Juin 2014 > N°67 Actualité O4. Regards des sciences sociales sur la mise e œuvre des politiques de l’eau 05. Nitrates : un nécessaire changement de modèle agricole Dossier Artois-Picardie : une eau «vivante » entre canaux et corons ‘ i” i" 08. Pollution aux PCB en Pic‘d’ le, de la soE . _ .ç-‘a la contamination des écosy ‘ .- « \ ea \. l0. L’aménagement du canal de la vs o' p fluvial a grand gabarit Versus zones humid patrimoniales remarquables 3 l2. Risques d’inondation et sécurité des populations en bord de mer i3. Les Waeteringues : un combat sans‘tin pour réduire la vulnérabilité du plat pays i4. Schéma régional de Cohérence Ecologique Trame Verte et Bleue du Nord-Pas de Calais : rétablir les continuités écologiques Point ale vue i6. Entretien avec D. Marcovitch sur la _ r’ ,j ' f compétence Gestion des Milieux " Aquatiques et Prévention des Inondations France Nature Environnement Revue de France Nature Environnement Fédération française des associations de www.fne.asso.fr protection de la nature et de l'environnement
LA LETTRE EAu EST ÉDITÉE PAR FRANCE NATuRE ENVIRONNEMENT France Nature Environnement Fédération française des Associations de Protection de la Nature et de l’Environnement, fondée en 1968, reconnue d’utilité publique en 1976. «France Nature Environnement rassemble plus de 3000 associations nationales, régionales et locales réparties sur l'ensemble du territoire. Présente dans de nombreuses institutions de concertation, la fédération nationale place la protection de la nature, de l'environnement et de notre santé au cœur des décisions publiques afin que les décideurs politiques n'ignorent plus les préoccupations des citoyens». La politique de l’eau requiert une attention constante de la part des citoyens, afin de veiller à une eau de bonne qualité, respectueuse de la santé humaine, ainsi qu’à la biodiversité des milieux naturels aquatiques. Les pages du site de FNE dédiées à l’eau ont cette vocation de vous transmettre l’essentiel de l’information sur l’eau en France, tout comme une analyse des politiques dans ce domaine. Venez visiter les pages eau : http: //www. fne . asso. fr Pôle reaaour'cea en eau e+ milieux na+urel9 aquafiquea ale France Na+ure Environnemen+ 3 rue de la Lionne - 45000 Orléans fi 02 38 62 55 90 e.mail : poleeau@fne.asso.fr site web : www.fne.asso.fr La Lettre eau est éditée par un imprimeur labellisé Imprim'Vert. Cela signifie qu'il respecte 3 objectifs : o la bonne gestion des déchets dangereux o la sécurisation des stockages de produits dangereux o l’exclusion des produits toxiques des ateliers. Par ailleurs, la Lettre eau est imprimée sur du papier recyclé. Directeur de la publication : Denez L'Hostis Rédacteur en Chef : Bernard Rousseau, responsable des politiques Eau de France Nature Environnement Rédactrice en chef adjointe : Léa Bouguyon Comité de rédaction : Marine Le Ster Mise en page : Charlotte Laffolay - Sologne Nature Environnement Impression : Imprimerie Prévost Routage : DAUTRY Photo de couverture : Un phoque veau-marin en baie de Somme - © C.1Vhrtin-Picardie Nature ISSN : 1276-1044 La reproduction de textes tirés de la lettre eau est autorisée sous réserve d’en citer la source datée. Bernard ROUSSEAU Ancien Président de France Nature Environnement, Responsable despolitiques Eau Pour“ Ul’lC COU ViVOI’H‘C î cieux ans, quatre Minietres... à ce rythme, le changement, ça commence à bien Paire l La feuille de route pour la transition écologique de la Conférence environnementale de septembre 2013, retient comme orientation importante de << renforcer la gouvernance locale » de la politique de l'eau. A cet effet, un groupe de travail du CNE (i) a été mandaté pour proposer des orientations visant à améliorer la gouvernance des comités de bassins et des commissions locales de l‘eau. Les travaux de ce groupe se sont inscrits dans la continuité de ceux engagés pour préparer la conférence environnementale de septembre, FNE a proposé << d'instaurer une gouvernance équilibrée à toutes les échelles territoriales des instances de bassins où des représentants de la société civile (2), organisés en associations, interviennent Selon la LEMA 2006 (3), les Comités de bassin sont formés par trois collèges : élus 40% des sièges, acteurs économiques 40%, représentants de l’Etat 20%. Les représentants de la société civile sont minoritaires, noyés dans le collège des usagers économiques dont l'intérêt et les motivations ne sont pas de même nature. Ce mélange des genres n'est pas productif dans un collège où le monde économique est très largement majoritaire et impose sa loi... Ceci ne se révèle pas toujours de bon aloi, comme lors de la désignation des associations dans les conseils d‘administration des agences où le vote se fait par collège, et où le monde économique peut choisir les bons candidats associatifs : ceux qui voteront bien... ! En clair il convenait pour FNE de rééquilibrer la représentation des associations dans les Comités de bassin en scindant en deux le collège des usagers, créant ainsi un quatrième collège, celui de la société civile, indépendant du monde économique. Les désignations dans les CA des agences, dans les commissions, ou la présidence de commissions, seraient alors de la seule responsabilité des associations. Mais une telle évolution démocratique n'était pas pour plaire aux représentants du monde économique qui trop souvent considèrent les associations, agréées ou habilitées, comme non légitimes pour défendre l‘intérêt des citoyens : responsabilité qui, selon eux, est dévolue aux élus...surtout quand ils sont absents !.. quant à la défense des milieux aquatiques...bof ! A cette opposition farouche, s'est ajoutée une autre difficulté, l'obligation de passer par la loi pour modifier l'équilibre entre les collèges. Les nouvelles nominations dans les CB devant intervenir avant fin juin 2014, il a été estimé que le passage par la loi n'était pas réaliste. C'est du moins l‘explication qui a été donnée lors du CNE du 18/12/2013 par son Président : donc exit le quatrième collège, et passage par un arrêté modifiant la composition des collèges et d'autres dispositions mineures. Dans sa délibération N°2013-06, adoptée par le CNE lors de sa séance homérique déjà citée, sont mentionnées les orientations pour améliorer la gouvernance des instances de bassin : modification de la composition des collèges sans changer le nombre de membres et, dans le collège des usagers actuels, création de trois sous-collèges (industrie, agriculture, associations) qui seront représentés par trois vice-présidents. Dans cette délibération, d'autres dispositions peuvent contribuer à améliorer le travail des associatifs mais à condition que les recommandations aux CA des agences ne restent pas lettre morte, car les CA sont souverains l C'est seulement fin mars 2014 que l'arrêté de composition a été publié, il aura donc fallu trois mois et demi au gouvernement pour sortir un arrêté à la portée limitée, et ambigu quant à la représentation des agriculteurs biologiques dans les CB. Quant aux trois sous-collèges du collège des usagers, c'est seulement fin juin que le décret d'application est sorti, et tout cela pour faire quoi ? Pour seulement changer symboliquement les limites du système actuel sans toucher à ses tares ! Après une année passée à travailler sur une réforme de la politique de l'eau, et aussi à contribuer à la rédaction des SDAGE, 2016-2021, les militants associatifs qui ne sont ni élus (mais présents), ni rémunérés, et dont l'engagement se situe au niveau de la défense de l'intérêt général, trouvent que la pilule rose des professionnels de la politique... est amère ! Combien de majorités, combien de gouvernements, combien de Ministres de l'environnement, faudra-il pour rendre crédible la politique de l'eau ? Déjà deux ans, quatre Ministres de l'environnement... à ce rythme, le changement ça commence à bien faire l (1) CNE 1 Comité National de I‘Eau. (2) Dans les CB, la socie’te civile est composée des associations de protection de l'environnement, des organisations de pêcheurs amateurs, des associations de consommateurs, et des associations de sport d'eau vive. (3) LEMA : Loi sur l‘eau et les milieux aquatiques. L“ lc++rëam > n°67 France Nature Environnement
DE LA VALORISATION DES DÉCHETS A LA DÉérKADATION DES MILIEUX AQUATIQUES Situé à proximité de l’estuaire de la Charente, du Marais de Rochefort et de Brouage, le projet de revalorisation des déchets d’Echillais (17) menace la pérennité écologique du réseau local d’espaces protégés que constituent les réserves naturelles nationales de Moëze Oléron, du Marais d’Yves et la station de lagunage de Rochefort. Émetteur de métaux lourds, cet incinérateur risque fortement d’aggraver les atteintes exercées, au niveau mondial, sur les zones humides qui constituent, par ailleurs, un vaste support d’activités économiques (conchyliculture), ainsi qu’un réservoir majeur de biodiversité. Pourtant, des solutions alternatives respectueuses de l’environnement pourraient aisément être mises en place, telles qu’une campagne de sensibilisation incitant à un meilleur tri des déchets en amont, couplée à un programme de mesures réduisant le volume et le poids des déchets. LIN SECOND BAKKAâE EN EILI‘IANE '- uNE FAUSSE BONNE IDÉE? Construit au début des années 90, le premier barrage hydroélectrique de Petit— Saut et son lac de retenue plus grand que la surface de la ville de Paris (environ 365km2), a généré de nombreux impacts, comme l’a démontré une étude de I’IRD (l) en 2005 : fragmentation de la continuité écologique, diminution significative de la diversité piscicole, génération de monométhylmercure, émissions de méthane, etc. Or, en dépit de ces conclusions alarmantes, la Région veut construire un second barrage pour répondre aux besoins croissants en électricité du littoral guyanais à partir de 2030 : la pertinence de ce projet, ennoyant des centaines et des centaines de kilomètres carrés se pose. Des alternatives existent, comme les mesures de maîtrise de l’énergie, le développement d’un modèle énergétique décentralisé, ou encore l’intégration de la Guyane à un projet de ligne à haute tension allant du Guyana au Brésil. Guyane Nature Environnement souhaite que l’étude d’opportunité commandée par la Région considère sérieusement l’ensemble des alternatives. Contact: GNE - coordinoii0n@federoiion»gne.fr (1) Mérono B. de, Le fleuve, le barrage et les poissons. Le Sinnomory et le barrage de PeiiiÿSoui en Guyane française. Par Ediiions IRD, 2005 : I35 p. page; un “safrane— ' Mfcîâ a ibèrfrèwee CONFIRMATION Du KEJET DE PROJET DE CENTRALE HYDKOÉLECTKIGUE DANS LA coMMuNE DE LESCuN. Ce projet de microcentrale a été impulsé par l’ancien maire de Lescun, François BAYE, qui y voyait l’opportunité de réaliser un investissement financier pouvant rapporter jusqu’à 100 000 euros par an (I). En décembre 2010, compte tenu du SDAGE 2009 et des recommandations émises lors du Conseil de l’Environnement et des Risques (CODERST), un arrêté préfectoral avait refusé l’autorisation de disposer de l‘énergie des cours d’eau du Lauga et de l’Ansabère pour la mise en service d’une microcentrale hydraulique. En effet, le SDAGEAdour-Garonne 2009 identifie le gave d’Ansabère et le Lauga respectivement comme un « réservoir biologique » et « cours d’eau en très bon état Ces cours d’eau abritent des espèces animales rares telles que le desman, l’euprocte, la grenouille rousse, et le cincle plongeur. En réponse, la mairie de Lescun avait introduit un recours devant le tribunal administratif de Pau qui sera également rejeté. Parallèlement, l’association SEPANSO Pyrénées-Atlantiques et la Fédération des Pyrénées-Atlantiques pour la pêche et la protection du milieu aquatique ont conjointement lancé une pétition à l’encontre du projet. Le 8 avril 2014, la Cour d’Appel Administrative de Bordeaux, saisie par l’ancienne municipalité, valide l’arrêté préfectoral et retient que la réalisation de l’ouvrage n’est pas compatible avec les mesures du SDAGE 2009. Cette décision est d’autant plus significative qu’en France, très peu de cours d’eau répondent aux critères de « très bon état écologique » définis par la Directive Cadre sur l’Eau. (1) Sudouesf : hfip://www.sudouesi.fr/20i4/04/I6/nouveouereversepoureloemicrocene iroleei52675774239php FArrEs uN DON POUR euE L’EAu RESTE VNE l continuer à soutenir les actions de France Nature Environnement. Jefaisundon:o15€ 1320€ 530€ 550€ 011 . . . . . . . . .. ............... ..€ A renvoyer sous enveloppe affranchie à FNE — Réseau Eau — 3 rue de la Lionne — 45 000 Orléans JE KÈGILE PAR = D Œièque bancaire ou postal à l’ordre de FNE. Pour vous remercier de votre don la Lettre Eau vous sera envoyée gratuitement Déduction fiscale z 66% de votre don est déductible de vos impôts, dans la limite de 20 % de votre revenu imposable. Dès réception de votre don, nous vous enverrons un reçu justificatif. 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/"l Keflarals ales sciences sociales sur la mise en oeuvre ales Poli+iques ale l’eau Par Jean-Baptiste NARCY (1), C t articl donri uri ap rçu d s ’l’m rits cl ’ s d’v lopp ’ s dans « Regards des sciences sociales sur la mise en oeuvre des politiques de l’eau >>, publie par l’ON'ElVLA eri décembre 2013. Cet ouvrag vis à aiol r l s irig’rii urs t t chriici l’lS de l’eau a intégrer dans leurs pratiqu s prof ssioriri ll s l s param‘tr s ’tl'iiqu s, politiques et stratégiques propres à la gestion de l’eau. L’objectif est de fournir des repères méthodologiqu s susc ptibl s d’ ' clair rl urs m’ti rs tpratiqu s. Les politiques publiques consacrées à l’eau et aux milieux aquatiques ont comme caractéristique d’être largement conçues, portées et mises en œuvre sur le terrain par des organisations et des professionnels que l’on peut qualifier de « techniques » : ingénieurs et techniciens peuplent très majoritairement ce secteur particulier de l’action publique. Pour autant, on ne saurait réduire les politiques de l’eau à leur seule dimension technique, tout simplement parce que ce sont des... politiques. En tant que telles, elles interagissent avec nos choix de société, les délibérations censées y présider, les processus sociaux qui les déterminent ou les rendent possibles, aux réactions qu’elles suscitent. En tant que telles, elles poursuivent le plus souvent des visées de changement qui leur confèrent une dimension stratégique. C’est pourquoi elles n’engagent pas que des savoirs scientifiques liés à l’eau et aux milieux : elles comportent aussi des dimensions philosophique, sociologique, politique, stratégique, Les ingénieurs et techniciens de l’eau ne sont ni philosophes, ni politistes, ni spécialistes de l’analyse stratégique e cet ouvrage entend les aider cependant à considérer la part éthique, politique, stratégique, etc. que comporte nécessairement leurs métiers, afin de mieux penser leur action. Il s’agit également de leur fournir quelques repères pour s’orienter dans les différents courants théoriques et corpus méthodologiques susceptibles d’éclairer leurs métiers et pratiques. Sans prétendre couvrir de manière exhaustive toutes ces dimensions, ni toutes les disciplines académiques auxquelles elles renvoient, l’ouvrage s’organise en quatre chapitres, présentés ci-après, prenant chacun comme point de départ des préoccupations et difficultés prégnantes dans les politiques de l’eau, en référence aux expériences vécues sur le terrain par les lecteurs pressentis de cet ouvrage. © L. Mignaux - METL-MEDDE Ces quatre chapitres ont été conçus pour pouvoir être lus indépendamment, selon les centres d’intérêts ou les questionnements du lecteur. Celui-ci trouvera par ailleurs, en fin de volume, un index de mots clés pour à la fois susciter sa curiosité et la satisfaire, en l’orientant vers des parties spécifiques de l’ouvrage. LEs RELATIONS ENTKE LEs SOCIÉTÉS ET LES MiLiEux -. FAUT—IL OPPOSEK LA NATuKE ET L’HOMME ? L’opposition entre « l’homme » et la « nature » est fréquemment mobilisée dans les discours quand sont discutés et parfois mis en cause des politiques de l’eau ou des projets sur le terrain. L’ouvrage permet d’éclairer cette opposition, en mobilisant des éclairages de diverses disciplines. Tout d’abord, il s’agit de prendre du recul par rapport à cette dichotomie, dont les termes sont équivoques, et dont l’anthropologie nous apprend qu’elle est moins universelle que propre à la civilisation occidentale. Ensuite, on s’intéresse aux relations milieux/sociétés en tant qu’objets scientifiques, en survolant les évolutions, décrites par l’histoire des sciences, qu’ont connues d’un côté l’écologie et, de l’autre, les sciences humaines et sociales, pour les traiter. Puis les débats éthiques que suscite la manière de penser et de prendre en compte ces relations dans la conduite des affaires humaines sont rapidement présentés, avant d’expliciter les logiques techniques, parfois très antagonistes, que ces considérations tant scientifiques que morales ont forgées qui coexistent aujourd’hui au sein des politiques de l’eau. (1) JeaneBaptiste Narcy est docteur en sciences de l'environnement de l'École Nationale au génie rural, des eaux et torets. Consultant au sein du cabinet AScA depuis plus de quinze ans, il travaille sur les aspects stratégiques des politiques publiques d’environnement, tout particulièrement dans le domaine de l’eau et des milieux aquatiques. La leHrËâlu > n°67 France Nature Environnement
l b" Wwoisir Illustrations : Béatrice Saurel LA LÉGIITIMITÉ DES POLITIQUES DE L’EAU -. L‘INTÉKÊT GIÉNÉRAL FACE Aux INTÉRÊTS PARTICULIERS ? La légitimité des politiques de l’eau est parfois mise en question sur le terrain, en dépit de leur caractère d’intérêt général, face à ce qui peut être perçu comme de simples « intérêts particuliers ». Divers travaux de sciences sociales, relevant notamment des sciences politiques, permettent de mieux comprendre ce type de difficultés. L’ouvrage présente ainsi diverses évolutions contemporaines de l’action publique qui, face aux contestations dont a pu faire l’objet la notion d’intérêt général et aux difficultés croissantes de l’État à l’incarner, voient naître de nouvelles manières de le définir et de le mettre en œuvre. Ce faisant, la notion très polysémique de « gouvernance », renvoyant à la diversité tant des acteurs que des échelles d’action que ces évolutions impliquent, est également abordée. On s’intéresse plus particulièrement aux politiques de l’eau dans leurs rapports spécifiques à l’intérêt général, en montrant qu’au travers notamment des notions de patrimoine commun et de subsidiarité, elles ont joué un rôle précurseur vis-à-vis de ces évolutions. ACTION COLLECTIVE, JEUX D‘ACTEUKS ET CONFLITS -. COMMENT SAISIR LES CONDITIONS ET LES RESSORTS Du CHANGIEMENT ? Les changements que les politiques de l’eau cherchent à faire advenir ont nécessairement un caractère collectif et suscitent des difficultés liées au caractère complexe et/ou conflictuel des « jeux d’acteurs L’ouvrage expose successivement deux types d’approches au sein des sciences humaines et sociales pour éclairer les conditions et les ressorts du changement collectif, selon qu’elles s’intéressent à l’une ou l’autre des deux composantes fondamentales d’un processus de changement : - « le système institué », hérité du passé, pesant sur les acteurs en conditionnant largement leurs marges de manœuvre, leurs idées, leurs intérêts, et, par conséquent, déterminant largement la possibilité qu’un changement considéré puisse survenir ; - « les dynamiques instituantes », découlant des agissements et innovations des acteurs, notamment de ceux porteurs Requalifier " _ 77/" d’intentions de changement, et susceptibles de mettre en tension le système institué, de le mettre en cause pour, in fine, le faire évoluer. En présentant les oppositions théoriques entre les différents courants de pensée exposés, mais aussi leur complémentarité pour éclairer l’action, on insiste sur la nécessité de les mobiliser dans leur diversité, afin de conserver une vision lucide de la gestion effective de l’environnement : non seulement ce qui permet au changement d’advenir, mais aussi ce qui explique, malgré tout, l’inertie des systèmes que l’on s’efforce de faire évoluer. COMMENT PORTER ET/Ou ACCOMPAGINER LE CHANGIEMENT CONCERTE ? Les regards auxquels invitent les sciences sociales étant pluriels, ils ne débouchent évidemment pas sur la définition de méthodes « clés en main », permettant de « faire passer » des projets ou politiques. Le propos est donc plutôt de rendre compte des ambivalences de la notion de concertation et de distinguer les différents types de processus en la matière. On présente alors deux modèles archétypaux contrastés, susceptibles de servir de repères pour organiser, dans la pratique, la mise en œuvre d’une démarche de changement concerté ; - l’un fondé sur la notion de co-construction du changement par l’ensemble des acteurs qui se concertent (Concerter, Analyser, Choisir) ; - l’autre davantage centré sur la notion de négociation, en mettant en scène l’acteur porteur d’une politique ou d’un projet d’un côté, ses objecteurs, contradicteurs ou opposants de l’autre (Proposer, Écouter, Requalifier). Leur utilité pour le porteur de politiques publiques est de servir de repères pour apprécier de manière pragmatique une situation, et se construire une orientation adaptée à ses propres perceptions et convictions. Au terme de ces quatre chapitres, la conclusion générale de l’ouvrage défend l’idée que si les sciences humaines et sociales n’ont pas vocation à s’inscrire au sein des sciences de l’ingénieur, elles offrent cependant de nombreuses possibilités d’en enrichir le contenu et le sens, et ainsi d’en accroître la portée opérationnelle. La leHrËâlu > n°67 France Noiurè Environnement .l ä; fia 8% 75
i? L ë Niir'aice z un nécessaire changement cic modèle agricole Par Anionin Pépin, chargé de miss'on au réseau agriculture de France Nature Environnement La directive << Nitrates >> (I) vise à protéger l’eau et les milieux aquatiques des pollutions générées par les nitrates d’origine agricole. Depuis sa mise en place en 1991, quatre programmes d’actions nitrates ont vu le jour. Pourtant, on assiste aujourd’hui, a la fois à un accroissement continu du nombr d zon s vuln’rabl s, t a un aug'm ntation des taux de dans les choix de gestion d’une exploitation agricole. UN SÈME PKOGIKAMME EN 8 MESURES Partiellement entré en vigueur en septembre 2012, suite à un premier arrêté national, puis complété par un arrêté national modificatif paru le 23 octobre 2013, le 5ème programme n’attend plus que les arrêtés régionaux pour être pleinement opérationnel. Certaines régions, comme la Bretagne, ont ouvert la voie avec une signature dès le mois de mars. Les dernières signatures étant prévues, au plus tard, le 31 août 2014. Le programme d’actions national (PAN) comporte huit mesures : six au titre de la directive nitrates et deux propres à la France, issues des décisions du Grenelle de l’Environnement. Le programme national permet des adaptations régionales, afin de mieux correspondre au contexte, sur les mesures 1, 3, 7 et 8. Les adaptations régionales peuvent seulement renforcer le niveau national, à l’exception des mesures sur la couverture hivernale des sols. nitrates présents dans l s aux sout rrain s. La s ul r'gl m ntation ne suffira pas. La question des nitrates ne doit plus être vue comme une contrainte à laquelle il faut s’adapter, mais comme un param’tr à pr ndr n compt pl in m nt DES CONCERTATIONS KÈGIIONALES sous TENSION Dans chaque région, le préfet et les services de l’Etat ont mis en place une procédure de concertation où doivent siéger les fédérations régionales du mouvement FNE. Dans de nombreuses régions, les débats ont été tendus et les associations, face à une profession agricole nombreuse et mobilisée, étaient bien faiblement représentées. Illustration en région Centre où le climat était spécialement houleux, la profession allant même jusqu’à demander ÿ et obtenir ! ÿ le départ de Nature Centre des réunions techniques. Pour Jonathan Bourdeau-Garrel, chargé de mission eau et agriculture, « le groupe technique, dans lequel nous n’étions plus, avançait sur les mesures régionales, si bien qu’en groupe de concertation, où nous n’avions qu’un voire deux sièges, tout semblait déjà décidé. Au final, le programme régional est très léger Titre de la mesure Justification agronomique Mesure 1 Il!!! i a .Ë ä Ë Périodes minimales d'interdiction d'épandage des fertilisants Stockage des effluents d'élevage Limitation de l'épandage des fertilisants azotés, équilibre par parcelle Plans de fumure et cahier d'épandage Limitation de la quantité maximale d'azote dans les effluents d'élevage (170 kg/ha) Conditions d'épandage par rapport au cours d'eau, sur les sols en forte pente, détrempés, inondés, gelés ou enneigés Couverture végétale des sols destinées à absorber l'azote du sol Couverture végétale le long des cours d'eau Identification des périodes de l’année pendant lesquelles l’épandage de fertilisants est interdit, car s’il n’y a pas de besoin d’azote par les plantes, l’azote finit dans l’eau. La gestion des ouvrages de stockage doit permettre d’éviter les écoulements vers le milieu et la capacité de stockage doit permettre de gérer les périodes d’interdiction d’épandage. La dose des fertilisants épandus sur chaque îlot cultural situé en zone vulnérable est limitée en se fondant sur l’équilibre entre les besoins prévisibles en azote des cultures et les apports et sources d’azote de toute nature (organique ou minérale). Le plan de fumure et le cahier d'enregistrement des pratiques permettent d'aider l'agriculteur à mieux gérer sa fertilisation azotée. Ils doivent être établis pour chaque îlot cultural exploité en zone vulnérable. Cette quantité maximale s'applique sans préjudice du respect de l'équilibre de la fertilisation à l'échelle de l'îlot cultural et sans préjudice du respect des surfaces interdites à l'épandage. L’épandage de fertilisants, notamment liquides, proche des cours d’eau, sur sols en pentes ou sur des sols ne pouvant les absorber est interdit pour limiter les fuites d’azote. La couverture des sols à la fin de l'été et à l'automne peut contribuer à limiter les fuites de nitrates au cours des périodes pluvieuses à l'automne en immobilisant temporairement l'azote minéral sous forme organique. La mise en place de bandes végétalisées d’une largeur minimale de 5 mètres non fertilisées le long des cours d’eau et des plans d’eaux de plus de 10ha permet de limiter les fuites d’azotes des parcelles vers les masses d’eau. Figurel : Les 8 mesures du programme d'action national (I iDirective n°9i/é7é/CEE. (2) L’épandage renvoie aux apports sur le sol, selon une répartition réguiière, d’effluents d’élevage, d’amendements, d’engrais, de produits phytosanitaires, de boues de station d’épuration, etc. voir actueenvironnementcom. (3) La surface agricoie utile (SAU) est un concept statistique destine a évaluer le territoire consacré a la production agricoie. La SAU est composée de : terres arables, surfaces toujours en herbe, cultures pérennes e voir actueenvie ronnementcom La 'chJrr—Ëau > n°67 France Nature Environnement
Même son de cloche en Pays— de-la-Loire où Yves Le Quellec, secrétaire de FNE Pays de la l Plus de 50 Loire raconte : « Les premières I Entre 40 et 50 réunions se sont tenues dans I Entre 25 et40 une ambiance responsable et respectueuse des positions de chacun. Il est toutefois apparu assez rapidement que le travail // à abattre était considérable, et que les délais étaient intenables. Puis, mi-décembre, une réunion s'est tenue sous pression avec Guadeloupe Martinique une manifestation dagriculteurs. ÿ ÿ ÿ ÿ r Depuis, plus aucune réunion ne s’est tenue et l’arrêté a été rédigé par l’administration préfectorale en relation bilatérale avec la profession agricole. » Entre 10 et 25 Moins de 10 Pas de mesure Nappe avec un seul point de mesure Plus encourageant, en Bretagne les associations ont été bien plus écoutées et l’arrêté paru dès le mois de mars comporte de nombreux points de satisfaction. Gilles Huet, délégué général d’Eau et rivières de Bretagne : « L’historique de la Bretagne sur la question des nitrates et le fait que nous ayons gagné contre l’Etat sur ce sujet au tribunal administratif de Rennes, début 2013, nous a permis de nous faire entendre. Par exemple, nous avons obtenu qu‘en cas d'échec des programmes volontaires engagés dans les bassins algues vertes, depuis 2011, des mesures réglementaires seront imposées notamment sur la réduction de la valeur de la balance globale azotée. Mais ces avancées ne doivent pas cacher les lacunes de la politique française de lutte contre les pollutions aux nitrates DES MESURES A L’EFFICACITÉ CONTESTABLE En effet, si certaines mesures sont plus ambitieuses que celles du 4ème programme, d’autres constituent un véritable recul. Par exemple, le plafond d’azote organique qu’une exploitation peut produire passe de 170 kg/ha de surface épandable (2) à 170 kg/ha de surface agricole utile (3), soit un relèvement que l’on peut estimer a 20%. Cette modification, justifiée par une harmonisation européenne pourtant non exigée par Bruxelles, ne dispense pas les agriculteurs de respecter les quantités et les zones d’épandage autorisées. Cependant, ces mesures étant difficilement contrôlables, une augmentation des quantités d’azote réellement épandues est a craindre. De plus, la question des contrôles se pose fortement car certaines mesures clés du 5ème programme sont invérifiables en l’état, comme le respect du plan d’épandage. Comment vérifier qu’un agriculteur n’a pas épandu plus que prévu ? Comment s’assurer que les parcelles autour de l’exploitation n’ont pas reçu plus que celles distantes de 10km ? Il y a pourtant fort à parier que les effluents seront bien souvent épandus au plus près du siège d’exploitation, pour des raisons d’organisation du travail ou du fait des contraintes liées au déplacement de la tonne à lisier (acceptation sociale, coût de transport). Les nouveaux textes réglementaires ignorent pourtant ces réalités humaines et rurales en écartant des outils mieux adaptés aux pratiques réelles, tel que le bilan apparent (4). Enfin, à moins de revoir l’ensemble du modèle agricole, la réglementation sur les nitrates, a condition qu’elle soit appliquée, ne résoudra les problèmes qu’à la marge. Moyenne en 2011 par nappe (mg/I) Eugne .,—| Figure 2 : Concentration moyenne en nitrates dans les nappes phréatiques, en 2011 uN MODÈLE AGrKICOLE A KEVOIK En matière d’élevage, le problème des nitrates provient d’un déséquilibre lié à l’alimentation animale importée. L’importation massive de soja, graine riche en protéines et donc en azote, permet aux éleveurs d’avoir un cheptel plus grand que s’ils les nourrissaient avec les productions de leurs terres. La contrepartie de ces pratiques d’élevage hors-sol (5) réside dans l’augmentation des déjections animales qui ne peuvent être totalement absorbées par les terres de l’exploitation. Ainsi, dans des régions d’élevage, l’ensemble du territoire est en excédent structurel d’azote. La seule solution permettant de lutter contre ce déséquilibre consiste à rétablir un lien entre l’élevage et le territoire en ajustant la taille du cheptel proportionnellement a la capacité nourricière du territoire. Cependant, le rétablissement de ce lien territorial nécessite d’une part, de désintensifier les régions en excédent d’élevage et d’autre part, de répartir l’élevage sur l’ensemble du territoire français répondant aux caractéristiques d’une gestion équilibrée d’azote par bassin, et non plus uniquement par exploitation. Plus profondément encore, une telle démarche n’impliquerait-elle pas de revoir notre consommation de produits animaux et d’orienter par la consommation le modèle d’élevage que l’on souhaite ? Bien que la question des nitrates soit souvent associée aux pratiques d’élevage, les régions de grandes cultures sont de plus en plus victimes de la pollution de l’eau par les nitrates. Par exemple, les cartes de concentration des nitrates font ressortir les nappes de la Beauce en rouge écarlate. Ces cultures font l’objet d’une fertilisation minérale intense visant a obtenir les rendements les plus élevés. Les quantités d’azote épandues sont bien souvent supérieures à celles réellement consommées par les cultures et provoquent, par conséquent, une fuite d’azote dans la nature. Il est donc indispensable de redéfinir des objectifs de rendement plus réalistes et de viser non plus le rendement maximum mais le meilleur ratio intrant / production. Ce changement de point de vue s’accompagne le plus souvent de modes de production compatibles avec la protection des eaux superficielles et des nappes souterraines. Des solutions techniques existent pour diminuer le recours aux engrais azotés, telles que l’allongement des rotations des cultures, couplé à l’introduction des légumineuses qui captent l’azote de l’air. Ces légumineuses peuvent être destinées a l’alimentation humaine (pois, lentilles, haricots...) mais aussi a l’alimentation animale (féverole, luzerne, pois fourrager...) dans une logique de territoire. Cette vision agronomique globale ne serait—elle pas la véritable agro-écologie ? (4) Le bilan apparent calcule le solde net entre les entrées et les sorties d‘azote a l'échelle de l’exploitation en s’appuyant sur les valeurs de la comptabilité. (5) Un élevage hors sol est un élevage où l'approvisionnement alimentaire des animaux ne provient pas, pour l'essentiel, de l'exploitation elle-même, voire du territoire proche La leHrËâlu > n°67 France Nature Environnement
POLLuTioN Aux PCB EN PICAKDIE, de la source à la contamination des écosystèmes Par Pairick THIERY, Président de Picardie Na ture et Laehha DupUIs, Chargée de mission mammifères marinsà Picardie Na tune. Cet article illustre l'impact ole la pollution aux PCB (1) en Picardie en revenant d'une part sur le combat juridique mené par Picardie Nature depuis presque vingt ans contre un stockage illégal dé terres polluées aux PCB dans l'Aisne, et d'autre part en s'appuyant sur le suivi sanitaire de la population de phoques sur la côte picarde. Un phoque veau-marin au repos hors de l'eau, à marée basse, en baie de Somme - © C. Martin-Picardie Nature KETOUK SUK PRESQUE 20 ANS DE COMBAT JURIDIQUE ! En 1994, une filiale d’Eurovia, s’est vue confier une opération de construction d’un supermarché sur un ancien site EDF à Saint Quentin dans l’Aisne. De manière à niveler le terrain, de la craie provenant d’une carrière creusée par un agriculteur de Maissemy (2) est échangée contre des terres issues de l’ancien site de stockage de transformateurs. Quelques années auparavant, EDF y avait accueilli des fûts de dioxine que la société SPEDILEC (3) avait illégalement importés du site même de l’usine Icmesa après la catastrophe Seveso (4) de 1976. Ces terres étaient connues pour être polluées, un inspecteur de la DRIRE avait même écrit dans un rapport adressé au préfet : « il est donc exclu que cette terre contenant des traces de PCB serve de remblai pour le réaménagement d'une carrière située en zone agricole ». Faisant fi de ce rapport, l'entreprise de BTP transporte alors les terres contaminées dans la carrière de craie. Pendant près de 10 ans, l’association Aisne Environnement mène un combat juridique qu’elle perd malgré une expertise engagée par les tribunaux mettant en évidence des concentrations en PCB supérieures à 50 mg/kg dans la carrière de Maissemy. Contre toute attente, les juges ne retiennent pas les normes indiquées par l'expert concernant les déchets mais celles relatives aux appareils contenant des PCB. En 2005, Picardie Nature reprend le combat juridique en demandant au préfet d'effectuer des analyses du sol, ces terres ne pouvant être considérées comme déchet inerte. Le préfet adresse à Picardie Nature une fin de non-recevoir estimant que ses services avaient fait leur devoir. Nous décidons alors d’engager une action au civil, l'action pénale étant épuisée. A partir de 2006, la pollution par les PCB de la Somme et de certains de ses affluents, dont l’Omignon (5), est rendue publique. Les autorités publient des arrêtés préfectoraux interdisant la commercialisation de certaines espèces de poissons, touchant de plein fouet l’activité traditionnelle de pêche à l’anguille dans les étangs de la Haute Somme. Des pêcheurs professionnels se retrouvent sans activité. L’association syndicale des propriétaires d’étangs de la haute Somme rejoint alors Picardie Nature, nos deux associations étant scandalisées par plusieurs éléments : o La carrière de craie de Maissemy creusée pour recevoir les terres polluées n’avait même pas fait l’objet d’une déclaration en mairie. o Le propriétaire du terrain a toujours, curieusement, refusé que les terres soient enlevées, malgré les propositions d’EDF de les reprendre. Un arrêté préfectoral pris en 1997, prescrivant l’enlèvement des terres de Maissemy, a été contesté par le propriétaire de la carrière (l) L'abréviation PCB désigne les polychlorobiphényles, les polychloroterphényies, le monométhyletétrachloroediphényl méthane, le monométhyledichloroediphényl méthane, le monométhyiedibromoediphényl méthane, ainsi que tout mélange dont la teneur cumulée en ces substances est supérieure a 50 ppm en masse (www, deveioppementÿdurable.gouv.ir). (2) Maissemy est une commune française, située dans le département de I’Aisne, (3) SPEDILEC exerçait pour le compte d’EDF des activités de retraitement de transformateurs et condensateurs chargés en PCB. (4) Le inuiIIet i976 un nuage contenant de la dioxine provenant du réacteur de l'usine Icmesa s’est répandu sur quatre communes lombardes dont la commune de Seveso, La leH-rËâlu > n°67 France Nature Environnement
puis annulé par le Tribunal Administratif. Le préfet n'a pas utilisé les arguments juridiques appropriés et n’a jamais fait appel de ce jugement, la personne en charge du dossier étant en congé maternité ! Alors que l’État cherche des sources possibles de pollution des rivières en analysant des sédiments et des réseaux d'eaux pluviales à St Quentin, il a toujours refusé nos demandes d’analyse des terres polluées de Maissemy, dans un sol crayeux, au droit de l’Omignon. En guise d’explication, le préfet nous rétorque qu'il s'agit d'un terrain privé l En juin 2009, le Tribunal de Grande Instance de St Quentin(6) nous condamne pour procédure abusive. Nous devons verser solidairement aux quatre parties adverses la somme de 15 000 euros. Nous faisons appel de ce jugement et, en mars 2012, la Cour d’Appel d’Amiens (n condamne la société Eurovia ainsi que le propriétaire à assurer l’élimination des terres. En réponse à cette décision, la société ALLIANZ, représentant GAN Eurocourtage assureur de l'entreprise Eurovia, dépose un pourvoi en cassation. Cependant, alors que nous attendions naïvement l’issue du pourvoi, les terres polluées sont retirées, en catimini, au cours de l'été 2013. En novembre 2013, lors d'une réunion du comité interdépartemental de suivi PCB, nous apprenons que les terres ont été transportées dans un centre d'enfouissement. En janvier 2014, le préfet de l'Aisne, bien informé, nous précise dans un courrier : « le site de Maissemy a fait l’objet d’une remise en état [...] selon des méthodes conformes aux dispositions du code de l’environnement. Les analyses menées sur les terres polluées ont démontré qu’elles contenaient moins de 50 mg de PCB/ Kg et qu’au regard de la réglementation, elles ne devaient donc pas être considérées comme des déchets dangereux. Elles ont pu être transférées vers le centre d’enfouissement de déchets non dangereux à Plavigny le Grand ». Deux choses sont principalement à retenir de cette affaire. D’une part, une farouche volonté du propriétaire de l'entreprise condamnée, mais aussi de l’État pour faire disparaître ces terres contaminées à l'insu des associations de protection de l'environnement. D’autre part, une baisse de la concentration en PCB de ces terres entre 1998 et 2013, preuve que ce polluant s'est infiltré dans le sol crayeux pour rejoindre les nappes d’eau. Par conséquent, nous pouvons nous interroger sur l’impact des pollutions aux PCB sur les milieux aquatiques en Picardie, et plus particulièrement, sur la population de phoques de la côte picarde. L’IMPACT DES POLLUTIONS Aux PCB SUK Les PHOQUES DE LA CÔTE PICARDE Depuis 1986, l'association Picardie Nature mène un programme d'étude et de protection des phoques de la baie de Somme. Deux espèces de phoques sont observables sur ce site : le phoque veau-mari n (Phoca vitulina) et le phoque gris (Halichoerus grypus). Le phoque veau-marin vit principalement dans les milieux estuariens sablonneux et se nourrit essentiellement de poissons. Prédateur situé au sommet de la chaîne alimentaire, il absorbe un grand nombre de polluants à travers les proies qu’il ingère. De plus, il est à noter que les PCB se concentrent particulièrement dans les graisses. Les femelles s'en déchargent alors régulièrement en allaitant les jeunes phoques tandis que les mâles les concentrent toute leur vie. L’association Picardie Nature est membre du Réseau National Echouage (RNE) coordonné par l’observatoire PELAGIS de La Rochelle. Ainsi, dès qu’un mammifère marin s’échoue sur la zone littorale allant du Touquet (8) au Tréport (9), l'association intervient. Lorsque les états de décomposition des animaux morts le permettent, ceux-ci sont autopsiés au laboratoire vétérinaire départemental de la Somme. Ainsi, 103 autopsies de phoques veaux-marins y ont été réalisées entre 1977 et 2013. Pour 89 animaux, la présence de PCB a été recherchée dans les graisses. Les analyses montrent des traces de PCB, soit une dose inférieure à 0,01 ug/g, pour 4 individus et des doses variables allant jusqu'à 163,7 ug/g retrouvées chez un mâle adulte. Les PCB ont un impact direct sur la santé des mammifères marins, les études menées sur les phoques veaux-marins montrent le rôle immunodéficient (10) des PCB dès 17 pg/g (Ross et all, 1996) favorisant ainsi la propagation des virus au sein des populations. D'autres auteurs font état d'impacts sur le taux de fécondité des populations ainsi que sur les malformations fœtales (11). Cependant, les PCB ne sont pas les seuls polluants présents dans le milieu marin. Lors des analyses réalisées sur ces phoques, la présence de DDT, de lindane, d'endosulfan, de carbofuran et de plomb a également été relevée. Malheureusement, le bassin Artois-Picardie ne fait pas figure d’exception, d’autres bassins, tels que celui de la Loire par exemple, sont soumis à de multiples formes de pollutions (mercure etc.) impactant de nombreuses espèces, telles que la Loutre d’Europe et le Balbuzard pêcheur. / r - Des phoques veaux-marins au repos hors de l'eau, à marée basse, en baie de Somme - © C.lVIartin-Picardie Nature (5) L'Omignon est une rivière de Picardie, du département de l'Aisne et du département de la Somme. (6) http://www.picardie-naturéorg/IMG/pdt/CopieJLJge- mentÿatfÿMaissemyÿ25ÿ06ÿ2009ÿpdf. (7) CAA Amiens, 22 mars 2012 : http://www.picardie-nature.org/IMG/pdf/ArretÿrenduÿparÿlaÿCourÿdÿAppeL22ÿ03ÿ20l2*. pdf. (8) Département Pas-de-Calais. (9) Département Seine-Maritime. (10) L'immunodéficience correspond a un déficit du système immunitaire. (l 1) Voir Ency- clopedia of marine mammals, 2002. L“ ICHr‘ËâLu > n°67 France Nature Environnement
>IO L’AMENAeEMENT Du CANAL DE LA Lys z transport fluvial à grand gabarit Versus zones humides patrimoniales remarquables Ÿ. Par Anitq Villers, de I’associa tion environnement et développement altema tif (1) Depuis plus de 20 ans, les atermoiements se succèdent quant a un potentiel projet de construction d'un canal à grand gabarit << Seine Nord “Europ >>(2)d stin’ àr mplac r, ntr Compi‘gn t Cambrai (106 km), l'ancien canal du Nord, gui, construit au début du 20eme siècle, ne permet pas aux péniches grand gabarit d circul r. Dansl cadr d c proj t, d s travaux de rnise à grand gabarit des canaux et rivières existants d part td'autr d c tt nouv ll infrastructure sont également prévus. lls sont très avancés chez nos voisins Belges alors que la décision de construction de ce nouveau canal n'est pas encore prise en France. La Lys, affluent de l'Èscaut, située en territoire transfrontalier, est concernée par des travaux d'élargissement ou de nouveau tracé. Cet article me en lumière, en s'appuyant sur le projet de canalisation de la Lys bordant la zone humide des << Bas—Prés >> à Comin s, l s nj ux, voir l s att int s nvironn rn ntal s, ng ndr ’ s parl s travaux de rnise à grand gabarit d'un cours d'eau. LA LYS -. uNE KIVIÈKE AMÉNAerEE Où IL SUBSISTE DES HAVKES DE BIODIVEKSITÉ l La Lys prend sa source en France, à Lisbourg, au nord des Collines d’Artois. Elle parcourt 190 km jusqu’à la confluence avec l’Escaut à Gand. Rectifications, écoulements plus rapides de l’eau, segmentation des zones inondables, surélévation de la zone de vallée inondable, drainage des prés humides... Telles ont été les interventions de l'homme sur ce cours d’eau depuis la seconde moitié du 20ème siècle. Située dans une enclave belge jouxtant la France, constituée de prairies basses destinées à l'élevage ou laissées en friche, la zone des Bas-Prés abrite un fabuleux réservoir de biodiversité nécessaire au bon fonctionnement écologique. On y trouve des plantes typiques des zones humides, des espèces de graminées devenues rares favorisant l'existence d'un écosystème riche dans une vallée fortement remaniée. De plus, la zone des Bas-Prés contribue au processus de régulation des régimes hydrologiques en absorbant l’eau de pluie et en la restituant en cas de sécheresse. Elle s'avère indispensable lors des crues soudaines de la rivière et sert de vaste bassin tampon, protecteur des habitations voisines. Elle permet aussi d’épurer naturellement les nappes phréatiques environnantes polluées par les nitrates agricoles et les rejets urbains. Inondation des Bas Près à Comines (2006). © Philippe lvbuton Enfin, la zone des Bas—Prés fait aussi l’objet de nombreuses animations pédagogiques grand public destinées à sensibiliser aux enjeux liés à un tel corridor écologique. MENACE PAK DEux PROJETS uKBANisnouEs DE aKANDE ENVEKGIUKE -. LA MISE A âKAND eABAKiT ET LA coNerucnoN D’UNE KouTE au gszn &lnm n'a—Mue _ (in: «mm n-uu unlgahnmmm dwmr‘l =' samarva Vnh Bv . Dohi I 7 Na anm... P41. ' = . . . DMHOHQ « f ' i ‘ ‘ ‘ — ‘ . . r—J QÉ I" ' ' ":o ‘ . 4. u . . a"... j- R Roll-mm - A - - A [mas m3.“ A." vu...“ 1* tomwun , o v1" _ V . h Nm". Projet d' aménagement du canal Seine-Nord Europe Source : http://www.développement-durable.gouv.fr/Le-projet- initialement-envisage.html Aujourd'hui, le projet de calibration de la Lys doit permettre d'assurer la jonction entre les réseaux de canaux français, belges et néerlandais permettant le transit de péniches au gabarit de 4500 tonnes. Plus précisément, les travaux envisagés s’inscrivent dans le cadre du projet européen de liaison fluviale Seine-Escaut et prévoient d’une part, des travaux d’aménagement de la Lys et d’autre part, la construction d’une li) L'EDA est l'une des lOO associations aui composent la Maison Régionale de l'Environnement et des Solidarités de Lille (MRES). (2) La liaison SeineeEscaut est un projet visant a relier par canal a grand gabarit la ville du Havre au Benelux. La 'chJrr—Ëau > n°67 France Nature Environnement
Comme: - Belgique Pont de Comines .r 4 f Prés de Lys Ec'use de Gommes V Nouveau lit de la Lys , , f ‘i hum"... 057;;th 0min” - Franco , . c ' -8e|9i Station d’epuratlon mm M - ‘7' v Lit existant de la Lys a Comines—Franco \ l . Schéma du projet initial de l’ aménagement de la Lys à Comines prévu par le Service Public de Wallonie ; Sources: D602 (Direction des Voies Hydrauliques de Tournai) http://bit.ly/1shWth voie rapide sur la berge du futur tracé du cours d’eau, en surplomb de la zone humide. En 2008, les associations EDA et Eco-Vie (3) se sont mobilisées contre le projet initial traçant le nouveau cours d’eau en plein milieu de la zone des Bas—près et prévoyant de réutiliser les dépôts de terres comme socles pour une voie rapide. Cette dernière est destinée à relier deux zones industrielles et remplacera ainsi l’ancienne route traversant les villes alentour : soit la quasi disparition de la zone humide. Notre plaidoyer a consisté d’une part, à rappeler que les travaux doivent impérativement se dérouler de façon exemplaire afin d’éviter toute atteinte aux écosystèmes et d’autre part, à pointer du doigt les incohérences ainsi que les risques irréversibles que ferait peser la construction d’une route desservant une future zone industrielle sur la zone des bas—près. En effet, si la construction d’une voie d’eau grand gabarit est envisagée pour répondre aux objectifs de diminution du trafic routier et de rejets de gaz à effets de serre, il est alors difficile de comprendre qu’une voie rapide dédiée aux camions y soit parallèlement associée. Dès lors la mobilisation des associations locales environnementales transfrontalières a été permanente et s'est surtout traduite par de nombreuses rencontres et visites commentées sur les lieux pour sensibiliser tous les acteurs : habitants, riverains, élus et instances telles Voies Navigables de France, l’Agence de l'eau etc. En juin 2011 a lieu une première enquête publique. Effectuant une étude faune/flore et proposant des alternatives argumentées, les associations EDA et Eco—Vie rejettent le premier tracé au cœur de la zone humide proposé en 2006 par les autorités belges. Elles recueillent un écho positif qui conduit les autorités à repenser le projet. C'est ainsi qu'un nouveau tracé empiétant moins sur la zone humide a été décidé et validé officiellement tout en conservant, néanmoins, l'option d'une route sur la berge surplombant la zone humide. Les associations contestent ce nouveau projet et sa route : elles proposent un élargissement de la Lys actuelle sans route sur berge ! Nous avions jusqu'au 31 mars 2014 pour adresser aux autorités belges nos remarques suite à l'octroi du permis d'aménagement de la future Lys. Profitant de ce court laps de temps pour tenter une ultime révision, nous avons multiplié les contacts auprès d'élus français et belges afin qu’ils prennent connaissance des conclusions partagées par l’ensemble des organismes consultés dans le cadre d’une enquête de risques irréversibles pour la zone humide. UN PROJET LOURD DE PAKADOXES. Ce projet de grand canal est officiellement présenté comme un projet « porteur d’espoir » dans un territoire victime de fermetures successives des petites industries locales. Si des retombées environnementales positives sont attendues du développement du transport fluvial, en raison de ses faibles émissions de pollutions et de consommation d’énergie, il est néanmoins important de souligner le prix environnemental causé par la destruction des rivières actuelles, ainsi que les paradoxes profonds sous—tendant un tel projet. En effet, la volonté affichée par les autorités locales de construction d'une route dédiée principalement au trafic camions sur la berge de la nouvelle Lys a été accordée au titre d'un potentiel développement d'une zone d'activité économique et commerciale. Cet accord officiel a été pris en dépit des réticences émises par les services de protection de l'environnement et de voirie face à la complexité de la réalisation des ouvrages et des coûts financiers en partie imprévisibles. En réponse à l'avis officiel favorable émis le 9 janvier 2014, les associations ont mis en lumière plusieurs paradoxes. D’une part, les acteurs en faveur d’un élargissement de la Lys actuelle réprouvent totalement la présence d'une route « camions ». D’autre part, si beaucoup de précautions sont exigées dans le permis octroyé pour protéger au maximum la zone humide, notons que le moindre accident routier constituera une menace de pollution catastrophique pour les biotopes remarquables, sans parler des rejets C02, des particules diesel véhiculées par les pluies vers les lieux sensibles, du bruit... Soit des nuisances permanentes. QUELLE LEÇON POUVONS—NOUS EN TIKEK ? L’ampleur des enjeux soulevés par ce projet de mise à grand gabarit du canal de la Lys souligne, à plus grande échelle, la nécessité d’insérer tout projet d’aménagement des cours d’eau dans une démarche transversale intégrant les enjeux environnementaux, sociaux et économiques sur le long terme. De plus, la création d'une commission spécifique de suivi du projet apportant une analyse complémentaire pourrait s'avérer essentielle. Enfin, à l’image des enjeux soulevés par le projet de Notre—Dame—des-Landes (suppression de zones humides), ce projet nous interroge, plus profondément encore, sur notre capacité à privilégier le foncier agricole de proximité au service des populations citadines plutôt que de favoriser la création de nouvelles zones d'activités dans un secteur qui en comporte déjà beaucoup. (3) EcoeVie est une Association Sans But Lucratif (ASBL) belge reconnue par la Communauté Française créée en i978. La 'chJrr—Ëau > n°67 France Nature Environnement >ll
>l2 RISQUES D’lNoNDATIoN {mur proche ? Rien n'est moins sûr. La Flandre Maritime occupe l‘espace d‘un polder qu'elle partage avec la Belgique et les Pays Bas. Asséchée depuis une dizaine de siècles, cette plaine ceinturée par un cordon dunaire complété par des digues est plus basse que le niveau des hautes mers. ll suffit donc que ces fragiles barrières cèdent ici ou là lors d'une tempête pour que les terres intérieures soient submergées. Ce fut déjà le cas, notamment, en 1953 où sous les coups de boutoir de la houle, le niveau de la pleine mer atteignit 7,90 m à Dunkerque. Cela a suffi pour qu‘une digue cède provoquant l‘inondation de plusieurs quartiers urbains. Si l‘évènement n'entraîna que d'importants dégâts matériels, les intrusions marines furent beaucoup plus catastrophiques aux Pays Bas où l'on dénombra 1800 morts, tandis que la Belgique déplora 25 pertes humaines. A l’époque on ne parlait pas encore de dérèglements climatiques, ni de risques de montée des eaux. Le GIEC (2) n'occupait pas encore l'espace médiatique. En sorte que les autorités locales et nationales considérèrent sans doute que ces assauts des flots drossés par la tempête avaient eu à l'époque un caractère tout à fait exceptionnel et qu‘il n‘y avait pas lieu de s‘alarmer outre mesure. Durement touchés, Belges et Néerlandais pensèrent différemment : les changements climatiques semblant de plus en plus avérés et augurant d'une élévation mesurée, mais continue, du niveau de la mer, ils retroussèrent leurs manches et entreprirent sur leurs territoires de spectaculaires travaux de renforcement des ouvrages de défense contre la mer. Ces travaux ont conduit à la mise en place des plans Delta (3) et Sigma (4) qui ont fortement marqué et influencé le paysage des bords de mer. En France, après la tempête Xynthia (5) qui fut particulièrement dévastatrice en Vendée, et la piqûre de rappel de la tempête Xaver (6) en décembre dernier, les politiques publiques prirent progressivement en compte la nécessité de conforter les maillons faibles. Ainsi, on vit fleurir, dès 2007, les prémices de Plans de Prévention des Risques Littoraux (PPRL) sous la responsabilité de l‘Etat, mais comportant néanmoins une forte implication des collectivités et des acteurs locaux, dont les associations environnementales à travers les Comités Techniques (Cotec) et les Comités de Concertation (Cocon). Dans un secteur comme celui de la Flandre Maritime, les enjeux sont d’autant plus importants que le littoral se trouve être le réceptacle d'un bon nombre de sites industriels bâtis à fleur d'eau. Comment, en effet, ne pas porter une attention toute particulière à la présence in situ d‘une quinzaine de sites Seveso (n seuil haut et de la centrale nucléaire de Gravelines qui, avec ses six réacteurs, est l'une des plus importantes au monde ? On y trouve aussi des zones urbanisées rassemblant des dizaines de milliers d'habitants, susceptibles d’être également inondées si dans le plat pays on ne parvient pas à évacuer les eaux des rivières, des canaux et des watergangs (8), qui coulent paresseusement vers le rivage. 6+ 9écuri+é clos populafionç en bord clc mer Par Jean Sename, Président de l’ADELFA (1) La prospérité du littoral dunkerquois s'est construite au fil des siècles autour de la Mer du Nord. En sera—t—il encore ainsi dans un La Mer du Nord à l'assaut du plat pays. © J ean Sename S’agissant plus particulièrement de la centrale de Gravelines, site d’évidence le plus vulnérable et en tout cas porteur des risques les plus graves pour son environnement, l’aléa déterminant, de l’avis de l’Institut Wise-Paris (9), « est la crue bord de mer par surcote (CBMS) correspondant à l’association d’une surcote millénale et d’une marée théorique de coefficient 120 » (10). En clair, la cote majorée de sécurité (CMS), qui a évolué entre 1969 et 1997 de 5,36 à 6,12 m NGF N (11), dépasse de 60 cm celle de la plate—forme supportant les réacteurs l Certes, des travaux de renforcement des digues et des murets ont été menés depuis, mais Wise Paris considère que le canal d’amenée des eaux marines de refroidissement des six réacteurs, lequel se situe bien sûr au niveau de la mer, est un axe de propagation potentielle de submersion des installations. Enfin, s’y ajoute le risque venu de l’intérieur car sur ce polder la centrale de Gravelines est proche du chenal de l’Aa collectant avec le port de Dunkerque l’important volume d’eaux douces venues de l’hinterland (12). C’est dire s’il existe beaucoup d’incertitudes quant à savoir, comme l’indique Wise, si les marges de sûreté restent suffisantes quant à une possible submersion marine ou une inondation de l’îlot nucléaire gravelinois, avec le risque de perte de la source froide et des alimentations électriques. Dans ce cas, un scénario à la Fukushima ne serait pas à exclure sur les bords de la Mer du Nord. (l)Fédération d'associations, créée en 1974, agréée par les pouvoirs publics qui regroupé la plupart des associations de défense de l' Environnement et du Citoyen du Littoral FlandreeArtois. (2) Le GIEC est le Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, (3) Le plan Delta est un systémé néerlandais de défense contre les inondations maritimes. Il a été mis en place a partir du 18 octobre 1955 suite aux inondations catastrophiques du 2] février 1953. (4) Le plan Sigma est un plan flamand de gestion des inondations de l’Escaut. Il a été mise en place suite aux inondations survenues en 1953. (5) La tempête Xynthia a touché, entre le 26 février et le ler mars 20lO, I'Espagne, le Portugal, la France, la Belgique, le Luxembourg, le RoyaumeÿUni, la Scandinavié et le pays au bord de la mer Baltique. (6) La tempête Xaver a touché le NordÿEst de l‘Europe (Ecosse, PayseBas, Allemagne, Scandinavie) le vendredi 6 septembre 2013, (7) La directive 96/82/CE, dite dirécÿ tive Seveso, est une directive européenne qui impose aux États membres de lUnion Européenne d’identifier les sites industriels présentant des risques d'accidents majeurs, (8) Waten/vang est synonyme de waeteringue. (9) WiseÿParis (World Information Service on Energy) est une agence d’information et d'études sur l'énergie basée a Paris, proche du mouvement antinucléaire. (lO) Noté de WiseeParis du 25 février 2014 sur << le risque d'inondation de la centrale de Gravelines n établie par Manon Besnard, chargée d'études, et Yves Marignac, directeur. (l l) NGF N signifie Nivellement général français normal. (12) Hinterland signifie arrièreepays. La ICH'Y'Ëau > n°67 France Nature Environnement
un combat sans Fin pour“ réduire la vulnérabilfié du pla+ pays Dans un contexte de risque croissant de submersion des plaines maritimes bordant la Mer du Nord, il est nécessaire de LES WAETEKINGIUES z Par Jean Sename, Président de l’ADELFA (i) rappelerles processus historiques al’otigin d l’ass’ch m ntd c svast s ’t ndu sd t rr s. En ff t, loin d’Atr unpaysage « natur l», c st rritoir s ass’ch’s sontl fruit d’un longu conquAt d la natur par l’homme. Cependant, cette dernière semble aujourd’hui remise en cause. .. Un exutoire stratégique pour l'évacuation des eaux des waeteringues : l'écluse Tixier à Dunkerque. © Jean Sename La plaine maritime entourant Dunkerque est un polder, c’est-à—dire un territoire gagné sur la mer grâce à l’action opiniâtre des hommes qui procédèrent à cette reconquête. On estime que celle-ci débuta de façon parcellaire au 6ème siècle pour prendre une toute autre dimension lorsque le comte de Flandres, Philippe d’Alsace, créa l’institution des waeteringues en 1169. Ces « chemins d’eau » permirent progressivement d’assécher les terres marécageuses en renvoyant vers la Mer du Nord l’eau invasive. Cette évacuation ne se fit pas en un jour : l’écoulement s’effectuant de façon gravitaire, il fallut tout le savoir-faire d’un ingénieur, Wenceslas Cobergher (2), pour que, par la création de digues et de canaux, les terres émergent et que la plaine maritime prenne la forme qu’on lui connaît. Est—ce à dire que la partie était définitivement gagnée ? Non, car au risque de submersion marine contenu ici par des digues, ailleurs par les cordons dunaires, s’ajoutait celui des inondations provoquées par l’accumulation d’eau pluviale et fluviale à l’intérieur des terres. Pour juguler ce type d’agression, l’institution des waeteringues et ses quatre sections territoriales se virent donc attribuer la responsabilité d’acheminer ces eaux vers la côte à grand renfort d’une centaine de pompes. En sorte que, parvenues à un exutoire aussi large qu’un canal, leur évacuation puisse se faire quand la marée est basse par une écluse, elle-même dotée de puissantes pompes. Les portes de l’écluse se referment quand la marée est haute, au risque autrement de voir la mer prendre le chemin inverse et envahir le polder. Ce système d’évacuation complexe suit le rythme des marées et nécessite des opérations de pompage et d’éclusage fiables. Afin de parfaire le système, a été mis en place en 2003 un Programme d’Actions de Prévention des Inondations (PAPI), outil de contractualisation entre les collectivités et l’Etat. Il vise d’abord à réduire le risque d’inondation, mais permet également aux collectivités de mobiliser des fonds importants pour conforter la protection des personnes et des biens. En effet, le pompage en continu ou seulement en période de crues, l’entretien des ouvrages hydrauliques, la mise en place de zones d’expansion de crues, etc...coûtent cher, voire très cher. L’une des préoccupations constantes de l’administration des waeteringues et des partenaires qui la soutiennent, étant de faire face à tout type de risque, l’Etat, Région, Agence de l’eau, etc. sont régulièrement sollicités par des demandes de financement public. En des temps où le changement climatique sera sûrement assorti d’une montée des eaux marines, c’est un nouveau défi que devront relever les habitants des plaines littorales : le rejet des eaux terrestres dans la mer sera nécessairement plus ardu. Dans le plat pays, l’administration des waeteringues n’est pas prête de disparaître. Le combat contre submersions et inondations a encore de beaux jours devant lui. (i)Federation d’associations, créée en i974, agréée parles pouvoirs publics qui regroupe la plupart des associations de detense de I'Environnement et du Citoyen du Littoral FIandreÿArtois. (2)Architecte et ingénieur né a Anvers en 156i et décède en 1634 a Bruxelles La leHrËâlu > n°67 France Nature Environnement Cul“-
>I4- SCHÉMAKÈaDNALDECoHÊRENŒECOLoaiaŒTRNwEVERŒETBLEŒDuNORD—PASDECALArs: rétablir“ le; continuités écologiques Par Jean-Louis Woflez, Président de Leïrem Nature Pionni’r n mati‘r d tram v ri tbl u (1) t d prot otion d la biodiversité, la Région Nord—Pas de Calais inscrit l’élaboration du Schéma Régional de Cohérence Écologique (2) (SRC'E) dans la continuit’ d la d ’ march initi’ , d \ sl s ann ’ s 1990, et qui allait devenir << la Trame Verte et BleLe >> ( VB). C’est pOL rquoi le terme de SRC'E—l VB (3) est aujourd’hui employé. UNE MÉTHODOLOérIE ANCKÈE DANS LE TERRITOIRE. L’élaboration du SRCE-TVB repose sur une double approche : l’une éco- systémique, dite « par milieux », tel que le prévoient les textes de loi, et l’autre basée sur l’analyse écologique des paysages afin de territorialiser les enjeux en vue d’une meilleure appropriation par les acteurs locaux. Approche fondatrice de la TVB régionale adoptée en 2006, la définition d’unités écopaysagères renvoie à un découpage du territoire régional en unités homogènes. L’approche par milieux de la SRCE-TVB consiste à présenter les continuités et corridors (4) écologiques, ainsi que les conditions nécessaires à réunir afin d’assurer le bon état des milieux. En associant l’analyse des milieux à celle des paysages, cette démarche vise à inscrire la notion de paysage dans un objectif plus large d’équilibre écologique. Les rivières 6+ au+rcç cours d’eau Présent sur l’ensemble de la région Nord-Pas de Calais, le réseau hydrographique constitue un important réservoir de biodiversité (5) recelant des richesses écologiques contrastées selon la qualité de l’eau et leur dynamique naturelle. Aujourd’hui très artificialisés et limités dans leur fonctionnement par la présence d’obstacles tels que les écluses ou les barrages, certains cours d’eau n’assurent plus ni les fonctions écologiques qui leur sont dévolues (migration, reproduction, mana... nm (Mutation du ml E190!“ anlntllmh (mura Les actions prioritaires par écopaysage "-‘m .. Les actions prioritaires par écopaysage habitat), ni les fonctions de régulation essentielles à la prévention de risques pour l’homme et ses biens (inondations, coulées de boue...). Les zoncç humides 6+ Plane d’eau Les zones humides abritent des habitats rares d’intérêt supranational, voire européen, et remplissent de nombreuses fonctions environnementales, économiques et récréatives. Un tiers des espèces végétales protégées ou menacées y est recensé. De plus, elles constituent des lieux d’habitat, de halte, de reproduction et de nourrissage pour la moitié des espèces d’oiseaux et la totalité des amphibiens. À l’échelle régionale, ces milieux, autrefois très étendus, sont à présent sous-représentés et en régression (artificialisation des sols, drainage, abandon, reconversion en cultures ou peupleraies...). LA NÉCESSITÉ D'UNE &ESTION INTÉâKÉE DES couRs D’EAU ET ZONES HUMIDES. L’impact de l’aménagement et de la gestion des eaux sur la biodiversité est particulièrement marqué dans la région Nord-Pas de Calais. La région Nord-Pas de Calais a connu de nombreux projets d’aménagements fragilisant fortement l’équilibre écologique de ses cours d’eau : lutte contre les intrusions salées, drainage des zones humides, évacuation des eaux de ruissellement, extension des espaces urbanisés, infrastructures hydrauliques etc. Ce phénomène d’artificialisation (6) est d’autant plus préoccupant que la gestion des eaux de la région agit à la fois sur le volume des eaux de surfaces et souterraines, ainsi que sur la morphologie des cours d’eau, la qualité des eaux et la biodiversité du milieu. Ainsi, sur les 8000 km de voies d’eau du bassin Artois-Picardie, plus de 2000 ouvrages hydrauliques ont été recensés. La densité moyenne correspond à un ouvrage tous les 4,5 km. L’effet « retenue » de chaque ouvrage, cumulé à l’échelle de chaque bassin versant, induit en moyenne une perte de 25 % des habitats aquatiques d’eau courante indispensables à certaines espèces telles que, par exemple, la truite et le barbeau. Par ailleurs, ces aménagements constituent des obstacles au transit sédimentaire et aux continuités écologiques. En effet, 78 % de ces ouvrages sont infranchissables par les poissons alors que seulement 6 % de ces ouvrages comportent un usage économique avéré. Enfin, ces ouvrages empêchent les anguilles et autres grands migrateurs, tels que les aloses, lamproies, saumons et truites de mer, d’accéder aux frayères situés en amont des cours d’eau. hum - wanwrnwmm (l )La TVB est définie par la loi du 3 août 2009 (dite (( Grenelle l ») et a pour objectif d'enrayer la perte de biodiversité en participant a la préservation, a la gestion et a la remise en état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural, (2) Le SRCE est un outil d’aménagement du territoire défini par la loi du l2 juillet 20l0 (dite (( Grenelle 2 li), élaboré conjointement par la Région et l’Etat, qui cloit prendre en compte les orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques. (3) La SRCEÿTVB est un réseau des contié nuités écologiques terrestres et aquatiques. (4) Les corridors renvoient aux fonctionnalités potentielles géographiquement localisées a l’échelle de la région, stae tistiquement les plus probables, et cartographiées en fonction d'un objectif assigné a un type de milieu parmi les biotopes retenus (dunes, bocages, forêts, zones humides, etc.) (5) (r Les réservoirs de biodiversité sont des espaces dans lesquels la biodiversité est la plus riche ou la mieux représentée, ou les espèces peuvent effectuer tout ou partie cle leur cycle de vie et ou les habitats naturels peuvent assurer leur fonctionnement, en ayant notamment une taille suffisante. lls abritent des noyaux de population d’espèces, a partir desquels les individus se dispersent, ou qui sont susceptibles de permettre l’accueil cle nouvelles populations d'esé peces », définition extraite de l'article R.37l7l9 du code de l'environnement, (6) «Surface artificialisée >> renvoie a toute surface retirée de son état naturel, forestier ou agricole, qu'elle soit batie ou non et qu’elle soit revêtue ou non e voir http://wwwdeveloppementédurable.gouv.fr/ La leHrËâlu > n°67 France Nature Environnement
LE PLAN D'ACTION STRATÉGIQUE L’élaboration du plan d’action stratégique a fait l’objet d’un atelier de travail associant un large panel d’acteurs locaux. L’objectif de ce plan est de permettre à l’ensemble des acteurs compétents d’agir au niveau de la mise en œuvre de la TVB par : - L’intégration des objectifs du SRCE—TVB dans leurs activités, leurs projets et leurs politiques - Le développement de partenariats susceptibles de les mettre en œuvre et de s’impliquer dans des maîtrises d’ouvrage adaptées Cependant, le plan d’action stratégique ne vise pas à l’exhaustivité des mesures et ne comporte pas de dimension réglementaire. Par conséquent, la mise en place des actions prioritaires est effectuée dans le respect des compétences respectives des acteurs concernés (7). Enfin, à titre d’exemple, sont développées ci—dessous les deux démarches d’actions prioritaires déclinées au sein de la SRCE-TVB du Nord-Pas de Calais : l’approche dite « par milieux » et l’approche dite « écopaysage Ae+ion9 priori+aire9 par milieux — approche eeoçyçJremique PKIOKrrE I - Rétablissement des fonctionnalités et des continuités écologiques latérales, longitudinales et sédimentaires des cours d’eau (suppression de barrages et création de passes à poissons par exemple). PRIORITÉ z - Poursuivre les actions visant à améliorer la qualité des cours d’eau, notamment celles visant à atteindre le bon état écologique prescrit par la Directive Cadre sur l’Eau. - Lutter contre l’érosion des sols sur les bassins versants amont. PRIORITÉ a - Rétablir la fonctionnalité des lits majeurs des cours d’eau en tête de bassin (admettre les débordements) - Restaurer la qualité des habitats des cours d’eau (méandres, berges végétales, etc. .) Ae+ion9 Priori+aire9 çelon l’approche ali+e << eeopayçage >> ale la Plaine ale la Scarpe. N‘V‘Ÿa‘l île Objectifs pnonte Remailler les réservoirs de biodiversité Favoriser la continuité forestière Renforcer le maillage bocager par des haies vives Réduire l’effet fragmentant des principales voies de communication Améliorer la franchissabilité des canaux par les espèces à déplacement terrestre Opérations susceptibles d'impacts positifs sur les continuités écologiques Mettre en place des connexions biologiques le long de l’A23 Améliorer la qualité de l’eau des cours d’eau inscrire la vocation des zones humides dans les documents d’urbanisme Veiller à assurer le déplacement de la faune terrestre par des aménagements adaptés ou la restauration de milieux de substitution Exemple d’action prioritaire : la suppression du « Barrage de l’étroit » sur la Lawe à Lestrem. ©Jean-Louis Wattez DE LA PKocEDuKE DE CONSULTATION Aux RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION DENouETE L’enquête publique qui s’est déroulée du 18 novembre 2013 au 2 janvier 2014 a constitué la dernière phase de la procédure d’élaboration. A l’issue de l’enquête publique, la commission d’enquête a constaté que la procédure de concertation a atteint son objectif en touchant un grand nombre d’acteurs concernés par ce projet. En effet, l’ampleur de cette phase de concertation a permis de mettre l’accent sur les principaux enjeux, ainsi que de formuler des réponses adaptées aux inquiétudes de certaines catégories socioprofessionnelles dont l’activité dépend du bon équilibre écologique. Enfin, la commission d’enquête a émis un avis favorable assorti de deux recommandations au projet de Schéma Régional de Cohérence Ecologique Trame Verte et Bleue du Nord-Pas de Calais. D’une part, la commission recommande que soit établi un document de mise en œuvre du SRCE—TVB à destination des collectivités territoriales, insistant sur la nécessaire association des acteurs locaux (agriculture, chasseurs, forestiers...) dans une démarche ascendante de propositions. D’autre part, la commission recommande que soit fait mention, dans le document présentant l’agriculture, de la mise en application des textes concernant les bonnes conditions agricoles et environnementales et la conditionnalité des aides de la PAC qui ont modifié très sensiblement la donne en matière de biodiversité. Opérations susceptibles d’atteintes ou d’impacts très négatifs sur les continuités écologiques Boisement en zones inondables Création de nouveaux plans d’eau dans les continuités écologiques à préserver Plantations en zones inondables d’intérêt patrimonial non boisées Nouvelles plantations monospécifiques dans les réservoirs de biodiversité Développer des circuits économiques Développer les initiatives permettant des activités compatibles ou renforçant le réseau écologique basés sur l’exploitation des ressources renouvelables du terroir (bois, prairies...) Poursuivre l’information du public sur le patrimoine naturel et culturel du Parc Naturel Régional (7) Voir le document en ligne : http://www.nordeposedeeeolois.developpementeduroblegouv.fr/IMG/pdt/resumeÿsrceetvbÿversionÿl8704720l4.pdt La leHrËâlu > n°67 France Nature Environnement >l'5
.1 VUÊ LA COMPÉTENCE érEsrioN DES MILIEUX AQUATIQUES ET PRÉVENTION DES INONDATIONS. La loi du 27 janvier 2014 de moderrisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPAM) cr' un comp’t nc d publics de coooération intercommL nale (' inondations (G‘EMAPl). D plus, ll g stion d s mili ux aquatiques et de prévention des inondations qui confèrera, a partir du le‘janvier 2016, une nouvelle compétence aux communes et a leurs établissements EPCl) sur la gestion des milieux aquatiques et la prévention des ’tablit un nouv ll tax facultative, l’<< aquataxe >>, pour l’exercice de cette compétence et crée les -PAG - (établissements publics d’aménagement et de gestion des eaux) aux côtés des EPTB (établissements publics territoriaux de bassin). Dans le prochain numéro, Frédéric Tricot nous offrira son point de vue sur ce te thématique. En quoi la loi de modernisation de l’action puin ue e+ d’alïlïirmafion des me+ropâle9 perme+—elle de Pacili+er la ouvernance de la politique de ’eau ? Cette loi était nécessaire, néanmoins, elle entraîne de ma part deux remarques. D’une part, elle a suscité une grande inquiétude, voire de la colère, de la part des élus ou de certains agriculteurs car elle a été préparée sans réelle concertation et elle n’aborde pas les questions de biodiversité, telle que la Trame Verte et Bleue. D’autre part, elle présente un aspect très positif car elle prend réellement en compte la gestion intégrée de l’eau en donnant aux collectivités locales la responsabilité à la fois des services publics d’eau et d’assainissement, et de l’entretien des cours d’eau ou de lutte contre les inondations. Cela va dans le sens que je défends depuis longtemps selon lequel il n’existe qu’un seul cycle de l’eau auquel viennent se greffer de multiples usages. L’aménagement du territoire est la politique fondamentale qui interfère avec la politique de l’eau. Il s’agit donc de donner à ceux qui ont la charge de l’aménagement du territoire la responsabilité de la prévention des inondations et de la qualité des milieux aquatiques. Cela me semble d’une logique absolue. Qu'est—ce qu'un EPAâE e+ en 9e distingue—Jeu d’un EPTB ? La politique de l’eau se fait globalement et à l’échelle du bassin ou d’un sous bassin. La commune n’est donc pas l’échelle pertinente même si la responsabilité GEMAPI a été donnée aux collectivités, celles—ci doivent la transférer immédiatement aux EPCI. Or I’EPCI ne se situe pas non plus à l’échelle adaptée car la rivière vit au-delà du périmètre administratif. Nous avons quoi des agences qui sont des planificateurs, des financiers, mais il faut aussi des maîtres d’ouvrages au travers d’organismes tels que les EPAGE et EPTB. Les EPAGE sont des syndicats de rivière qui reçoivent ce « label » lorsqu’ils ont l’ensemble des compétences dites « GEMAPI Quant aux EPTB, ils ont une fonction de coordination, de compétence et d’ingénierie et sont souvent également maîtres d’ouvrage. Les EPTB et les EPAGE sont des outils que se donnent les collectivités territoriales pour organiser une politique cohérente à l’échelle du bassin ou sous bassin versant d’une rivière. Compte Jrenu du carac+ere obliga’roire de la compe+ence âemapi trançlïeree aux communes e+ du carac+ere volon+aire de << l’aqua+axe >> a l’echelle communale, comment assure—ton le PinancemenJr opera+ionnel d’un Jrel +rançlïer+ de compétences ? En ce qui concerne les financements de cette politique, je considère qu’ils relèvent de mécanismes de solidarité. Au niveau national, cette solidarité se manifeste par l’intermédiaire soit de l’État soit du fonds Barnier (2). Au niveau local, la loi a créé une « aquataxe » facultative afin de financer les ouvrages de protection. Le montant de cette taxe est strictement fléché et est fonction des travaux à effectuer. Elle sera payée par tous dans le périmètre de I’EPCI et votée par l’AssembIée intercommunale qui aura pour obligation légale de faire les travaux. En ce qui concerne les districts, il n’existe pas de financement spécifique. Or si nous voulons rester cohérents, nous devons confirmer que la politique de prévention des inondations s’exerce au niveau du bassin hydrographique et nous devons mettre en place une taxe finançant la sécurité de bassin. Entretien avec Daniel Marcovitch (1) Daniel Marcovitch Dans quelle mesure ce++e loi assure—telle l’équilibre en+re l’imperatill de preven+ion des inondaJrionç e+ celui d’une e9+ion souple e+ respectueuse es milieux aquatiques? Actuellement, la France est soumise à plusieurs directives (3) concernant la politique de l’eau. Le fait de donner la responsabilité « milieux aquatiques >>, ainsi que la lutte contre les inondations aux acteurs qui administrent les territoires doit favoriser une vision cohérente des politiques qui pourraient apparaître, parfois, comme contradictoires. Cependant, à ce jour, la définition de la gestion des milieux aquatiques de GEMAPI n’est pas réellement définie. Il semble que l’acception admise serait qu’il faille établir un lien entre l’entretien de la rivière et le risque inondation et que, par ailleurs, la nouvelle taxe ne servirait qu’à financer les ouvrages « lourds >>, soit des digues et des protections en dur. Il reste donc à intégrer dans les programmes et les financements les politiques « douces » de prévention. Tout ceci confirme la nécessité d’un travail collectif entre les différents niveaux de responsabilité afin qu’aucune facette de la politique de l’eau et des milieux aquatiques ne reste sur le bord du chemin et que les divers financements nécessaires soient mis en place avec l’accord des acteurs, c’est-à-dire des citoyens. (I) Daniel Marcovitcn a été Député de la I9è'"e circonscription de Paris et rapporteur de la << loi Voynet Il sur l’eau en 2002 et Président de l’AFEPTB. Il est membre du Comité National de I’Eau dont il a été le Ie' viceé Président ainsi que de l’ONEMA. il préside actuellement la Commission Mixte inondations. (2) Le FPRNM, dit (r fonds Bornier >>, a été instauré par la loi du 2 février I995 relative au renforcement de la protection de l’environnement. || intervient dans le financement d’actions de prévention afin d'assurer la sécurité des personnes et de réduire les dommages aux biens exposés a un risque naturel majeur. (3) La Directive Cadre sur I’Eau (2000), la Directive Inondation (2007), la Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin (2008). La leHrËâlu > n°67 France Nature Environnement >IG