudiniens entre Lépidosaurienjs et Archosaoriens. Benton (1985), et
Gauthier et ar. (1988 a) ont critique ces_ points de vue. Les analyses
phylétiques récentes (Benton, 1985; Gauthier et ai., 1988 a; Euans, 1988;
Laurin, 1991), s’a§outant à celles de Gaffney (1980) et Be1sz_(1981),
conduisent toutes au même resultat: les Diapsides sont rnonophyletiques.
ll faut toutefois remarquer que Gauthier et af. (1988 a), en réalisant une
analyse qui ne prenait en compte que les formes actuelles, ont obtenu un
résultat comparable a celui de Gardiner (1982), avec des Diapsides
potyphylétiques. Ce n’est qu'en incluant les fossiles que |’ana|yse a abouti
à la monophylie des Diapsides.
Diapsidas
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C
Flgu r 1 : Structure phylètique des Amniotes et position des Lépidosaurieris. A: schéma le
plus fréquemment admis, avec Diapsides monophylètiques. B1 opinion de Fleig (1957}. C:
opinion de Gardiner (1982). (En B et C, les groupes de Diapsides sont soulignés).
21

_ Nous retiendrons donc que les Diapsides (Oiseaux inclus) semblent
bien être monophylétiques et que, à |’intérieur du groupe, les
Lépidosauriens forment le groupe frere des Archosauriens.
Notons aussi que, pour intégrer les différents groupes fossiles qui se
rattachent à la lignée menant aux Lépidosauriens, a été créé le taxon des
Lepidosauromorphes, lequel englobe ces fossiles et les Lépidosauriens.
Symétriquement, les Archosauromorphes comprennent les Archosauriens
et divers groupes fossiles apparentés. En d'autres termes, au sein des
Diapsides, les Lépidosauromorphes (dont seuls subsistent les
Lépidosauriens) forment le groupe frére des Archosauromorphes (dont des
Archosauriens, Oiseaux inclus, subsistent seuls).
lll . LEPIDOSAUHIENS, SPHÉNODONTIENS
ET LA DICHOTOMIE SQUAMATES-SPHENODONTIENS
Les Sphénodontiens forment un ensemble bien caractérisé,
monophylétique, défini par un nombre important de caracteres (Fiage, 1982
a; Evans, 1984; Benton, 1985). lls ne comprennent plus que l'unique genre
Sphenodon, seul Lépidosaurien actuel ayant conservé sa structure
diapside (les Squamates ont plus ou moins complétement perdu
secondairement cette structure). Ils n’ont jamais constitué un groupe trés
largement répandu, mais its étalent relativement fréquents au ivtésozoïque.
Les plus anciens datent du Trias.
lvlonophylétique, ce groupe des Sphénodontiens s‘oppose trés
clairement aux autres Lépidosauriens qui constituent les Squamates. Sion
ne tient compte que de la faune actuelle, la dichotomie Sphénodontiens-
Squamates ne semble pas discutable. lvlais, si on considere les groupes
fossiles, le schéma devient moins simple, car des branches phylétiques du
lvlésozoïque peuvent s‘intercaler entre Fancétre commun aux
Sphénodontiens et aux Squamates d‘une part, et l’ancétre commun des
Squamates d'autre part (les Paliguanidae et Kuehneosauridae d’après
Carroll, 1988 a; Gephyrosaurtrs d'apres Evans, 1984 et Benton, 1985).
IV . LES SOUAMATES
L’unité des Squamates ne fait aucun doute; Estes et af. (1988) ont
donné une liste de 84 caractères confirmant la monophylie du groupe. Cet
ensemble correspond a un taxon du niveau du super-ordre (Underwood,
1957; Gens, 1978; Estes, 1983; Fiage, 1984) ou de |'ordre (Guibé, 1970;
Gàgêbtèrg, 1970; Dovviing, 1975; Flieppel, 1979 a; Benton, 1985; Carroll,
1 ).
Si la monophylie des Squamates ne prête pas à discussion, il n’en va
pas de méme pour leur phylogénie. Une analyse de cette phylogénie peut
s'appuyer sur une subdivision a priori du groupe en trois taxons: Lézards,
Amphisbaeniens, Serpents. Pour Gens (1978), ces trois groupes sont
d'ai||eurs de rang égal, proposition discutable comme nous le verrons.
Cependant, ce découpage en trois taxons permet une discussion aisée du
problème. Il ne faut toutefois pas oublier que les Dibamidae, voire les
22

Feyiinidae (Fiieppel, 1988 a), mériteraient eux aussi une attention
particulière. Amphisbaeniens et Serpents sont monophylétiques (voir oi-
dessous); en revanche, la monophylie des Lézards ne peut pas être
démontrée, ce qui rend plus complexe la question de leurs relations avec
les Amphisbaeniens et les Serpents.
A. Iulonophylie ou paraphylie des Lézards ?
On supposait, il y a plusieurs années, que les Serpents se distinguaient
trés nettement des Lézards. Underwood (1957, 1970), en s’appuyant sur
des caractères ophtalmologiques (structure de la rétine), a souligné les
profondes différences séparant Lézards (Amphisbaeniens inclus) et
Serpents; il concluait que les Serpents ne pouvaient descendre d‘aucun
groupe de Lézards encore connu actuellement. Frieppel (1978 a), qui se
fondait sur le cinétisme crânien, arrivait à des conclusions similaires.
D’autre part, en se basant sur le fait que le chondrocrâne des Serpents est
platybasique, alors que celui des Lézards est tropibasique, Hoffstétter
(1968) a supposé qu'i| s’agil de deux groupes indépendants, nés d’un
ancêtre commun, autrement dit que Lézards et Serpents sont deux groupés
frères (fig. 2, A1). Or, Carroll (1977) a considéré que certains fossiles (les
Paliguanidae), datant du Trias ou du Permien, étaient déià des Lézards de
type moderne. Ainsi, si on admet que Lézards et Serpents sont deux
groupes frères, il fallait alors supposer qu’ils avaient divérgé à partir d’un
ancêtre commun des le début du tvtésozoïque, voire des la fin du Primaire
(Ftage, 1982 b, 1984}. Toutefois, un tel point de vue, qui n'a jamais été
avancé que comme hypothèse liée a la démonstration de la monophylie
des Lézards (Rage, 1984), n'est ptus défendu. Rieppel (1979 b) a montré
que la nature platybasique (plus précisément semi-platybasique) du
choodrocrâne des Serpents résulte d’une pédomorphose, c’est-à-dire que
le type de chondrocrâne connu chez les Serpents peut dériver du
chondrocrâne des stades embryonnaires de Lézards. De plus, Bellairs
(1984) a signalé que la distinction entre ces deux états, platybasiqué et
tropibasique, n'est pas claire en quelques cas chez les Squamates. En
outre, si la rétine des Serpents diffère nettement de celle des Lézards, la
cause peut en étre simplement le passage, pour les Serpents, par une
phase fouisseuse ou plus probablement semi-fouisseuse; cette différence
de la structure rétinlenne peut donc résulter d’une période particulière de
|’hiStoiré des Serpents et ne pas refléter une divergence profonde entre les
deuxgroupes. Ceci conduit donc à envisager la possibilité d’une dérivation
des erpents à partir d'un groupe de Lézards. Cependant, si cette
possibilité semble réelle, voire probable, elle reste indémontrée.
Pour prouver que les Serpents descendent d’un groupe de Lézards,
c'est-à-dire que les Lézards sont paraphylétiques, il faudrait montrer que
les Serpents et le groupe de Lézards en question partagent des caractères
dérivés qui n'existent pas chez les autres Lézards. Or une telle
démonstration ne peut pas étre fermement établie (voir oi-dessous:
l’origine des Serpents). Uhypothése de la dérivation des Serpents à partir
de Lézards, en faveur actuellement, repose en fait sur |'impossibi|ité
d'étab|ir la monophylie des Lézards, que les Amphisbaeniens soient inclus
ou non dans ce dernier taxon. Cette monophylie n’étar¤t pas démontrée, la
23

paraphylie devient implicite et on est conduit à admettre que les Serpents
(mais aussi les Amphisbaenrens) descendent d’un groupe de Lézards qui
reste à determiner.
c"'a'®G% è<>°OG<\% `SÀ
60 5 *99 0 Jë
00 ic ge gc 0
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Lepidosauria
Squamata
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xëfô
B
Figure 2 : A: structure phylétique schématique des Lépidosauriens, Amphisbaeniens omis
(Aïïles Lézards étant supposés monophwéüques, hypothèse peu probahœ; A2:|es
Lézards étant supposés paraphwéüques, hypothèse la pws probabœ). B: shucune
phylètique des Lépidosauriens inspirée de Estes et al. (1988) pour les Squamates [avec
origine des Amphisbaeniens et des Serpents au sein des Scléroglosses}.
Plusieurs particularités anatomiques ont été avancées pour caractériser
les Lezards (Carroll, 1977; Ftieppel, 1978 b; Estes, 1983), mais elles ne
démontrent pas leur monophvlie; elles permettent simplement de distinguer
les Lézards des groupes voisins. Peu de caractéres ont été pro_poses pour
soutenir la rnonophylre de ce groupe. _Le trajet de sortie du crane du nerf
glossopharyngien a d'abord éte considéré comme un possible caractère
24

dérivé pouvant définir les Lézards (Plage, 1982 a); en méme temps, une
autre caractéristique, la fenestration du scapulo-coracoïde, était avancée
avec doute. Si on ne tient pas compte de ce dernier caractère, dont |’état
ne peut pas étre vérifié chez les Serpents, seul le traiet du nerf
glossopharyngien pourrait avoir une signification. En fait, Ftieppel (1984) a
pu montrer qu'il est variable chez les Lézards. En faveur de la monophylie
des Lézards, Flieppel (1988 b) a, par ta suite, avancé d’autres caractères
concernant la fissure métotlque, la stucture de la rétine et le
développement du thymus; cependant, il signalait lui—méme qu’iIs sont
douteux. En définitive, aucun caractère dérivé ne peut donc étre retenu de
façon certaine comme caractéristique des Lézards. Ainsi la monophylie de
ce groupe reste non démontrée et apparemment indémontrable; par
conséquent, les Squamates se composent trés probablement d’un groupe
souche, les Lézards, d'où dérivent les Serpents et les Amphisbaeniens (fig.
2, A2, B).
B. Phylogénie et classification des Lézards
Les Lézards représentent un groupe relativement ancien. Si l'on en
exclut les Paliguanidae du Trias, comme Carroll (1988 a) lui-méme semble
|'admettre, les vrais Lézards (= Lacertiliens) ne sont pas connus avant le
Jurassique supérieur; mais leur origine est probablement plus ancienne.
Que les Lézards soient monophvlétiques ou, comme nous l’avons vu,
plus probablement paraphylétiques, ils correspondent à une structure
phylétique qui doit servir de base à leur classification. Malheureusement,
peu de travaux ont été réalisés sur cette phylogénie et il n’existe aucun
accord. Il y a simplement consensus sur la subdivision de l'ensembIe en
quatre groupes majeurs (en ne tenant pas compte des Amphisbaeniens):
lguania, Gekkota, Scincomorpha et Anguimorpha (Hoffstetter, 1962;
Benous,19?9; Estes er af., 1988; Ftieppel, 1988 a; Russell, 1988; Presch,
1988; Schvvenk, 1988). Les Gekkotiens (Gekkonidae et Pygopodidae
seulement) et les Anguimorphes sont monophylétiques. En revanche, la
monophylie des Scincomorphes, quoique probable, reste quelque peu
douteuse (Ftieppet, 1988 a). En ce qui concerne les lguaniens, la
monophylie ne peut pas être démontrée (Estes et af., 1988; Frost et
Etheridge, 1989); le taxon, peut-étre paraphylétique, pourrait former le
groupe souche des Lézards. La composition de ces groupes, généralement
placés au niveau de Pinfra-ordre, varie assez peu en fonction des auteurs.
L‘analyse des relations entre ces différents taxons conduit à des
interprétations divergentes comme le montre la figure 3 (A, B, C). Si
plusieurs phylogénies ont été proposées, seuls Estes et al. (1988) ont
récemment présenté une classification. Cette derniére, d'esprit cladiste et
fondée sur leur phvlogénie, se présente sous la lorme de taxons emboïtés
(classification indentée): (Squamates (lguania, Scleroglossa (Gekkota,
Autarchoglossa (Scincomorplta, Anguimorpha)))); aucun rang taxonomique
précis n'est accordé à ces taxons (fig. 3, D). Notons aussi que, considérant
que les Lézards sont paraphylétiques, ces auteurs ont classé comme
incerfee sedfs les groupés dont ils n’ont pas réussi à trouver les relations:
Serpents, Amphisbaenlens et Dibamidae. Toutefois, l’incertitude, en ce qui
concerne ces trois taxons, n'est pas totale à |’intérieur des Squamates; ils
25

ne semblent pas devoir étre apparentés aux lguania et ils sont donc
considérés incertae sedis à |'intérieur des Scleroglossa. Cependant, en ce
qui concerne les Amphisbaeniens et les Serpents, des propositions plus
précises ont été avancées (voir ci-dessous).
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Scincomorpha
C D Anguîmorpha
Figure 3 : A, B, C: structure phgléticëue des Lézards, Amphisbaeniens omis (A: d'après
Rieppel, 1988 a et Estes et ar'., 1 88. : d’aprés Russell, 1988. C: d‘apres Presch, 1988 et
Schwenk, 1988). D: classification indentèe des Squamates, d'apfés Estes et ar'., 1988.
C. Les Amphisbaeniens
Les Amphisbaeniens forment un ensemble bien caractérisé,
monophylétique (Gans, 1978; Rage, 1982 a; Estes et af., 1988).
Curieusement, leur nature reptilienne a ete mise en dlouteë par|Zang|er|
(1945) et Kesteven (1957), mais leur placement dans es epti es, pus
précisément dans les Lépidosauriensë n’est pluô discutég Les
classifications proposées sont purement ph notypiques. anzo ini 1 51) a
reconnu une seule famille (Amphisbaenidae) subdivisée ent trois sous-
famillesz Amphisbaeninae, Rhineurinae, Trogonophiinae. Par a suite, ces
trois sous-familles ont_ été _éievées au rang familial et une quatrième
famille, Bipedidae, a éte distinguée. Il s'ag¤t I du découpage actuellement
admis (Gans, 1978; Estes, 1983).
25

La phylogénie du groupe reste inconnue. Seules seront donc
considérées, ici, les relations des Amphisbaenierrs avec les autres
groupes. Ils sont connus de façon certaine depuis le Paléocéne (Estes,
1983), mais un probable amphlsbaenien a été signalé dans le Crétacé
terminal (Astibia et af., 1990); en fait, leur origine est certainement
beaucoup plus ancienne. Longtemps inclus dans les Lézards comme une
super-famille (Camp, 1923) ou un infra-ordre (Vanzolini, 1951; Underwood,
1957), ils ont souvent été considérés comme un taxon distinct aprés les
travaux de Zangerl (1944, 1945), se plaçant alors au rang du sous-ordre
(Hoffstetter, 1962; Benton, 1985) ou de I’ordre (Gans 1978; Estes, 1983).
Toutefois, méme reconnus distincts des Lézards et des Serpents, ils ont
presque toujours été regardés comme plus proches des Lézards; le travail
de Gans (1978) illustre parfaitement un tel point de vue. Mais, à |'occasion
d’une analyse phylétique des Lépidcsauriens (Rage, 1982 a), les
Amphisbaeniens sont apparus plus étroitement apparentés aux Serpents
qu’aux Lézards: Amphisbaeniens et Serpents représentaient deux groupes
freres. Bien que Rieppel (1988 b) lui ait prêté une certaine attention, ce
résultat a priori surprenant n’a jamais été accepté mais n'a pas pu être
réfuté. Estes et af. (1988) ont réalisé une analyse phylétique des
Squamates basée sur 148 caracteres et traitée sur ordinateur à l‘aide de
deux logiciets différents. Les résultats obtenus avec l'un des logiciels
plaçaient, là encore, Amphisbaeniens et Serpents en position de groupes
frères. Cependant, les auteurs n'ont pas considéré comme indiscutables
les relations fournies par l'ordinateur, ce en quoi ils ont raison, et ils les ont
corrigées. Ainsi, ils n’ont pas admis les relations Amphisbaeniens-
Serpents, invoquant que des convergences devaient avoir faussé
I’anaIyse. Ils n‘ont pas proposé d'autre solution à propos des
Amphisbaeniens; c’est ainsi qu'ils ont été conduits a les placer dans les
Scferoglossa en tant quüincerrœ sedfs. Cette incertitude s'accorde bien
avec la divergence des opinions de ceux qui ont tenté de trouver les
affinités plus précises des Amphisbaeniens: ces derniers seraient
apparentés aux Scincomorpnes d’aprés Camp (1923), Bogert (1964),
Bühme (1981) et Schvvenk (1988), aux Gekkota pour Presch (1988), aux
Dibamidae (Greer, 1985) ou, étant exclus des Lézards, ils pourraient être
soit plus étroitement apparentés à ces derniers qu’aux Serpents (Gans,
tggg), îoit, au contraire, plus fortement apparentés aux Serpents (Rage,
1 a .
En conclusion, et en faisant abstraction de mon point de vue personnel
(existence de relations Amphisbaeniens-Serpents), |'opinion de Estes et al.
(1988), qui considèrent les Ampnisbaeniens comme des Scleroglossa
incertœ sedfs, semble la plus appropriée actuellement (à condition que les
Serpents soient aussi inclus aux Scleroglossa).
D. Les Serpents
McDowell et Bogert (1954), a l‘occasion d’un travail sur les
Anguimorphes, avaient considéré que les Typhlopidae (Anomalepididae
inclus) dérivaient de Lézards anguioïdes, alors que les autres Serpents
(Leptotyphlopidae inclus) seraient nés à partir de Varanoïdes. En d‘autres
termes, les Typhlopidae (et Anomalepididae) étaient exclus des Serpents
27

(ou les Serpents étaient polyphylétiques). Ce point de vue original n’a pas
eté Suivi et McDowell lui-mêrne reconnaissait en 1967 |’unité des Serpents.
Depuis, cette monophylle n’ajarnais été mise en doute. Les plus anciens
Sgëtàînts connus proviennent de la partie moyenne du Crétacé (Cuny et af.,
1 .
S’il y a unanimité sur la monophylie du groupe, il n’existe aucun accord
sur la phylogénie des Serpents. A la différence des Lézards, pour lesquels
peu d’hypotnèses phyletiques ont été avancées, les propositions sont
relativement nombreuses dans le cas des Serpents. Il n’est pas possiblé
d'aborder ici tous les problémes concernant cette phylogénie, seuls
quelques aspects seront évoqués.
1. L’origine des Serpents
Si on admet la paraphylie des Lézards, c’est obligatoirement au sein de
ces derniers que se situe l’origine des Serpents. Certains Squamates
fossiles serpentilormes du Crétacé pourraient ètre apparentés à la souche
des Serpents (Rage, 1987), ils pourraient même appartenir à cette souche.
Malheureusement, la position systématique de ces fossiles reste inconnue;
leur nature varanoïde (s’i| ne s'agit pas de Serpents) a parfois été évoquée,
mais jamais démontrée. Les affinités de ces fossiles restant douteuses, il
convient de rechercher à quel groupe de Lézards actuel les Serpents sont
le plus étroitement apparentés, méthode de toute façon plus profitable ici.
Parmi les quatre groupes mateurs de Lézards, seuls les lguaniens n’ont
jamais été proposés comme proches parents des Serpents. Les
Gekkotiens, surtout les Pygopodidae, ont été évoqués par Underwood
(1957) comme possible groupe proche des Serpents. En fait, Undervvood
lui-même a indiqué qu’il n'avançait ainsi qu'une contre-proposition à
Fhypothése de relations Varanoïdes-Serpents alors en faveur. Les
Scincomorphes, leurs formes fouisseuses essentiellement, ont été
proposés par Brock (1941) qui se basait sur la morphologie crânienne. Plus
récemment, une étude de distances immunologiques (Blanc, 1981),
s‘acoordant avec la paraphylie des Lézards, a suggéré de possibles
affinités entre Sclncomorphes et Serpents. La plus largement admise des
hypothèses est celle qui, depuis Cope (1869), suppose d'étroites relations
entre Serpents et Anguimorphes (plus exactement les Varanoïdes); elle a
été soutenue par plusieurs auteurs dont McDowell et Bogert (1954),
lvlcDowel| (1972), Bellairs (1972) et Schvvenk (1988). Cette hypothèse
repose en grande partie sur des caracteres de l’appareil de préhension,
certains pouvant correspondre a des convergences. Outre ces grands
groupes de Lézards, Senn et Northcutt (1973) ont suggéré, d’après la
structure de l’encépha|e, des affinités Serpents-Dibamus; mais il resterait à
trouver les relations de Dibarnus au sein des Lézards. En outre, Gasc et
Fienous (1979) ont noté que |'éventuel rapprochement entre Dfbamus et les
Serpents semble reposer sur des convergences. Enfin, il reste le cas des
Amphisbaeniens qui, nous l’avons vu, ont été proposés comme groupe
frère des Lézards. Dans une récente critique de ce problème, Fiieppel
(1988 b) n’a retenu comme plausibles que les possibles relations Serpents-
Varanoïdes ou Serpents-Amphisbaenlens. Quoi qu’il en soit, cette question
est loin d'étre réglée.
28

2. Les Scolécophidiens
Dans les phylogéntes les plus récentes, si on ne tient compte que des
Serpents actuels, les Scotécophidiens (Typhlopidae, Anomalepididae,
Leptotyphlopidae) constituent un groupe monophylétique qui s’oppose aux
autres Serpents, les Aléthinophidiens. Autrement dit, Aléthinophidiens et
Scolécophidiens sont deux groupes freres (Fiieppel, 1979 a, 1988 a; Fiage,
1984, 1987) et la subdivision en Scolécophidiens, Hénophidiens et
Caenophidiens (Hoffstetter, 1939; Underwood, 1967) doit étre
abandonnée; les Hénopnidiens correspondent simplement à un grade au
sein des Aléthinophidiens. Toutefois, pour Dovvling (1975) les
Scolécophidiens représenteraient une radiation relativement mineure; ils
s’apparenteraient aux Uropeltidae. Dans sa classification, les
Scolécophidiens forment, avec les Uropeltidae, une super-famille des
Typhiopoidea qui s’intercale entre les Etooidea et les Colubroidea. Dowling
semble ainsi considérer que les Scolécophidiens (et les Uropeltidae)
dérivent d’une souche boo'ide.
Les Scoiécopltidiens, comme les Uropeltidae, sont d‘authentiques
fouisseurs. Ceci entraîne une premiére remarque: les caractères
conduisant a associer Scolécophidiens et Uropeltidae pourraient être des
convergences liées a ce mode de vie; cette question de possibles
convergences a déja été relevée (Rage, 1984). Mais, il faut aussi noter
qu'un mode de vie réellement louisseur a modifié profondément l’anatomie
des Scolécophidiens. Ainsi, il n'est pas absolument impossible d'imaginer
que la vie fouisseuse ait pu conduire d‘un Booide banal à une organisation
de type scolécopnidien. Cependant, cela reste à démontrer et,
actuellement, tous les arguments disponibles tendent à montrer que les
Scolécophidiens ne représentent pas une radiation secondaire, mais
correspondent à l’une des deux subdivisions majeures des Serpents.
3. Les Acrochordoïdes
Pendant longtemps classés dans les Colubridae, les Acrochordinae ont
vu leur rang taxonomique s'élever pendant que leur position systématique
changeait. Hoffstetter et Gayrard (1964) et Undervvood (1967) ont éievé le
groupe au niveau familial et ont montré qu'il ne s’agit pas de Colubridae, ni
même de Caenophidiens (= Colubroïdes); d'aprés ces auteurs, les
Acrochordidae s'apparenteraient a des Serpents plus primitifs
(«Hénophidiens» = Booides + Anilio`ides). Sur des bases paléontologiques,
j'ai parla suite (Fiage, 1978) rapproché les Acrochordidae des Colubro`ides,
en les considérant comme groupes frères (par conséquent, ils étaient
élevés au rang de super-famille a l’égal des Coiubroïdes). Fiieppel (1979 a,
1988 b) a, lui aussi, argumenté en faveur de ces mêmes relations (fig. 4,
A1). Les affinités entre ces deux groupes ont aussi été reconnues par
Groombridge (1979) qui ne proposait pas, cependant, de relations
phylétiques précises. Mais, a partir de données biochimiques, Dovvting et
ai. (1983) sont revenus a l‘ancienne conception, en plaçant ie groupe dans
les Colubridae (tribu des Acrocnordini appartenant aux Homalopsinae).
inversement, en se fondant sur la présence de caractères trés primitifs,
29

McDowell (1987) a considéré les Acrochordoïdes comme très isolés_ au
sein des Aiéthinophidiens; sans le formuler, il semble que lv1cDowei| estime
que les Acrochordoides forment le groupe frere des autres
A|é1hin0phidi9r1S (fig. 4, A2). _
Parmi ces propositions, celle de Dowling et af. (1983) ne parait pas
pouvoir être suivie, comme I’a déjà signale McDowell (1987); les
Acrochordoïdes ne sont pas des Colubridae. En revanche, le_s deux autres,
ACr0Ch0rd0ïCleS groupe frere UBS QOIUÈIYOIUBS Ou groupe frere des êtutr8S
Aléthînophidiens, paraissent plausibles; elles devront être réévaluées.
-a*° ·> un —¢s° Ge ,;~.¤"°
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9
-2
B2
B1 ·l
-1
Figure 4 : AZ structure phylétique des Serpents et position des Acrochordoïdes (A1:
Acrochordoïdes groupe frère des Colubroides; Rage, 1984; Flieppel, 1988 a. A2:
Acrochordoides groupe frére des autres Aléthinophidiens; McDowell, 19872]. B: structure
phylétique schèmatisèe des Cclubrcïdes, Atraciaspididae omis et aglyp es supposés
monophyièliques (B1: la fonction venimeuse etant considérée comme caractère dérivé; 1,
2, 3: apparitions indépendantes de la fonction venimeuse (nombre minimum d'apparitions).
B2: la fonction venimeuse étant considérée comme primitive chez les Colubroides; 1:
apparition de la fonclion venimeuse, 2: perte de la fonction vemmeuse).
30

4. La fonction ve rtimeuse: état primitif ou état évolué chez les Colubroîdes?
Il est trés largement admis que la fonction venimeuse est un caractère
dérivé chez les Serpents et que les formes venimeuses sont les plus
évoluées. Pourtant, comme Undervvood (1967) l‘a suggéré, il semblerait
que chez les Colubroïdes (Colubridae, Elapidae, Viperidae,
Atractaspididae), cette fonction soit un caractère primitif. D’après cet
auteur, des Colubridae aglyphes dériveraient de Colubridae
opisthoglyphes. lvlcDowell (1975) a ensuite estimé que l’absence de glande
de Duvernoy chez les Colubridae est secondaire. En d’autres termes, les
premiers Colubroïdes pourraient avoir été venimeux et cette fonction aurait
été perdue chez certains d’entre eux, les Colubridae «aglyphes», qui
seraient donc plus évolués. Pour Cadle (1982), qui s’appuie sur des
données immunologiques, les Serpents venimeux dériveraient directement
de la souche des Colubroïdes, suggérant ainsi que ta fonction venimeuse
pourrait avoir été présente chez les membres de cette souche, opinion qui
s’accorde avec les points de vue de Undervvood et Mcûowetl.
A l’appui de cette hypothèse, peut étre utilisé un autre argument: il est
plus «économique» (plus «parcimonieux», en terme cladiste) d’envisager
que la fonction venimeuse est primitive chez les Colubridae. En effet, aussi
surprenant que cela puisse paraître, il est logique de considérer que la
fonction venimeuse est apparue avec les premiers Colubroides et qu’elle a
ensuite été perdue par certains membres du groupe. Si on considère la
phylogénie probable des Colubroïdes (Atractaspiclidae non placés, leur
position restant inconnue) (fig. 4, B), on s‘aperçoit qu'admettre la nature
évoluée de la fonction venimeuse (les premiers Colubroïdes n‘étant pas
venimeux) implique que cette fonction soit apparue au moins trois fois de
façon indépendante: chez les Viperidae, les Elapidae et les opis-
thoglvphes. Si les opisthoglyphes sont polyphylétiques (comme c’est
probable) et si les Elapidae le sont aussi (ce qui n’est pas absolument
impossible), il y aurait au moins cinq apparitions indépendantes du venin
(compte non tenu des Atractaspioidae), ce qui parait invraisemblable (fig.
4, B1). En revanche, admettre que les premiers Colubroïdes étalent
venimeux, donc que les Colubroïdes non venimeux représentent un état
dérivé, n’imp|ique qu’un seul événement: la perte de la fonction venimeuse
chez les Colubroïdes aglyphes (en supposant qu’ils sont monophylétiques,
ce qui est possible), (fig. 4, B2). Cette derniére hypothèse sembte donc la
plus probable.
V- REMARQUES D’0RDRE TAXONOMIQUE
Les divers résultats obtenus ces derniéres années, au sujet de la
phvlogénie des Lépidosauriens, ont entraîné un certain nombre de
conséquences.
L’une des principales découte de la mise en évidence de la paraphylie
des Lézards. Ces derniers, formant le groupe souche des Serpents et des
Amphisbaeniens (fig. 2, B), ne devraient logiquement pas pouvoir
correspondre a un taxon ou, si le taxon des Lacertiliens est maintenu, il
devrait inclure les Serpents et ies Amphisbaeniens; mais. dans ce cas, il
31

devient synonyme de Squamates. Gauthier et ar'. (1988b) recommandent
donc i‘abandon du terme Lacertilia. Cependant, si la logique (et les
cladistes les plus intransigeants) réclame l’abandon des taxons
paraphylétiques, il est difficile de lutter contre un usage établi depuis
longtemps et, aussi, contre une certaine réalité anatomique sur laquelle
s’appuie cet usage. Ainsi, l'inclusion des Serpents aux Lacertiliens ou aux
Scléroglosses, sur un pian purement taxonomique, sera sans doute
difficilement admise et peu, ou pas, suivie. Certains admettent la
reconnaissance de taxons paraphylétiques (voir ci—dessus); cette solution
paraît satisfaisante dans bien des cas, dont celui des Lézards. Il semble en
effet préférable de conserver un taxon comme les Lacertiliens, étant
clairement admis que ces derniers sont paraphylétiques.
Les Sphenodontiens ont, pendant longtemps, été nommés
«Fihynchocépha|es» (Flomer, 1966; Guibé, 1970; Ginsburg, 1970). On
associait alors un groupe fossile du Trias, les Fihynchosaures, aux
Sphénodontiens. ll a maintenant été démontré que ces derniers ne sont
pas apparentés aux Sphénodontiens, il s’agit d’Archosauromorphes. Bien
qu’encore utilisé par Gauthier etai. (1988 b), le terme Flhynchocéphale, qui
évoque une parenté avec les Flhynchosaures, doit être évité.
Enfin, le terme Sauria, créé par McCartney (1802), s'appliquait, à
|'origine, au regroupement des Crocodiliens et des Lézards. Par la suite, la
signification du terme s’est modifiée et Sauria a désigné uniquement les
Lézards (voir, parmi les exemples les plus recents: Estes, 1983; Benton,
1985). Gauthier et ai. (1988 b} ont repris l’esprit initial du terme, tout en le
modifiant puisqu’il désignait un groupe paraphylétique; ainsi, pour eux, les
Sauriens correspondent au groupe rnoncphylétique le plus restreint qui
renferme les Crococlitiens et les Lézards, c’est-à-dire que Saurien désigne
I‘ensemble des Archosauromorphes (Oiseaux inclus) et des
Lépidosauromorphes. Pour Gauthier etai., les Sauriens comprennent donc
tous les Diapsides, à I’exception de quelques fossiles, les Araeoscelldiens,
du Carbonilére et du Permien. En raison de ces conceptions différentes,
|’uti|Esation du terme Sauria, pour désigner les Lézards, doit être
alâagdonnée; le terme s’appliquant à ces derniers est Lacertilia Owen,
1 4 .
VI. CONCLUSIONS
On doit retenir que sont bien établies la monophylie des
Sphénodontiens, celle des Squamates, des Amphisbaeniens et des
Serpents. De méme, on peut considérer comme démontré que
Sphénodontiens et Squamates représentent deux groupes frères dans la
faune actuelle. La paraphylie des Lacertiliens semble maintenant probable,
les Lézards formant le groupe souche d’où dérivent Amphisbaeniens et
Serpents.
Parmi les principales questions qui restent à régler, l‘établissement de
la phylogénie des Lézards semble primordial. Les relations précises entre
Amphisbaeniens, Serpents et Lézards demeurent énigmatiques. Il ne s'agit
ici que des principaux points non résolus; beaucoup d’autres questions,
chez les Squamates, réclament encore une solution.
32

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_ _ J.C. RAGE
Laboratoire de Paléontologie des Vertèbrês
_ Université Parts 6, Case 106
4, Place Jussieu, 75252 PARIS cedex 05 (France)
36

Bull. Soc. Herp. Fr. (1992} 62 : 37-45
ESTIMATION DE ,L’AGE
DE Mesalrna olivier: (FIEPTILIA, LACERTIDAE)
par
Saïd Nouira
Résumé : Uanalyse squelettochronglogiqua réalisée sur 148 lézards appartenant à deux
populations de Mesaiina oiivieri des iles Kerkennah a permis de déterminer Page individuel
des animaux. Cette étude a été réalisée en 1981 peu de temps aprés la sortie de
Fhibernation. La population A (Ile Gharbi) était alors composée de 76% d'animaux de 1 an
et de 23% de 2 ans; un seul individu de |'échantil|on soumis à |’ana|yse
squelettochronologique a atteint Vâge de 3 ans. La population B (ile Cltargui) était en
revanche caractérisée par une grande proportion d'indivldl.ls âgés. Les lézards de 1 an y
représentaient 44%_de l‘ellectil total, ceux de deux ans 47%. Un seul individu etait âgé de
5 ans. Enlin, cette etude a permis de discriminer et de séparer les individus issus cle la
Elremiere et de la deuxieme ponte.
ots·clés : Mesaiirra orivieri. Squelettochronologie. Démographie. Tunisie.
Summary : Through skeletochronological analysis, 148 Mesarrna oirvrerr from two
populations on the Kerkennah Islands were aged in 1981 shortly alter emorgence from
ibernation. The population on Gharbi consisted of 76% yearllngs and 23% 2-year-old
Iizards, with a single 3·year·o|d individual. On Chargui, 44% were yearlings and 47% 2-
year-olds. Maximum Ille span was 5 yars. Skelstoohronological analysis allowed
hatohlings lrom the lirst egg-Iaying period to be separated from the second.
Keywords : Mesaiina oiivieri. Skeletochronology. Age structure. Tunisia.
I . INTRODUCTION
L'étude démographique des populations nécessite de connaître |’age
des individus _qu1 les constituent. L’acqulsttron de cette information
demande la miser au point d'urte technique propre a chaque catégorie
d'espèces considérées (Lamotte et Bourliére, 1975). En ce qui concerne
les reptiles, plusieurs méthodes ont été décrites (Saint«Gir0rts, 1975;
Turner, 1977). lviats la plupart, a |'e><ception du suivi individuelin narura par
capture-marquage-recapture, conduisent souvent à des résultats imprécis.
Ljanalyse squelettochronologique est l'une des méthodes qui, chez les
Verteorés, permet d’éva|uer l’age individuel des animaux avec une bonne
précision (Castanet, 1982). De plus, elle apporte d’autres informations
telles que Page a la maturité sexuelle et la longévité dans la nature. La
Manuscrit accepté le 7 février 1992
37

squelettochronologie consiste à identifier, compter et interpréter les lignes
d’arrét de croissance (l..A.Cl)3 (Castanet, 1974) observées sur des coupes
transversales d’os longs. es L.A.C. correspondent à des périodes
d’inactivlté (hibernation ou estlvation) des animaux dans leur milieu
naturel. Actuellement la squelettochronologie est de plus en plus employée
en démographie (Smlrina, 1974; Barbault etat., 1979; Barbault etai'., 1980;
Castanet et Fioche, 1981; Pilorge et Castanet, 1981; Nouira et al., 1982;
Nouira, 1987; Saint-Girons et al., 1989; Castanet et Baez, 1991).
C'est dans cette perspective que nous utilisons ici cette méthode chez
Mesaiina olivieri, dans le cadre de recherches sur l'organisation et la
dynamique d’un peuplement de lézards des Iles Kerkennah.
lt. utATÉalEL ET MÉTHODES
A. Le milieu
L’ïie Gharbi (Ouest) et l’ï|e Chargui (Est), forment les Iles Kerkennah
(34° 46’ Lat. N., 10° 05’ Long. E,). Les précipitations fluctuantes d’une
année à l’autre (69 à 525 mm), sont en moyenqe de 283 mm. La
température oscille autour de l9°C ce qui place les lles Kerkennah dans
l'étage bioclimatique méditérranéen aride supérieur a hiver chaud.
Dans le cadre de Fétude plus générale entreprise sur Vorganisation
écologique de la communauté des Lacertidés, deux stations ont été
choisies. L’une, sur I’île Gharbi (station A), est à la bordure de Sebket
Henchir Salem à 2 Km S.E. de lvlellita où Mesalfna olivieri vit en sympatrle
avec Acanthodacrylus paro’ait’s. L.’autre, sur |’île Chargui (station B), est
localisée sur des petites dunes en plein centre de Sebket Alif Ennltal à 1,5
Km de Fiamla. La population de Mesalina olivier! est dans ce cas
alloènatrique. On parlera dans le texte de populations de Mesalina o:'ivieri' A
et .
B. L’espéoe
Mesalina olivieri (Audouin, 1829) est un petit Lacertidae ovipare qui
produit chaque été deux pontes espacées de deux mois environ. Les
jeunes issus de la premiére ponte éclosent fin juillet; ceux qui proviennent
de la deuxième ponte éclosent a la fin septembre, peu de temps avant
l'entrée en hibernation.
La taille moyenne (tongueur museau-cloaque) des juvéniles est de 25
rnm début août; celle des adultes (en mai) est de 37,5 mm dans la
population A et 38 mm dans la population B.
La structure par taille dillere entre les deux populations. Màles et
femelles ont des tailles identiques (37,51 mm +l- 1,80 et 37,14 mm +i-
1,26) dans la population A. En revanche, la taille moyenne des lemelles est
supérieure à celle des mâles (39,07 mm +,l- 1,25 contre 37,14 mm +,i— 1,43)
dans la population B. Cette différence est hautement significative (p < 0,01,
test t pour 28 mâles et 29 femelles).
38

1
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Figure 1 : Coupes transversales des diaphyses fêmorales de lézards d'àges différents
illustrant les divers stades decroissance dans les deuxdpopulations de Mesatina olivier!. a
et a’ - stade 0. b = stade 1. o = stade 2. d = sta e 3. e - stade 5.
1, 2, 3, ¢1,‘5, : lignes d'arrêt de croissance [l.,A.C.). L.n = ligne de naissance. L.r. - ligne
de résorption. O. end. = Os endosteat. 0. emb. = Os embryonnaire. 0.p. emb. = Os post-
embryonnalre. C. med. = Cavite medullaire. Toutes les photos sont au même
agrandissement.
39

C. Le protocole expérimental
L’essentie| de |’étude porte sur 148 lézards adultes capturés en mai
SB1 sur les deux sites d’étude (91 lézards prélevés au site A et 57 au site
Pour analyser la structure osseuse des individus à leur naissance, un
échantillon supplémentaire de 12 juvénlles provenant de deux localités a
également été utilisé. Ces jeunes lézards dont Page ne dépasse pas deux
semaines ont été sacrifiés au mois d’août 1980.
Aprés fixation des lézards dans l’alcool 70°, les fémurs sont prélevés
puis décalcifiés dans l’acide nitrique 3% pendant 15 heures. Cette
opération est suivie d’un rinçage à l’eau courante (plus de 24 heures). Les
os sont ensuite conservés dans l’eau distillée. Des coupes de 18 um
d’èpaisseur sont réalisées dans la région diaphysaire de l’os à |‘aide d’un
cryostat. Les coupes sont colorées à Vhématoxyline d’Ehrlich pendant 45
minutes et montées entre lame et lamelle en résine aqueuse aprés avoir
été rincées deux fois à l’eau de robinet pendant 10 minutes.
Ill. RESULTATS
1 - Analyse squelettocbronologique
L'observation des coupes hfstologiques nous a permis de reconnaître
un stade de croissance osseuse chez les juvéniles appelé arbitrairement
«stade 0», 3 stades chez les adultes de la population A et 4 chez ceux dela
population B.
Stade 0 (fig. 1, a et a'): la figure 1a représente une coupe réalisée dans
le fémur d’un juvénile de 29 mm de longueur museau-cloaque, capturé au
mois d’août 1980, deux semaines environ aprés l'éclosion. Cette figure
montre une L.A.C. hématoxylinophile qui sépare vraisemblablement l’os
embryonnaire de l’os formé entre la naissance et le moment de la capture.
Elle se met en place sans doute peu de temps aprés l'éclosion et traduit
probablement un arrét de croissance de l’animal ayant épuisé son vitellus.
doute peu de temps aprés l'éciosion et traduit probablement un arrêt de
croissance de l’aniinal ayant épuisé son vitellus. Cette L.A.C. correspond
donc à une «|igne>· de naissance (L. n.), déjà rencontrée chez d'autres
espèces de lézards (Smirina, 1974; Castanet, 1978; Pilorge et Castanet,
1981; Nouira et ai., 1982; Nouira, 1987}. On observe par ailleurs, un léger
dépôt d’os endostéal (croissance centripéte) bordant la cavité médullaire et
séparé de l’os par une ligne cimentanle de résorption, sinueuse, plus ou
moins crénelée à l'inverse des L.A.C. et de la ligne de naissance qui ont
toujours une allure régulière. De plus, l’os endostéal comme l’os post-
embryonnaire retiennent mieux le colorant et apparaissent plus foncés que
l’os embryonnaire; ces caractéristiques facilitent l'interprétation
squelettochronologique.
La deuxième coupe (fig. 1 a') a été réalisée dans le fémur d’un
nouveau-né de 22 mm capturé peu de temps aprés |’éc|osicn. Ce lézard est
40

au début de sa phase de croissance active. La ligne de naissance est à
peine individualisée a la périphérie du fémur.
Stade 1 (fig. 1 b} : sur cette coupe effectuée au niveau de la diaphyse
fémorale d'un mâle de 35 mm, on distingue deux L.A.C. : une de naissance
et une correspondant, selon toute évidence, à la premiére hibernation de
l’anin·1a|. t.’os endostéal plus important que dans le cas précédent tend à
réduire le diamètre de la cavité médullalre.
Stade 2 (fig. 1 c) : cette coupe effectuée sur le fémur d’une femelle de
40 mm montre une ligne de naissance et deux L.A.C.
Stade 3 (fig. 1 d) : ce stade est illustré par une coupe transversale du
fémurd’un mâle de 37 mm. Ce lézard apparemmentjeune, a trois L.A.C. en
plus de la ligne de naissance, ce qui correspond à trois hivers subis par cet
animal. Les zones séparant les L.A.C. ont sensiblement la même largeur.
Stade 5 (fig. 1 e) : cette coupe réalisée sur le fémur d'un mâle de 39 mm
montre outre la présence des 3 L.A.C. décrites dans le stade précédent,
l'existence de deux nouvelles L.A.C. L’anima| aurait donc subi 5 hivers. Les
différentes couches osseuses sont d'épaisseurs sensibiement égales; la
premiére couche déposée aprés la l..n. est réduite dans ce cas.
2 - Evaluation de l'âge et analyse de la structure des populations
Un examen comparatif de Vensemble des coupes a mis en évidence une
différence dans l’aspect de la premiére couche osseuse post-natale.
Placée entre la ligne de naissance et la L.A.C. correspondant à la
premiére hibernation, cette zone est assez large chez un premier groupe
d’individus, mais plus étroite chez un second groupe (voir la différence
entre la fig. 1 b et lafig. 1 e). Cette différence d‘épaisseur du premier dépôt
osseux post-natal indique que les lézards de ce premier groupe sont nés
tot en saison (vers fin juillet) et restent en activité environ trois mois avant
leur premiére hibernation. Les lézards du second groupe proviennent plus
probablement de la deuxième ponte de l’année (fin septembre). Ces
derniers entrent, en effet, en hibernation juste après la naissance et ne
disposent donc que de peu de temps pour croître cette année·là. Ainsi, si
l’on admet Phypothèse que chaque L.A.C. correspond à un hiver, les
animaux présentant une ligne de naissance et une L.A.C. (stade 1) au mois
de mai ont donc 9 ou 7 mois suivant qu’ils proviennent de la premiére ou de
la seconde ponte. Pour faciliter Vinterprétalion, les deux catégories seront
groupées en une seule cohorte, celle des lézards de 1 an. Les stades 2, 3
et 5 correspondent respectivement a des lézards agés de 2, 3 et 5 ans. Le
stade D caractérise les animaux n’ayant pas encore subi d‘hivernage.
lïéchantillon de la population A est formé d’animaux de 1 et 2 ans à
Pexception d’un seul individu qui avait 3 ans. Par contre, la longévité
maximale est évaluée à 5 ans dans ta population B (voir fig. 2).
Dans la population A, le pourcentages des individus formant les
différentes cohortes annuelles est identique entre les mâles et tes femelles.
41

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De méme, la taille moyenne des individus de chaque génération est
similaire entre les deux sexes. Tout sexes confondus, la population adulte
serait formée en mai de 75,8% d’animaux de 1 an, 23,1% de 2 ans et 1,1%
de 3 ans. La taille moyenne est respectivement de 37,2 mm et 39,2 mm
pour les individus de 1 et 2 ans. Le seul individu âgé de 3 ans a 37 mm de
longueur.
En revanche, plusieurs différences peuvent étre dégagées dans la
population B. Les cohortes 1 et 2 présentent des tendances inversées : le
groupe des mâles est formé de 53,6% d’animaux âgés de 1 an, 35,7% de 2
ans, 7,1% de 3 ans et 3,6% de 5 ans. Celui des femelles compte 34,5%
d'animaux de 1 an, 58,6% de 2 ans et 6,9% de 3 ans. Toutefois, la st%1cture
d’àge des deux groupes n’est pas significativement différente (X , p <
0,05). En confondent les deux sexes, la population B adulte est formée en
mai de 43,9% d'animaux de 1 an, 47,4% de 2 ans, 7,0% de 3 ans et 1,7%
de 5 ans. Par ailleurs, la taillé moyenne des femelles de chaque cohorte
est toujours plus grande que celle des mâles, avec une différence de 2 mm
environ â âge égal dans les deux premières cohortes et de 3 mm dans la
troisième. Les animaux âgés de 1, 2 et 3 ans ont respectivement une taille
moyenne de 36,7 mm, 37,4 mm et 38,0 mm chez les mâles (le seul mâle
ayant 5 ans mesurait 39 mm) et de 38,0 mm, 39,5 mm et 41,0 mm chez les
femelles. Cependant, les tendances observées dans les deux premières
cohortes ne sont pas significatives (test t, p < 0,05). Seule la différence
entre la taille moyenne des mâles et celle des femelles âgés de 3 ans est
significative.
L’anaIyse de la largeur de la premiére couche osseuse montre que pour
la population A, 82% des lézards sont issus de la premiére ponte et 18% de
la deuxième. La population B est formée de 77% d’animaux provenant de la
première ponte et 23% dela seconde. Cette différence est significative. On
retiendra donc que la deuxième ponte est plus importante dans la
population B relativement â celle de la population A.
IV . DISCUSSION ET CONCLUSION
L’application de la méthode des maximums successifs (Daget et Le
Guen, 1975) aux histogrammes de tailles des deux échantillons ne permet
de séparer que les lézards de premiére année de ceux des autres classes
d'âge qui restent groupées: la gamme de taille des adultes de l'espéce
étudiée dans le présent travail est trop réduite pour qu'il soit possible de
distinguer les diverses classes d’âge. En revanche, la squelettochronologie
nous a permis de distinguer ces différentes classes d’âge et de confirmer
Fexistence de deux périodes de ponte pour les populations étudiées.
Cette étude nous a également permis de mettre en évidence des
différences dans la structure démographique pour l’année d’étude et la
longévité maximale entre les deux populations différemment localisées.
Concernant les proportions des individus issus de chaque ponte, il est
intéressant de comparer les résultats obtenus par cette méthode â ceux de
i’étude de la fécondité de l'espéce (Nouira, 1986). En effet, le
dénombrement des oeufs oviductaires et ovariens destinés respectivement
à la premiére ou la seconde ponte a montré que la seconde ponte est plus
importante dans la population A relativement à la population B: malgré une
43

légère variation annuelle, en moyenne 71% des oeufs des femelles de la
populat1on_A sont destinés à la premiére ponte et 29% à la seconde; dans
la population B, 84% des oeufs sont destinés à la première ponte contre
uniquement 16% a la deuxième.
Par ailleurs, les différences dégagées dans la structure démographique
et la longévité entre les deux populations peuvent être liées à la présence
(population A) ou l'alosence (population B) d'Acanthoo‘acty!us paro‘a!r's. En
effet, la compétition mterspécrfique entre A. ,oaro‘a!!s et la population A de
rtresarrna o!!v!eri_ est élevée,_no_tamrnent sur l'axe trophique de leur niche
ecologique (txlouira, 1983). Ainsi la breve durée de vie dans la population A
de M._0!'r1.f!er! relativement a la population B, peut Constituer une réponse
adaptee a l'act1on de la competition tnterspécifique.
Qependant, lunterprétatton des résultats demande à être complétée à
partir de_ l'ensemble des caractéristiques écologiques des deux populations
et de l'etude plus poussee de la dynamique de celles-ci.
Remerciements - Je remercie vivement Messieurs Robert Barbault et
Jacques Castanet pour leur remarques et conseils concernant ce
manuscrit.
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S. NOUIRA
Laboratoire de BIOÉOQIB Animale
Faculte des Sciences
1060 Tunis, (TUNISIE)
45


			
Bull. Soc. Herp. Fr. (1992) 62 I 47-56
LA PECHE ET L’EXPLO|TAT|ON DU VARAN DU
NIL (Varanus n. nrlotrcus)
par
Vivian de Buffrénil
Résumé - La capture des varans du Nil (Varanus nffotfcus), à des fins atimentaires ou
commerciales, est une activité largement pratiquée par les villageois africains, tout
particulièrement dans les zones soudanienne et tropicale, où Vaspèce abonde. Jusqu'ici,
es methodes de capture empioyees par les pêcheurs professionnels de varans, de même
gue |’utî|isation de ces animaux dans |'economie villageoise, n'ont jamais fait |'objet d’une
esoription specifique. Le texte qui suit est le récit des observations faites sur ce sujet
dans a région du lac Tchad (territoire de la République du Tchad).
Mots-ctês : Varans. Pêche. Techniques. Afrique. Viande. Peau.
Summary- The Nile monitor (Varanus nffoticus) is abundant in non-tropical Sahellan Zones
and other regions of Africa. Capture lor food and commercial purposes is widespread. The
capture techniques of professional hunters and the part the lizards play in the village
economy has not previously been recorded. Observations ln the Lake Chad region
(Republic of Chad) are described here.
Key-words : Monitor Iizards. Varanus nifoticus. Capture techniques.Meat. Skin. Chad.
I. INTRODUCTION
Très rarement _decrite _ et presque inconnue dans se_s_ aspects
techniques et humains, la peche aux varans participe aux traditions de la
Brousse et s’avère profondement ancree_dans la vie economique de
certaines populations villageoises. L’uti|isation des varans est, en premier
fieu, alimentaire: si ta chair du varan de savane (Varanus exanthematfcus)
n‘est que moderementappreciee en general,_cel|e du varan du Nil, en
revanche, figure parmi tes mets les plus prises dans de nombreuses
rgtons d’Afrique (Irvine, 1960). Mais depuis plusieurs dêcennres, |'interêt
des varans est surtout commercial (int. af. Anonyme, 1983; Vernet, 1_984,
Luxmoore et ai., 1988). Pour alimenter les tannene_s d’Europe, plusieurs
centaines de milliers de varans du Nul sont captures chaque année. En
1988, par exemple, plus de 700 000 peaux de cette espèce ont quitte
legalement le continent africain (cte Buffrènil, sous presse). Ce chiffre
of ioiel n’a d’ail|eurs ou‘une valeur tres relative pour evatuer la predation
reelle exercee par l'hotnme sur V. nitoticus. On peUt,_ en effet, considerer
que, pour une peau mise legalement sur le marché international, deux à
Manuscrit accepte le 7 fevrier 1992
47

trois animaux meurent. Leur peau, parfois, n'est pas prélevée; elle peut
aussi aboutir dans |’artisanat local ou bien encore parvenir à des acheteurs
étrangers par des circuits commerciaux illicites. Dans ces derniers cas, les
varans mis à mort ne sont pas comptabilisés et ne figurent donc pas dans
les statistiques internationales. Les plus gros producteurs sont les pays
d'Afrique centrale et occidentale situés entre l'Equaieur et le quinzième
parallèle Nord: le Cameroun, le lvlali, la Tchad et le Soudan (int. ai.
Luxmoore et ai., 1988; de Buffrénil, sous presse}.
Au cours d‘une mission d’expertise effectuée en République du Tchad,
il m’a été donné d'observer dans le détail les modalités selon lesquelles
l’exploitation intensive des varans du Nil est réalisée. Le récit qui suit
résume le principales informations, totalement inédites jusqu’ioi, collectées
à cette occasion.
Il. PRINCIPAUX SITES DE CAPTURE
En république du Tchad, la pèche au varan du Nil est une activité
traditionneile, très largement pratiquée dans la moitié sud du pays, entre
les 8à"‘° et 14èmE degrés de latitude Nord. Rares sont les villageois qui
n’on§ pas, au moins une fois dans leur vie, capturé l’un de ces grands
repti es.
Mais c'est sans doute dans la région du Lac Tchad, biotope idéal et
immense réservoir pour les varans, que Yenracinement de la pèche aux
lézards dans |'activité des hommes est le plus évident. Ce lac est d‘une
superficie considérable (27 000 km2), partagée entre quatre états: le Tchad
au nord et à l’est, le Niger et le Nigeria à I'ouest, le Cameroun au sud.
Parmi les peaux de premier choix mises sur le marché à N'Djaména, 60 à
70% proviennent du lac Tchad. Ces peaux sont d’une taille et d‘une qualité
exceptionnetles, deux caractéristiques dues à la richesse des habitats
disponibles pour les animaux et à la compétence des pécheurs locaux.
Les biotopes typiques que fréquentent les varans du Nil dans le lac sont
les sous-bois et taillis inondés. L’eau y est basse (0,5 à 1,5 m) et trés
chargée de divers débris organiques en suspension. La végétation, trés
dense en général, offre aux animaux le gîte et le couvert: la pullulent les
insectes, les poissons, les amphibiens, les petits reptiles et mammifères,
les oeufs divers (de tortues, d'oiseaux, etc.); bref, toutes les proies
ordinaires des varans. De tels habitats sont localisés à peu de distance de
la terre ferme ou entre les nombreuses îles qui constellent la rive
tchadienne du lac. Les varans ne sont jamais rencontrés dans les eaux
libres et plus profondes situées a distance des côtes.
Reptile particulièrement actif, vétoce et prompt à disparaître à la
moindre alerte dans l'eau opaque, Varanus nfioricus est assez difficile à
surprendre en liberté. La teinte de son dos, brun olivétre orné de 6 à 7
rangées transversales d'ocel|es jaunes (pigmentation typique de la sous-
espèce Varanus niioticus niloricus), est parfaitement mimètique de la
mousse qui recouvre la surface des eaux dormantes sur de grandes
étendues. A Papproche des pirogues, il est fréquent de voir plonger les
varans à une distance de 20 a 30 mètres.
48

III. ORGANISATION, DEROULEMENT ET EFFICACITE
DE LA PECHE
L'essentiel de la pêche au varan organisée avec collecte régulière des
peaux, semble restreinte, pour l’essentiei, à la moitié sud du lao, dans un
quadrilatere délimité par les villages de Kouloudia, Kodjirom, Banangoré et
Kangalom. Ce territoire ne représente guère que 25% environ de
t’ensemble des surfaces inondées susceptibles d'hé berger l'espèce dans la
portion tchadienne du lac (fig. 1). Hors de cette zone (territoire au nord de
Bol), la pêche organisée a cessé depuis le milieu des années 1970 bien
que l’espéoe y soit aussi abondante qu’ailteurs. Toutefois, des captures
occasionnelles peuvent encore être effectuées pour i'a|imentation des
populations villageoises.
Le nombre total de pêcheurs en exercice est difficile à évaluer avec
précision. On peut néanmoins admettre comme plausible qu‘une douzaine
(au minimum} de groupes de 12 à 15 hommes pratiquent à plein temps la
pêche au varan durant 5 à 6 mois dans l’arinée. La plupart des pêcheurs
appartiennent à |’ethnie des Kanembous. Ils sont en grande majorité de
nationalité tchadienne, mais une faible proportion d’entre eux sont des
nigérians ou des camerounais travaillant au Tchad depuis plusieurs
années. Les équipes de pécheurs ne comprennent que des hommes, ainsi
que quelques jeunes garçons initiés au métier par leurs parents. Dans un
bivouac, les pécheurs Sont en général originaires du méme village et
partagent probablement un certain lien de parenté. En outre, ils obéissent à
l’autorité d’un chef de pêche qui, d’ailleurs, peut être reconnu par plusieurs
bivouacs. Les pécheurs spécialisés dans le varan pratiquent peu la pêche
au poisson (pour les besoins de Vappâtage essentiellement); de méme, les
pêcheurs de poissons ne capturent généralement pas les varans.
Les bivouaos sont des installations extrêmement rudimentaires établies
sur les îies, dans des clairieres ou des trouées de végétation. Les pêcheurs
ne possèdent guère en propre qu’une moustiquaire, tendue la nuit entre
quatre piquets, une natte, une couverture, parfois une iampe électrique,
ainsi que leur matériel de pêche. Celui-ci se compose d’une sagaie surtout
utilisée pour neutraliser les nombreux serpents (cobras, vipères
heurtantes, etc.} qui infestent la région ou pour capturer un  ibier de
brousse occasionnel, d'une machette, d'un ou deux couteaux et de
plusieurs dizaines d'harneçons. Ces derniers sont des crochets métalliques
d'un diamètre de 2 à 3 cm et pourvus d'une pointe barbelée. A |’exception
des machettes, importées du Cameroun ou du Nigeria, ces instruments
sont produits par les forgerons des villages à partir de métaux de
récupération: lames de ressorts, débris de carcasses de véhicules, etc. Les
Kanembous ne se déplacent que bardés d’amulettes et autres gris-gris
supposés les protéger des multiples dangers de la brousse. Ils conservent,
en effet, une vision animiste de la nature bien qu'ils soient largement
islamisés. Le reste du matériel: pirogues, ustensiles de cuisine, petits
instruments de menuiserie destinés à la réparation des embarcations,
clous et maillets pour le cadrage des peaux, est partagé par plusieurs
membres du bivouac. Les pirogues, d‘origine nigériane, sont de
construction légère et fragile (contre-plaqué de 10 mm cloué sur une
armature de tasseaux}. Leur longueur réduite (4 a 5 m), leur trés faible
49

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Figure 1 : Géographie générale du lac Tchad. _ _ _
Quatre états se partagent ta surface du lac: la République du Tchad, le Niger, le Nrgena et le
Cameroun. Trois zones peuvent être distinguées dans le lac: 1- Les eaux libres (en blanc sur la
carte] présentent une profondeur de 2 à 6 m et ne renferment que peu de varans. 2- Les zones de
marais permanents [haohure tin] sont de iaible profondeur moins de 2 rn) et contiennent des
varans. 3- Les systèmes dunaires inondables (hachuré épais ont une profondeur generalement
inférieure à 1,5 m et sont trés richement pourvus de varans. La figure en medaillon montre I'aspeot
schématique des systèmes dunaires inondabtes. Rectangle encadre d’un trait fin: région prospectée
intensivement au cours de la mission d’expertise. Cette région correspond aussi au territoire ou
existe une pêche aux varans régulière et organisée
50

tirant d’eau et leur mode de propulsion, a la pagaie ou à la gaffe
exclusivement, leur permettent d’évoluer avec une grande souplesse, quels
que soient Pencombrement et la profondeur de l’eau. La capacité de charge
de ces pirogues et |’habileté des hommes qui les manipulent sont
étonnantes. Une seule de ces embarcations peut charger sans difficulté
cinq passagers et 150 kg de bagages. Le long des côtes du lac, dans les
zones de basses eaux, les accidents de navigation sont rares. Le plus
grand péril que doivent affronter les piroguiers est représenté par les
hippopotarnes. Ces grands herbivores, territoriaux et irascibles, mais de
plus en plus rares il est vrai, sont prompts à détruire les barques et à
pourchasser les hommes sur de longues distances.
C’est principalement à la periode de montée des eaux et de crue du Lac
(septembre à mars} que l’activité de la pêche est la plus intense. Hors de
cette période, les pécheurs regagnent leurs villages et s'adonnent à
l'agriculture.
La peche s'effectue en pirogue, sur des fonds de 0,5 à 1,5 m. Quelques
pécheurs, dépourvus de pirogue, entrent dans l'eau à pied. lis disposent
leur matériel dans de grandes cuvettes métalliques qu’ils poussent devant
eux dans Veau. Il faut un certain courage pour pêcher de cette maniére car
dans l’eau glauque au fond vaseux et glissant, le danger peut se présenter
à chaque pas. Une embarcation porte deux hommes. Le nombre des
pirogues étant limité à deux ou trois par campement, deux ou trois groupes
peuvent donc opérer dans Veau en même temps. Les hameçons appâtés, le
plus souvent a la viande de varan (le poisson est parfois employé}, sont
posés le matin, entre 9h30 et 11h 30 dans un rayon de 4 à 5 km autour du
bivouac (1 heure de pirogue). Chaque hameçon, muni d’une cordelette de
50 é 60 cm de long, est accroché à une touffe d’herbe ou à un tronc
immergé, et disposé de maniere que Vappât repose à fleur d‘eau, recouvert
d’un peu de boue qui retarde son desséchement. Une équipe de deux
hommes pose 60 à 70 hameçons dans la matinée.
Les varans sont récupérés l'aprés·midi, entre 15 et 17 heures. Sur la
totalité des hameçons mis en place,l'appât reste intact dans 40% des cas.
Dans une proportion sensiblement égale, I’appàt a été dévoré sans
qu’aucun animal soit pris. Dans 20% des cas, un animal est ferré. Ce peut
étre soit un varan soit, plus rarement, un naja (Naja rnelanofeuca) que les
pêcheurs tuent sans émotion de quelques coups de machette. On compte
en moyenne un naja pour 20 animaux ferrés. Par îeur grande abondance,
ces serpents représentent une menace réelle pour les pêcheurs à pied; de
plus, ils s’introduisent aussi dans les villages et causent chaque année
plusieurs décès.
Les varans sont tirés par la queue hors de l'eau par I’un des pécheurs,
placé à |’étrave dela pirogue. Les bons professionnels ont soin de remettre
à l'eau avec délicatesse les lézards de taille inférieure au minimum
commercialisable (peaux de 20 cm de large).
Comme la plupart des animaux, le varan du Ni1,s'il aperçoit un danger,
est plus sujet à fuir qu'à combattre. Sauf si les chemins lui sont barrés et
s’il est acoulé à défendre sa vie. II devient alors un adversaire redoutable,
plus vif et plus pugnace qu'un crocodile de méme taille. Un varan de plus
de 2 métres a, approximativement, autant de puissance musculaire
disponible dans son dos , sa queue, ses mâchoires et ses pattes, que le
51

pécheur agenouille à l’avant de la pirogue et qui tente de le maîtriser. Le
combat serait donc assez équilibré si le reptile n'était entravé par le gros
hameçon qui lui déchire la gorge et limite ses mouvements. L’arme la plus
redoutable de l’animal n’est pas tant sa denture, pourtant robuste, pointue
et capable d’inf|iger des morsures profondes et douloureuses, mais surtout
ses griffes. Celles-ci sont, proportionnellement trés longues. Elles sont
aussi solides, acérées et coupantes comme des lames. Aussitôt saisi au
cou et dans l'incapacité de mordre, le varan s'en sert rageusement pour
lacérer son adversaire. La manière de tenir l’animal est capitale: une main
lui bloque fermement la nuque et l'autre les reins, a la base de la queue.
Pour avoir, le temps d’on geste, relâché cette étreinte, nombreux sont les
pécheurs qui portent sur les bras, en longs bourrelets tourmentés, les
cicatrices ineffaçables de ces combats. Le varan du Nil utilise aussi sa
queue comme un fouet pour oingler ses ennemis. C’est surtout |orsqu'i| est
â terre et dispose de points d’appui qu'i| recourt à cette arme. Celle-ci,
d’ail|eurs, ne gène guère les pécheurs qui immobilisenl le corps de ces
reptiles en marchant dessus. Dans la région du lac Tchad, la sagaie est
rarement utilisée pour piquer les varans car la peau, trouée ou dechirée,
devient invendable.
Lorsqu'ils sont trop grands et trop puissants pour être immobilisés par
des liens au fond de la pirogue, les varans sont tués immédiatement d’une
profonde entaille pratiquée a l’arriére de la tête. Les individus de taille plus
modeste sont conservés vivants jusqu’au lendemain matin, attachés à des
piquets plantés en bordure du campement. Cette pratique évite que les
corps, laissés sans surveillance toute la nuit, ne soient dévorés par les
petits carnivores en maraude.
Dans les premiers iours de Vinstallation d'un campement, 25 à 30
varans peuvent être capturés quotidiennement. Le nombre des captures
baisse graduellement par la suite. Aprés dix â quinze jours, le nombre de
varans pris chaque jours tombe à un chiffre inférieur à la dizaine. Les
pécheurs s’étab|issent alors dans un nouveau bivouac. En moyenne, 200 à
250 individus sont attrapés sur un site de pêche donné. En un an (6 mois
de pêche), une quantité minimale de 30 000 varans peuvent ainsi être pris
dans la seufe région du lac par Vensemble des équipes de péché.
Le mode de capture pratiqué par les Kanembous n'est pas sélectif:
|’appât attire indifféremment les varans des deux sexes et de toutes tailles,
â l’exception des spécimens de taille inférieure à 70 cm. Chez ces derniers,
|'ouverture buccale n'est pas assez grande pour saisir en bloc appât et
hameçon. Dans la région du lac Tchad, les varans atteignent une tailie
assez imposante pour l’espece. C’est sans doute le signe que l’espérance
de vie des animaux est relativement longue. Chez les mâles, la taille la
plus fréquemment rencontrée varie de 150 à 180 cm pour un poids de 7 à
10 kg. Cependant, les animaux de plus de 2 m ne sont pas rares. Le plus
grand spécimen qu'i| m'ait été donné de voir mesurait 214 cm (poids de
14,5 kg) et le plus lourd pesait 17 kg (taille 213 cm). Ces chiffres ne
représentent sans doute pas des records. La peau du spécimen de 214 cm
mesurait 56,5 cm de largeur maximale. Or, dans les entrepôts des
exportateurs, certaines peaux en provenance du lac Tchad peuvent
dépasser 65 cm de large, ce qui suggère que les varans auxquels elles ont
été arrachées avaient une longueur voisine cle 240 cm. Dans les conditions
52

écologiques très favorables qui règnent le long des rives du lac Tchad, les
varans grandissent vite. On peut valablement supposer que les plus vieux
mâles doivent pouvoir atteindre 250 cm de long pour un poids d’une
vingtaine de kilos, s’ils ne succombent pas, avant, de mort violente.
Aujourdhui, c’est surtout l’homme qui peut interrompre la vie des varans
adultes car, les crocodiles ayant disparu du lac à la suite d’une chasse
intensive, ces animaux n'ont plus guère d’ennemis naturels. En revanche,
les jeunes varans sont dévorés en masse par les hérons, les aigles
pécheurs, les éperviers, les poissons-chat et les serpents.
Les femelles sont nettement plus petites. Leur longueur excède
rarement 180 om et se situe, le plus souvent, entre 140 et 160 cm. Elles
commencent a pondre tôt dans leurexistence, dès la taill_e de 120 cm. Elles
ne produisent alors qu'une dizaine d’oeufs par an. A mesure qu’elles
grandissent et vieillissent, Vabondance de leurs pontes augmente
régulièrement (comme chez tous les reptiles) jusqu’â atteindre une
soixantaine d’oeufs par année. Les oeufs des varans ont à peu près la
même tail que ceux des poules. Dans la région du lac Tchad, les pontes
ont lieu à la fin de la montée des eaux, de la mi-décembre au début de
janvier. Les jeunes naitront au début de la saison des pluies suivante (juin),
lorsque les insectes pullulent.
IV. UTILISATION DES VARANS
Le dépeçage des varans a lieu tôt le matin (entre 6 h 30 et 9 h), le
lendemain de leur capture. Une fois l'animal mis à mort, une profonde
entaille circulaire est effectuée â la base des mains et des pieds, ainsi que
dans la région moyenne de la queue. La peau est ensuite fendue sur toute
la longueur du ventre et des membres pour étre soigneusement décollée au
moyen d’une lame peu tranchante. Les enfants sont fréquemment
employés à cette besogne. Les peaux sont séchées au soleil après avoir
été tendues et clouées au sol par des pointes de métal ou de bois. Le
séchage est rapide: 4 à 5 heures. li constitue la seule opération de
conservation opérée sur les peaux brutes.
Les carcasses de varans, comprenant la queue et le tronc, sont
pendues aux basses branches des arbres pour étre séchées en plein air.
Elles peuvent ainsi séjourner deux à trois jours sans autre soin, avant
d‘étre débitées en tronçons, eux-memes séchés à nouveau au soleil. Ces
morceaux de viande déshydratee sont mis en sac (50 kg par sac environ) et
sont vendus sur les marchés villageois pour la consommation locale. Le
corps d’un varan fournit environ 25 â 30% de son poids en viande séchée,
prête â la commercialisation. La peau et la viande boucanée représentent
les produits commerciaux tirés des varans.
Ces lézards sont aussi Vélément de base de |’alimentation des
pécheurs eux-mêmes. Les oeufs sont prélevés, bouillis et broyés dans un
linge. La pâte qui en résulte est consommée sur ptace sans autre apprêt.
La viande de varan figure â tous les repas. bouillie, grillée, frite (dans
l'huile de varan), ou encore fumée, avec Vaccompagnement traditionnel
constitué d’une boule (2 a 3 kg} de farine de mais ou de mil cuite dans
l'eau. Les repas sont pris en commun, dans les mêmes plateaux, par tous
les membres du bivouac.
53

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Photo 1: Vue du blotopo du lac: Tchad
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Photo 2: Varzan pris à |’hamoçon ral hissê a bord des pîrogues
 
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Des collecteurs de peaux, connus et répertoriés par les autorités
administratives, se partagent la région du lac. Ils se déplacent en pirogue
de bivouac en bivouac ou rencontrent les pécheurs, à intervalle régulier,
dans les grands marchés villageois de Banangorè, Kangalom, Boulfetimi
ou Kouloudia. Dans la plupart des campements, les pécheurs travaillent
pour un seul collecteur et lui restent ordinairement fidèles. Toutefois, ce
type de relation commerciale n'est pas une règle absolue. Certains
pécheurs cèdent aux propositions des collecteurs les plus offrants. Dans
ce cas, les peaux suivent, pour une part, le circuit légal d’exportation: elles
sont acheminées en camion vers la capitale, où les négociants les
classent, les conditionnent et les expédiant vers leurs clients européens
par «fret aérien». Une autre partie de ces peaux, sans doute assez
importante, entre dans des filières commerciales illicites. Elles quittent
alors le pays clandestinement, sans que leur propriétaire ait acquitté les
diverses taxes (fort élevées dailleurs) qui frappent les exportations des
produits tirés de la faune sauvage. Ces opérations sont surtout dirigées
vers le Nigeria, le Cameroun ainsi que le Soudan, dont_les ressortissants
sont nombreux en territoire tchadien. Les agents de l’Etat, douaniers ou
inspecteurs des Eaux et Forèts, sont dépourvus de moyens de surveillance
egicaces. Aussi, la fraude ne sernble-t-elle pas rencontrer d’obstac|e
s neux.
L’essentiel des revenus pécuniaires des pêcheurs provient de la cap-
ture des varans. L’agriculture n‘a qu'un but de subsistance. On peut esti-
mer que la vente de la viande et de la peau des lézards rapporte 100 000 à
125 000 FCFA (2000 ai 2500 FF) a chaque pécheur pour une saison de
capture normale. C'est un rapport très substantiel pour les villageois des
régions déshéritées du Tchad, un pays qui figure lui-même parmi les plus
pauvres d’Afrique.
Lorsqu’une peau de varan de bonne qualité a parcouru tous les
échelons de son parcours commercial, depuis le pécheur sur les eaux
reculées du lac, iusqu’au maroquinier de Paris ou de Fiome, sa valeur se
trouve finalement multipliée par 18.
V. CONCLUSION : LA PECHE MENAGE-T—ELLE LA SUFIVIE
DES POPULATIONS DE VARANS ?
Le varan du Nil est classé a l‘annexe ll de la CITES (Convention sur le
Commerce International des Espèces lvlenacées, dite rrûonvention de
Washingtom). Il est donc permis de vendre et d’acheter ses peaux, à la
condition d’en obtenir l’autorisation des autorités du pays exportateur et du
pays importateur. Le classement a |’annexe Il signifie que |’espèce dans
son ensemble n'est pas menacée d’extinction.
Dans le cas particulier de la région du tac Tchad, Varanus nriolïcus
demeure très commun, après plusieurs décennies d'exp|oitation régulière.
Il est vrai que depuis la disparition des crocodiles, il n‘a plus guère de
compétiteur naturel sérieux. La fréquence des individus de grande taille
indique que la pression de prédation globale exercée sur les varans est
modérée et leur permet de disposer d’une espérance de vie assez longue.
Un autre éiément positif est que la capture de ces animaux est limitée à un
55

territoire restreint du lac, et repose sur des méthodes traditionnelles,
apparemment peu destructrices.
Une menace sans doute p|—us redoutable pour I’espéce résulte de
|'habitude qu‘ont les villageois d'incendier la brousse sur de vastes
étendues. A la saison sèche, les varans, réfugiés dans des troncs creux,
des terrnitiéres ou des trous du sol sont alors piégés par le feu et périssent
probablement en grand nombre, brûlés ou asphyxiés. J’ai pu constater ces
dégâts sur quantité d'individus dont les pattes et la queue portaient de
profondes traces de brûlure. L’abondance des troupeaux de bovidés qui
paissent dans les basses eaux du lac participe egalement au saccage de
l’habitat naturel des varans. En comparaison, les destructions
qu’occasionne la peche sont plus limitées et beaucoup mieux contrôlées.
Les pêcheurs sont bien conscients, en général, qu’il ne faut pas tuer la
«pou|e aux oeufs d'or». Ainsi, si les techniques de pêche sont conservées
telles quelles, sans accroissement de leur efficacité et sans augmentation
de I'eflectif des pécheurs, la surexploitation des stocks naturels de varans
ne semble guère devoir étre redoutée à breve échéance.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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planches.
Vivian de BUFFRENIL
Laboratoire d’Anatomie Comparée
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