Juin 2014 > N°67

 

Actualité

O4. Regards des sciences sociales sur la mise e
œuvre des politiques de l’eau

  
 
  
  
 
      
    
  
  
    

05. Nitrates : un nécessaire changement de
modèle agricole

Dossier

Artois-Picardie : une eau «vivante » entre
canaux et corons ‘ i”

i"

08. Pollution aux PCB en Pic‘d’ le, de la soE . _

.ç-‘a

la contamination des écosy ‘ .- «

 

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ea

\.

l0. L’aménagement du canal de la vs o' p
fluvial a grand gabarit Versus zones humid
patrimoniales remarquables 3

l2. Risques d’inondation et sécurité des
populations en bord de mer

i3. Les Waeteringues : un combat sans‘tin pour
réduire la vulnérabilité du plat pays

i4. Schéma régional de Cohérence Ecologique
Trame Verte et Bleue du Nord-Pas de Calais :
rétablir les continuités écologiques

Point ale vue

i6. Entretien avec D. Marcovitch sur la _  r’ ,j ' f 
compétence Gestion des Milieux "
Aquatiques et Prévention des

Inondations

France Nature

Environnement

Revue de France Nature Environnement Fédération française des associations de

www.fne.asso.fr protection de la nature et de l'environnement

   
   

    

LA LETTRE EAu EST ÉDITÉE PAR
FRANCE NATuRE ENVIRONNEMENT

France Nature
Environnement

 

Fédération française des Associations
de Protection de la Nature et de
l’Environnement, fondée en 1968,
reconnue d’utilité publique en 1976.

«France Nature Environnement rassemble
plus de 3000 associations nationales,
régionales et locales réparties sur l'ensemble
du territoire. Présente dans de nombreuses
institutions de concertation, la fédération
nationale place la protection de la nature,
de l'environnement et de notre santé
au cœur des décisions publiques afin
que les décideurs politiques n'ignorent
plus les préoccupations des citoyens».

La politique de l’eau requiert une attention
constante de la part des citoyens, afin
de veiller à une eau de bonne qualité,
respectueuse de la santé humaine, ainsi
qu’à la biodiversité des milieux naturels
aquatiques.

Les pages du site de FNE dédiées à l’eau
ont cette vocation de vous transmettre
l’essentiel de l’information sur l’eau en
France, tout comme une analyse des
politiques dans ce domaine.

Venez visiter les pages eau :

http: //www. fne . asso. fr

Pôle reaaour'cea en eau e+
milieux na+urel9 aquafiquea
ale France Na+ure Environnemen+

3 rue de la Lionne - 45000 Orléans
fi 02 38 62 55 90
e.mail : poleeau@fne.asso.fr
site web : www.fne.asso.fr

La Lettre eau est éditée par un imprimeur
labellisé Imprim'Vert. Cela signifie qu'il
respecte 3 objectifs :

o la bonne gestion des déchets dangereux

o la sécurisation des stockages de produits
dangereux

o l’exclusion des produits toxiques des
ateliers.

Par ailleurs, la Lettre eau est imprimée sur
du papier recyclé.

Directeur de la publication : Denez L'Hostis

Rédacteur en Chef : Bernard Rousseau, responsable
des politiques Eau de France Nature Environnement

Rédactrice en chef adjointe : Léa Bouguyon
Comité de rédaction : Marine Le Ster

Mise en page : Charlotte Laffolay - Sologne Nature
Environnement

Impression : Imprimerie Prévost
Routage : DAUTRY

Photo de couverture : Un phoque veau-marin en
baie de Somme - © C.1Vhrtin-Picardie Nature

ISSN : 1276-1044

La reproduction de textes tirés de la lettre eau est
autorisée sous réserve d’en citer la source datée.

 
 
  
 

Bernard ROUSSEAU

Ancien Président de France Nature Environnement,
Responsable despolitiques Eau

 

Pour“ Ul’lC COU ViVOI’H‘C î cieux ans, quatre Minietres...

à ce rythme, le changement, ça commence à bien Paire l

La feuille de route pour la transition écologique de la Conférence environnementale de septembre
2013, retient comme orientation importante de << renforcer la gouvernance locale » de la politique de
l'eau. A cet effet, un groupe de travail du CNE (i) a été mandaté pour proposer des orientations visant
à améliorer la gouvernance des comités de bassins et des commissions locales de l‘eau.

Les travaux de ce groupe se sont inscrits dans la continuité de ceux engagés pour préparer la conférence
environnementale de septembre, FNE a proposé << d'instaurer une gouvernance équilibrée à toutes les
échelles territoriales des instances de bassins où des représentants de la société civile (2), organisés en
associations, interviennent 

Selon la LEMA 2006 (3), les Comités de bassin sont formés par trois collèges : élus 40% des sièges,
acteurs économiques 40%, représentants de l’Etat 20%.

Les représentants de la société civile sont minoritaires, noyés dans le collège des usagers économiques
dont l'intérêt et les motivations ne sont pas de même nature. Ce mélange des genres n'est pas productif
dans un collège où le monde économique est très largement majoritaire et impose sa loi...

Ceci ne se révèle pas toujours de bon aloi, comme lors de la désignation des associations dans les
conseils d‘administration des agences où le vote se fait par collège, et où le monde économique peut
choisir les bons candidats associatifs : ceux qui voteront bien... !

En clair il convenait pour FNE de rééquilibrer la représentation des associations dans les Comités
de bassin en scindant en deux le collège des usagers, créant ainsi un quatrième collège, celui de la
société civile, indépendant du monde économique. Les désignations dans les CA des agences, dans les
commissions, ou la présidence de commissions, seraient alors de la seule responsabilité des associations.

Mais une telle évolution démocratique n'était pas pour plaire aux représentants du monde économique
qui trop souvent considèrent les associations, agréées ou habilitées, comme non légitimes pour défendre
l‘intérêt des citoyens : responsabilité qui, selon eux, est dévolue aux élus...surtout quand ils sont
absents !.. quant à la défense des milieux aquatiques...bof !

A cette opposition farouche, s'est ajoutée une autre difficulté, l'obligation de passer par la loi pour
modifier l'équilibre entre les collèges. Les nouvelles nominations dans les CB devant intervenir avant fin
juin 2014, il a été estimé que le passage par la loi n'était pas réaliste. C'est du moins l‘explication qui
a été donnée lors du CNE du 18/12/2013 par son Président : donc exit le quatrième collège, et passage
par un arrêté modifiant la composition des collèges et d'autres dispositions mineures.

Dans sa délibération N°2013-06, adoptée par le CNE lors de sa séance homérique déjà citée, sont
mentionnées les orientations pour améliorer la gouvernance des instances de bassin : modification de
la composition des collèges sans changer le nombre de membres et, dans le collège des usagers actuels,
création de trois sous-collèges (industrie, agriculture, associations) qui seront représentés par trois
vice-présidents.

Dans cette délibération, d'autres dispositions peuvent contribuer à améliorer le travail des associatifs
mais à condition que les recommandations aux CA des agences ne restent pas lettre morte, car les CA
sont souverains l

C'est seulement fin mars 2014 que l'arrêté de composition a été publié, il aura donc fallu trois mois
et demi au gouvernement pour sortir un arrêté à la portée limitée, et ambigu quant à la représentation
des agriculteurs biologiques dans les CB.

Quant aux trois sous-collèges du collège des usagers, c'est seulement fin juin que le décret d'application
est sorti, et tout cela pour faire quoi ? Pour seulement changer symboliquement les limites du système
actuel sans toucher à ses tares !

Après une année passée à travailler sur une réforme de la politique de l'eau, et aussi à contribuer
à la rédaction des SDAGE, 2016-2021, les militants associatifs qui ne sont ni élus (mais présents), ni
rémunérés, et dont l'engagement se situe au niveau de la défense de l'intérêt général, trouvent que la
pilule rose des professionnels de la politique... est amère !

Combien de majorités, combien de gouvernements, combien de Ministres de l'environnement, faudra-il
pour rendre crédible la politique de l'eau ? Déjà deux ans, quatre Ministres de l'environnement... à ce
rythme, le changement ça commence à bien faire l

(1) CNE 1 Comité National de I‘Eau. (2) Dans les CB, la socie’te civile est composée des associations de protection de
l'environnement, des organisations de pêcheurs amateurs, des associations de consommateurs, et des associations de
sport d'eau vive. (3) LEMA : Loi sur l‘eau et les milieux aquatiques.

L“ lc++rëam > n°67 France Nature Environnement

 

DE LA VALORISATION DES DÉCHETS A LA

DÉérKADATION DES MILIEUX AQUATIQUES

 

Situé à proximité de l’estuaire de la Charente, du Marais de Rochefort et
de Brouage, le projet de revalorisation des déchets d’Echillais (17) menace la
pérennité écologique du réseau local d’espaces protégés que constituent les
réserves naturelles nationales de Moëze Oléron, du Marais d’Yves et la station
de lagunage de Rochefort. Émetteur de métaux lourds, cet incinérateur risque
fortement d’aggraver les atteintes exercées, au niveau mondial, sur les zones
humides qui constituent, par ailleurs, un vaste support d’activités économiques
(conchyliculture), ainsi qu’un réservoir majeur de biodiversité. Pourtant, des
solutions alternatives respectueuses de l’environnement pourraient aisément
être mises en place, telles qu’une campagne de sensibilisation incitant à
un meilleur tri des déchets en amont, couplée à un programme de mesures
réduisant le volume et le poids des déchets.

LIN SECOND BAKKAâE EN EILI‘IANE '- uNE FAUSSE

BONNE IDÉE?

 

Construit au début des années 90, le premier barrage hydroélectrique de Petit—
Saut et son lac de retenue plus grand que la surface de la ville de Paris (environ
365km2), a généré de nombreux impacts, comme l’a démontré une étude de
I’IRD (l) en 2005 : fragmentation de la continuité écologique, diminution
significative de la diversité piscicole, génération de monométhylmercure,
émissions de méthane, etc. Or, en dépit de ces conclusions alarmantes,
la Région veut construire un second barrage pour répondre aux besoins
croissants en électricité du littoral guyanais à partir de 2030 : la pertinence
de ce projet, ennoyant des centaines et des centaines de kilomètres carrés se
pose. Des alternatives existent, comme les mesures de maîtrise de l’énergie, le
développement d’un modèle énergétique décentralisé, ou encore l’intégration
de la Guyane à un projet de ligne à haute tension allant du Guyana au Brésil.
Guyane Nature Environnement souhaite que l’étude d’opportunité commandée
par la Région considère sérieusement l’ensemble des alternatives.

Contact: GNE - coordinoii0n@federoiion»gne.fr

(1) Mérono B. de, Le fleuve, le barrage et les poissons. Le Sinnomory et le barrage de
PeiiiÿSoui en Guyane française. Par Ediiions IRD, 2005 : I35 p.

page; un “safrane—

' Mfcîâ a ibèrfrèwee

CONFIRMATION Du KEJET DE PROJET DE CENTRALE

HYDKOÉLECTKIGUE DANS LA coMMuNE DE LESCuN.

 

Ce projet de microcentrale a été impulsé par l’ancien maire de Lescun,
François BAYE, qui y voyait l’opportunité de réaliser un investissement
financier pouvant rapporter jusqu’à 100 000 euros par an (I). En décembre
2010, compte tenu du SDAGE 2009 et des recommandations émises lors du
Conseil de l’Environnement et des Risques (CODERST), un arrêté préfectoral
avait refusé l’autorisation de disposer de l‘énergie des cours d’eau du Lauga
et de l’Ansabère pour la mise en service d’une microcentrale hydraulique. En
effet, le SDAGEAdour-Garonne 2009 identifie le gave d’Ansabère et le Lauga
respectivement comme un « réservoir biologique » et « cours d’eau en très
bon état  Ces cours d’eau abritent des espèces animales rares telles que le
desman, l’euprocte, la grenouille rousse, et le cincle plongeur. En réponse, la
mairie de Lescun avait introduit un recours devant le tribunal administratif
de Pau qui sera également rejeté. Parallèlement, l’association SEPANSO
Pyrénées-Atlantiques et la Fédération des Pyrénées-Atlantiques pour la pêche
et la protection du milieu aquatique ont conjointement lancé une pétition
à l’encontre du projet. Le 8 avril 2014, la Cour d’Appel Administrative de
Bordeaux, saisie par l’ancienne municipalité, valide l’arrêté préfectoral
et retient que la réalisation de l’ouvrage n’est pas compatible avec les
mesures du SDAGE 2009. Cette décision est d’autant plus significative qu’en
France, très peu de cours d’eau répondent aux critères de « très bon état
écologique » définis par la Directive Cadre sur l’Eau.

(1) Sudouesf : hfip://www.sudouesi.fr/20i4/04/I6/nouveouereversepoureloemicrocene
iroleei52675774239php

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D Mme D Mie

 

 

 

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Keflarals ales sciences sociales

sur la mise en oeuvre ales Poli+iques ale l’eau

Par Jean-Baptiste NARCY (1),

C t articl donri uri ap rçu d s ’l’m rits cl ’ s d’v lopp ’ s dans « Regards des sciences sociales sur la mise en oeuvre
des politiques de l’eau >>, publie par l’ON'ElVLA eri décembre 2013. Cet ouvrag vis à aiol r l s irig’rii urs t t chriici l’lS

 

 

 

 

de l’eau a intégrer dans leurs pratiqu s prof ssioriri ll s l s param‘tr s ’tl'iiqu s, politiques et stratégiques propres à la
gestion de l’eau. L’objectif est de fournir des repères méthodologiqu s susc ptibl s d’ ' clair rl urs m’ti rs tpratiqu s.

Les politiques publiques consacrées à l’eau et aux milieux aquatiques
ont comme caractéristique d’être largement conçues, portées et mises
en œuvre sur le terrain par des organisations et des professionnels
que l’on peut qualifier de « techniques » : ingénieurs et techniciens
peuplent très majoritairement ce secteur particulier de l’action
publique.

Pour autant, on ne saurait réduire les politiques de l’eau à leur
seule dimension technique, tout simplement parce que ce sont des...
politiques. En tant que telles, elles interagissent avec nos choix de
société, les délibérations censées y présider, les processus sociaux
qui les déterminent ou les rendent possibles, aux réactions qu’elles
suscitent. En tant que telles, elles poursuivent le plus souvent des
visées de changement qui leur confèrent une dimension stratégique.
C’est pourquoi elles n’engagent pas que des savoirs scientifiques
liés à l’eau et aux milieux : elles comportent aussi des dimensions
philosophique, sociologique, politique, stratégique,  Les ingénieurs et
techniciens de l’eau ne sont ni philosophes, ni politistes, ni spécialistes
de l’analyse stratégique e cet ouvrage entend les aider cependant à
considérer la part éthique, politique, stratégique, etc. que comporte
nécessairement leurs métiers, afin de mieux penser leur action. Il s’agit
également de leur fournir quelques repères pour s’orienter dans les
différents courants théoriques et corpus méthodologiques susceptibles
d’éclairer leurs métiers et pratiques.

Sans prétendre couvrir de manière exhaustive toutes ces dimensions,
ni toutes les disciplines académiques auxquelles elles renvoient,
l’ouvrage s’organise en quatre chapitres, présentés ci-après, prenant
chacun comme point de départ des préoccupations et difficultés
prégnantes dans les politiques de l’eau, en référence aux expériences
vécues sur le terrain par les lecteurs pressentis de cet ouvrage.

© L. Mignaux - METL-MEDDE

 

Ces quatre chapitres ont été conçus pour pouvoir être lus
indépendamment, selon les centres d’intérêts ou les questionnements
du lecteur. Celui-ci trouvera par ailleurs, en fin de volume, un index
de mots clés pour à la fois susciter sa curiosité et la satisfaire, en
l’orientant vers des parties spécifiques de l’ouvrage.

LEs RELATIONS ENTKE LEs SOCIÉTÉS
ET LES MiLiEux -. FAUT—IL OPPOSEK LA
NATuKE ET L’HOMME ?

L’opposition entre « l’homme » et la « nature » est fréquemment
mobilisée dans les discours quand sont discutés et parfois mis en cause
des politiques de l’eau ou des projets sur le terrain. L’ouvrage permet
d’éclairer cette opposition, en mobilisant des éclairages de diverses
disciplines.

Tout d’abord, il s’agit de prendre du recul par rapport à cette
dichotomie, dont les termes sont équivoques, et dont l’anthropologie
nous apprend qu’elle est moins universelle que propre à la civilisation
occidentale. Ensuite, on s’intéresse aux relations milieux/sociétés
en tant qu’objets scientifiques, en survolant les évolutions, décrites
par l’histoire des sciences, qu’ont connues d’un côté l’écologie et,
de l’autre, les sciences humaines et sociales, pour les traiter. Puis
les débats éthiques que suscite la manière de penser et de prendre
en compte ces relations dans la conduite des affaires humaines sont
rapidement présentés, avant d’expliciter les logiques techniques,
parfois très antagonistes, que ces considérations tant scientifiques que
morales ont forgées qui coexistent aujourd’hui au sein des politiques
de l’eau.

 

(1) JeaneBaptiste Narcy est docteur en sciences de l'environnement de l'École Nationale au génie rural, des eaux et torets. Consultant au sein du cabinet AScA
depuis plus de quinze ans, il travaille sur les aspects stratégiques des politiques publiques d’environnement, tout particulièrement dans le domaine de l’eau et des

milieux aquatiques.

La leHrËâlu > n°67 France Nature Environnement

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Wwoisir

Illustrations : Béatrice Saurel

LA LÉGIITIMITÉ DES POLITIQUES DE
L’EAU -. L‘INTÉKÊT GIÉNÉRAL FACE Aux
INTÉRÊTS PARTICULIERS ?

La légitimité des politiques de l’eau est parfois mise en question
sur le terrain, en dépit de leur caractère d’intérêt général, face à
ce qui peut être perçu comme de simples « intérêts particuliers ».
Divers travaux de sciences sociales, relevant notamment des sciences
politiques, permettent de mieux comprendre ce type de difficultés.

L’ouvrage présente ainsi diverses évolutions contemporaines de
l’action publique qui, face aux contestations dont a pu faire l’objet
la notion d’intérêt général et aux difficultés croissantes de l’État
à l’incarner, voient naître de nouvelles manières de le définir et
de le mettre en œuvre. Ce faisant, la notion très polysémique de
« gouvernance », renvoyant à la diversité tant des acteurs que des
échelles d’action que ces évolutions impliquent, est également abordée.
On s’intéresse plus particulièrement aux politiques de l’eau dans leurs
rapports spécifiques à l’intérêt général, en montrant qu’au travers
notamment des notions de patrimoine commun et de subsidiarité, elles
ont joué un rôle précurseur vis-à-vis de ces évolutions.

ACTION COLLECTIVE, JEUX D‘ACTEUKS
ET CONFLITS -. COMMENT SAISIR LES
CONDITIONS ET LES RESSORTS Du
CHANGIEMENT ?

Les changements que les politiques de l’eau cherchent à faire advenir
ont nécessairement un caractère collectif et suscitent des difficultés
liées au caractère complexe et/ou conflictuel des « jeux d’acteurs 
L’ouvrage expose successivement deux types d’approches au sein des
sciences humaines et sociales pour éclairer les conditions et les ressorts
du changement collectif, selon qu’elles s’intéressent à l’une ou l’autre
des deux composantes fondamentales d’un processus de changement :

- « le système institué », hérité du passé, pesant sur les acteurs
en conditionnant largement leurs marges de manœuvre, leurs
idées, leurs intérêts,  et, par conséquent, déterminant
largement la possibilité qu’un changement considéré puisse
survenir ;

- « les dynamiques instituantes », découlant des agissements
et innovations des acteurs, notamment de ceux porteurs

 

Requalifier " 

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d’intentions de changement, et susceptibles de mettre en
tension le système institué, de le mettre en cause pour, in
fine, le faire évoluer.

En présentant les oppositions théoriques entre les différents
courants de pensée exposés, mais aussi leur complémentarité pour
éclairer l’action, on insiste sur la nécessité de les mobiliser dans leur
diversité, afin de conserver une vision lucide de la gestion effective
de l’environnement : non seulement ce qui permet au changement
d’advenir, mais aussi ce qui explique, malgré tout, l’inertie des
systèmes que l’on s’efforce de faire évoluer.

COMMENT PORTER ET/Ou
ACCOMPAGINER LE CHANGIEMENT
CONCERTE ?

Les regards auxquels invitent les sciences sociales étant pluriels, ils
ne débouchent évidemment pas sur la définition de méthodes « clés
en main », permettant de « faire passer » des projets ou politiques.
Le propos est donc plutôt de rendre compte des ambivalences de la
notion de concertation et de distinguer les différents types de processus
en la matière. On présente alors deux modèles archétypaux contrastés,
susceptibles de servir de repères pour organiser, dans la pratique,
la mise en œuvre d’une démarche de changement concerté ;

- l’un fondé sur la notion de co-construction du changement par
l’ensemble des acteurs qui se concertent (Concerter, Analyser,
Choisir) ;

- l’autre davantage centré sur la notion de négociation, en
mettant en scène l’acteur porteur d’une politique ou d’un
projet d’un côté, ses objecteurs, contradicteurs ou opposants
de l’autre (Proposer, Écouter, Requalifier).

Leur utilité pour le porteur de politiques publiques est de servir
de repères pour apprécier de manière pragmatique une situation, et
se construire une orientation adaptée à ses propres perceptions et
convictions.

Au terme de ces quatre chapitres, la conclusion générale de l’ouvrage
défend l’idée que si les sciences humaines et sociales n’ont pas vocation
à s’inscrire au sein des sciences de l’ingénieur, elles offrent cependant
de nombreuses possibilités d’en enrichir le contenu et le sens, et ainsi
d’en accroître la portée opérationnelle.

La leHrËâlu > n°67 France Noiurè Environnement

 

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Niir'aice z

un nécessaire changement cic modèle agricole

Par Anionin Pépin,
chargé de miss'on au réseau agriculture
de France Nature Environnement

La directive << Nitrates >> (I) vise à protéger l’eau et les milieux aquatiques des pollutions générées par les nitrates d’origine
agricole. Depuis sa mise en place en 1991, quatre programmes d’actions nitrates ont vu le jour. Pourtant, on assiste

 

aujourd’hui, a la fois à un accroissement continu du nombr d zon s vuln’rabl s,

t a un aug'm ntation des taux de

 

dans les choix de gestion d’une exploitation agricole.

UN SÈME PKOGIKAMME EN 8 MESURES

Partiellement entré en vigueur en septembre 2012, suite à un premier
arrêté national, puis complété par un arrêté national modificatif paru
le 23 octobre 2013, le 5ème programme n’attend plus que les arrêtés
régionaux pour être pleinement opérationnel. Certaines régions,
comme la Bretagne, ont ouvert la voie avec une signature dès le mois
de mars. Les dernières signatures étant prévues, au plus tard, le 31 août
2014. Le programme d’actions national (PAN) comporte huit mesures :
six au titre de la directive nitrates et deux propres à la France, issues
des décisions du Grenelle de l’Environnement.

Le programme national permet des adaptations régionales, afin de
mieux correspondre au contexte, sur les mesures 1, 3, 7 et 8. Les
adaptations régionales peuvent seulement renforcer le niveau national,
à l’exception des mesures sur la couverture hivernale des sols.

nitrates présents dans l s aux sout rrain s. La s ul r'gl m ntation ne suffira pas. La question des nitrates ne doit plus
être vue comme une contrainte à laquelle il faut s’adapter, mais comme un param’tr à pr ndr

 

n compt pl in m nt

DES CONCERTATIONS KÈGIIONALES
sous TENSION

Dans chaque région, le préfet et les services de l’Etat ont mis en
place une procédure de concertation où doivent siéger les fédérations
régionales du mouvement FNE. Dans de nombreuses régions, les débats ont
été tendus et les associations, face à une profession agricole nombreuse
et mobilisée, étaient bien faiblement représentées. Illustration en région
Centre où le climat était spécialement houleux, la profession allant
même jusqu’à demander ÿ et obtenir ! ÿ le départ de Nature Centre
des réunions techniques. Pour Jonathan Bourdeau-Garrel, chargé de
mission eau et agriculture, « le groupe technique, dans lequel nous
n’étions plus, avançait sur les mesures régionales, si bien qu’en groupe
de concertation, où nous n’avions qu’un voire deux sièges, tout semblait
déjà décidé. Au final, le programme régional est très léger 

Titre de la mesure Justification agronomique

Mesure 1

Il!!!

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a
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Périodes minimales
d'interdiction d'épandage des
fertilisants

Stockage des effluents
d'élevage

Limitation de l'épandage des
fertilisants azotés, équilibre
par parcelle

Plans de fumure et cahier
d'épandage

Limitation de la quantité
maximale d'azote dans les
effluents d'élevage (170 kg/ha)

Conditions d'épandage par
rapport au cours d'eau, sur les
sols en forte pente, détrempés,
inondés, gelés ou enneigés

Couverture végétale des sols
destinées à absorber l'azote
du sol

Couverture végétale le long des
cours d'eau

Identification des périodes de l’année pendant lesquelles l’épandage de
fertilisants est interdit, car s’il n’y a pas de besoin d’azote par les plantes,
l’azote finit dans l’eau.

La gestion des ouvrages de stockage doit permettre d’éviter les écoulements
vers le milieu et la capacité de stockage doit permettre de gérer les périodes
d’interdiction d’épandage.

La dose des fertilisants épandus sur chaque îlot cultural situé en zone vulnérable
est limitée en se fondant sur l’équilibre entre les besoins prévisibles en azote
des cultures et les apports et sources d’azote de toute nature (organique ou
minérale).

Le plan de fumure et le cahier d'enregistrement des pratiques permettent
d'aider l'agriculteur à mieux gérer sa fertilisation azotée. Ils doivent être
établis pour chaque îlot cultural exploité en zone vulnérable.

Cette quantité maximale s'applique sans préjudice du respect de l'équilibre
de la fertilisation à l'échelle de l'îlot cultural et sans préjudice du respect des
surfaces interdites à l'épandage.

L’épandage de fertilisants, notamment liquides, proche des cours d’eau, sur
sols en pentes ou sur des sols ne pouvant les absorber est interdit pour limiter
les fuites d’azote.

La couverture des sols à la fin de l'été et à l'automne peut contribuer à limiter les
fuites de nitrates au cours des périodes pluvieuses à l'automne en immobilisant
temporairement l'azote minéral sous forme organique.

La mise en place de bandes végétalisées d’une largeur minimale de 5 mètres
non fertilisées le long des cours d’eau et des plans d’eaux de plus de 10ha
permet de limiter les fuites d’azotes des parcelles vers les masses d’eau.

Figurel : Les 8 mesures du programme d'action national

 

(I iDirective n°9i/é7é/CEE. (2) L’épandage renvoie aux apports sur le sol, selon une répartition réguiière, d’effluents d’élevage, d’amendements, d’engrais, de
produits phytosanitaires, de boues de station d’épuration, etc. voir actueenvironnementcom. (3) La surface agricoie utile (SAU) est un concept statistique destine
a évaluer le territoire consacré a la production agricoie. La SAU est composée de : terres arables, surfaces toujours en herbe, cultures pérennes e voir actueenvie
ronnementcom

La 'chJrr—Ëau > n°67 France Nature Environnement

Même son de cloche en Pays—
de-la-Loire où Yves Le Quellec,

secrétaire de FNE Pays de la l Plus de 50
Loire raconte : « Les premières I Entre 40 et 50
réunions se sont tenues dans I Entre 25 et40

une ambiance responsable et
respectueuse des positions de
chacun. Il est toutefois apparu
assez rapidement que le travail //
à abattre était considérable, et

que les délais étaient intenables.

Puis, mi-décembre, une réunion

s'est tenue sous pression avec Guadeloupe Martinique
une manifestation dagriculteurs. ÿ ÿ ÿ ÿ r
Depuis, plus aucune réunion ne
s’est tenue et l’arrêté a été rédigé
par l’administration préfectorale
en relation bilatérale avec la
profession agricole. »

Entre 10 et 25
Moins de 10

Pas de mesure
Nappe avec un seul

point de mesure

Plus encourageant, en Bretagne
les associations ont été bien plus
écoutées et l’arrêté paru dès
le mois de mars comporte de
nombreux points de satisfaction.
Gilles Huet, délégué général
d’Eau et rivières de Bretagne :
« L’historique de la Bretagne sur la
question des nitrates et le fait que
nous ayons gagné contre l’Etat sur
ce sujet au tribunal administratif
de Rennes, début 2013, nous a permis de nous faire entendre.
Par exemple, nous avons obtenu qu‘en cas d'échec des programmes
volontaires engagés dans les bassins algues vertes, depuis 2011, des
mesures réglementaires seront imposées notamment sur la réduction
de la valeur de la balance globale azotée. Mais ces avancées ne doivent
pas cacher les lacunes de la politique française de lutte contre les
pollutions aux nitrates 

DES MESURES A L’EFFICACITÉ
CONTESTABLE

En effet, si certaines mesures sont plus ambitieuses que celles
du 4ème programme, d’autres constituent un véritable recul.
Par exemple, le plafond d’azote organique qu’une exploitation peut
produire passe de 170 kg/ha de surface épandable (2) à 170 kg/ha de
surface agricole utile (3), soit un relèvement que l’on peut estimer a
20%. Cette modification, justifiée par une harmonisation européenne
pourtant non exigée par Bruxelles, ne dispense pas les agriculteurs de
respecter les quantités et les zones d’épandage autorisées. Cependant,
ces mesures étant difficilement contrôlables, une augmentation des
quantités d’azote réellement épandues est a craindre.

De plus, la question des contrôles se pose fortement car certaines
mesures clés du 5ème programme sont invérifiables en l’état, comme
le respect du plan d’épandage. Comment vérifier qu’un agriculteur n’a
pas épandu plus que prévu ? Comment s’assurer que les parcelles autour
de l’exploitation n’ont pas reçu plus que celles distantes de 10km ? Il y
a pourtant fort à parier que les effluents seront bien souvent épandus
au plus près du siège d’exploitation, pour des raisons d’organisation
du travail ou du fait des contraintes liées au déplacement de la tonne
à lisier (acceptation sociale, coût de transport). Les nouveaux textes
réglementaires ignorent pourtant ces réalités humaines et rurales en
écartant des outils mieux adaptés aux pratiques réelles, tel que le bilan
apparent (4). Enfin, à moins de revoir l’ensemble du modèle agricole,
la réglementation sur les nitrates, a condition qu’elle soit appliquée,
ne résoudra les problèmes qu’à la marge.

Moyenne en 2011 par nappe (mg/I)

Eugne

.,—|

  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
   
   

Figure 2 : Concentration moyenne en nitrates dans les nappes phréatiques, en 2011

uN MODÈLE AGrKICOLE A KEVOIK

En matière d’élevage, le problème des nitrates provient d’un
déséquilibre lié à l’alimentation animale importée. L’importation
massive de soja, graine riche en protéines et donc en azote, permet aux
éleveurs d’avoir un cheptel plus grand que s’ils les nourrissaient avec les
productions de leurs terres. La contrepartie de ces pratiques d’élevage
hors-sol (5) réside dans l’augmentation des déjections animales qui ne
peuvent être totalement absorbées par les terres de l’exploitation.
Ainsi, dans des régions d’élevage, l’ensemble du territoire est en
excédent structurel d’azote. La seule solution permettant de lutter
contre ce déséquilibre consiste à rétablir un lien entre l’élevage et
le territoire en ajustant la taille du cheptel proportionnellement a la
capacité nourricière du territoire. Cependant, le rétablissement de ce
lien territorial nécessite d’une part, de désintensifier les régions en
excédent d’élevage et d’autre part, de répartir l’élevage sur l’ensemble
du territoire français répondant aux caractéristiques d’une gestion
équilibrée d’azote par bassin, et non plus uniquement par exploitation.
Plus profondément encore, une telle démarche n’impliquerait-elle pas
de revoir notre consommation de produits animaux et d’orienter par
la consommation le modèle d’élevage que l’on souhaite ?

Bien que la question des nitrates soit souvent associée aux pratiques
d’élevage, les régions de grandes cultures sont de plus en plus victimes
de la pollution de l’eau par les nitrates. Par exemple, les cartes de
concentration des nitrates font ressortir les nappes de la Beauce en rouge
écarlate. Ces cultures font l’objet d’une fertilisation minérale intense
visant a obtenir les rendements les plus élevés. Les quantités d’azote
épandues sont bien souvent supérieures à celles réellement consommées
par les cultures et provoquent, par conséquent, une fuite d’azote
dans la nature. Il est donc indispensable de redéfinir des objectifs de
rendement plus réalistes et de viser non plus le rendement maximum
mais le meilleur ratio intrant / production. Ce changement de point de
vue s’accompagne le plus souvent de modes de production compatibles
avec la protection des eaux superficielles et des nappes souterraines.

Des solutions techniques existent pour diminuer le recours aux
engrais azotés, telles que l’allongement des rotations des cultures,
couplé à l’introduction des légumineuses qui captent l’azote de l’air.
Ces légumineuses peuvent être destinées a l’alimentation humaine
(pois, lentilles, haricots...) mais aussi a l’alimentation animale (féverole,
luzerne, pois fourrager...) dans une logique de territoire. Cette vision
agronomique globale ne serait—elle pas la véritable agro-écologie ?

(4) Le bilan apparent calcule le solde net entre les entrées et les sorties d‘azote a l'échelle de l’exploitation en s’appuyant sur les valeurs de la comptabilité.

(5) Un élevage hors sol est un élevage où l'approvisionnement alimentaire des animaux ne provient pas, pour l'essentiel, de l'exploitation elle-même, voire

du territoire proche

La leHrËâlu > n°67 France Nature Environnement

 

   
   
    
   

POLLuTioN Aux PCB EN PICAKDIE,

de la source à la contamination des écosystèmes

Par Pairick THIERY,

Président de Picardie Na ture
et Laehha DupUIs,
Chargée de mission mammifères marinsà Picardie Na tune.

Cet article illustre l'impact ole la pollution aux PCB (1) en Picardie en revenant d'une part sur le combat juridique mené par
Picardie Nature depuis presque vingt ans contre un stockage illégal dé terres polluées aux PCB dans l'Aisne, et d'autre part en
s'appuyant sur le suivi sanitaire de la population de phoques sur la côte picarde.

Un phoque veau-marin au repos hors de l'eau, à marée basse, en baie de Somme - © C. Martin-Picardie Nature

KETOUK SUK PRESQUE 20 ANS DE
COMBAT JURIDIQUE !

En 1994, une filiale d’Eurovia, s’est vue confier une opération de
construction d’un supermarché sur un ancien site EDF à Saint Quentin
dans l’Aisne. De manière à niveler le terrain, de la craie provenant
d’une carrière creusée par un agriculteur de Maissemy (2) est échangée
contre des terres issues de l’ancien site de stockage de transformateurs.
Quelques années auparavant, EDF y avait accueilli des fûts de dioxine
que la société SPEDILEC (3) avait illégalement importés du site même
de l’usine Icmesa après la catastrophe Seveso (4) de 1976. Ces terres
étaient connues pour être polluées, un inspecteur de la DRIRE avait
même écrit dans un rapport adressé au préfet : « il est donc exclu
que cette terre contenant des traces de PCB serve de remblai pour le
réaménagement d'une carrière située en zone agricole ». Faisant fi de
ce rapport, l'entreprise de BTP transporte alors les terres contaminées
dans la carrière de craie.

Pendant près de 10 ans, l’association Aisne Environnement mène un
combat juridique qu’elle perd malgré une expertise engagée par les
tribunaux mettant en évidence des concentrations en PCB supérieures
à 50 mg/kg dans la carrière de Maissemy. Contre toute attente, les
juges ne retiennent pas les normes indiquées par l'expert concernant
les déchets mais celles relatives aux appareils contenant des PCB.

 

En 2005, Picardie Nature reprend le combat juridique en demandant
au préfet d'effectuer des analyses du sol, ces terres ne pouvant être
considérées comme déchet inerte. Le préfet adresse à Picardie Nature
une fin de non-recevoir estimant que ses services avaient fait leur
devoir. Nous décidons alors d’engager une action au civil, l'action
pénale étant épuisée.

A partir de 2006, la pollution par les PCB de la Somme et de certains
de ses affluents, dont l’Omignon (5), est rendue publique. Les autorités
publient des arrêtés préfectoraux interdisant la commercialisation
de certaines espèces de poissons, touchant de plein fouet l’activité
traditionnelle de pêche à l’anguille dans les étangs de la Haute Somme.
Des pêcheurs professionnels se retrouvent sans activité. L’association
syndicale des propriétaires d’étangs de la haute Somme rejoint alors
Picardie Nature, nos deux associations étant scandalisées par plusieurs
éléments :

o La carrière de craie de Maissemy creusée pour recevoir les
terres polluées n’avait même pas fait l’objet d’une déclaration
en mairie.

o Le propriétaire du terrain a toujours, curieusement, refusé
que les terres soient enlevées, malgré les propositions d’EDF
de les reprendre.

Un arrêté préfectoral pris en 1997, prescrivant l’enlèvement des
terres de Maissemy, a été contesté par le propriétaire de la carrière

(l) L'abréviation PCB désigne les polychlorobiphényles, les polychloroterphényies, le monométhyletétrachloroediphényl méthane, le monométhyledichloroediphényl
méthane, le monométhyiedibromoediphényl méthane, ainsi que tout mélange dont la teneur cumulée en ces substances est supérieure a 50 ppm en masse (www,
deveioppementÿdurable.gouv.ir). (2) Maissemy est une commune française, située dans le département de I’Aisne, (3) SPEDILEC exerçait pour le compte d’EDF
des activités de retraitement de transformateurs et condensateurs chargés en PCB. (4) Le inuiIIet i976 un nuage contenant de la dioxine provenant du réacteur
de l'usine Icmesa s’est répandu sur quatre communes lombardes dont la commune de Seveso,

La leH-rËâlu > n°67 France Nature Environnement

puis annulé par le Tribunal Administratif. Le préfet n'a pas utilisé
les arguments juridiques appropriés et n’a jamais fait appel de ce
jugement, la personne en charge du dossier étant en congé maternité !
Alors que l’État cherche des sources possibles de pollution des rivières
en analysant des sédiments et des réseaux d'eaux pluviales à St Quentin,
il a toujours refusé nos demandes d’analyse des terres polluées de
Maissemy, dans un sol crayeux, au droit de l’Omignon. En guise
d’explication, le préfet nous rétorque qu'il s'agit d'un terrain privé l

En juin 2009, le Tribunal de Grande Instance de St Quentin(6) nous
condamne pour procédure abusive. Nous devons verser solidairement aux
quatre parties adverses la somme de 15 000 euros. Nous faisons appel de
ce jugement et, en mars 2012, la Cour d’Appel d’Amiens (n condamne
la société Eurovia ainsi que le propriétaire à assurer l’élimination des
terres. En réponse à cette décision, la société ALLIANZ, représentant
GAN Eurocourtage assureur de l'entreprise Eurovia, dépose un pourvoi
en cassation. Cependant, alors que nous attendions naïvement l’issue
du pourvoi, les terres polluées sont retirées, en catimini, au cours de
l'été 2013.

En novembre 2013, lors d'une réunion du comité interdépartemental
de suivi PCB, nous apprenons que les terres ont été transportées dans
un centre d'enfouissement. En janvier 2014, le préfet de l'Aisne, bien
informé, nous précise dans un courrier : « le site de Maissemy a fait
l’objet d’une remise en état [...] selon des méthodes conformes aux
dispositions du code de l’environnement. Les analyses menées sur les
terres polluées ont démontré qu’elles contenaient moins de 50 mg de
PCB/ Kg et qu’au regard de la réglementation, elles ne devaient donc
pas être considérées comme des déchets dangereux. Elles ont pu être
transférées vers le centre d’enfouissement de déchets non dangereux
à Plavigny le Grand ».

Deux choses sont principalement à retenir de cette affaire.
D’une part, une farouche volonté du propriétaire de l'entreprise
condamnée, mais aussi de l’État pour faire disparaître ces terres
contaminées à l'insu des associations de protection de l'environnement.
D’autre part, une baisse de la concentration en PCB de ces terres entre
1998 et 2013, preuve que ce polluant s'est infiltré dans le sol crayeux
pour rejoindre les nappes d’eau. Par conséquent, nous pouvons nous
interroger sur l’impact des pollutions aux PCB sur les milieux aquatiques
en Picardie, et plus particulièrement, sur la population de phoques de
la côte picarde.

L’IMPACT DES POLLUTIONS Aux PCB SUK
Les PHOQUES DE LA CÔTE PICARDE

Depuis 1986, l'association Picardie Nature mène un programme
d'étude et de protection des phoques de la baie de Somme. Deux
espèces de phoques sont observables sur ce site : le phoque veau-mari n
(Phoca vitulina) et le phoque gris (Halichoerus grypus). Le phoque
veau-marin vit principalement dans les milieux estuariens sablonneux
et se nourrit essentiellement de poissons. Prédateur situé au sommet
de la chaîne alimentaire, il absorbe un grand nombre de polluants
à travers les proies qu’il ingère. De plus, il est à noter que les PCB
se concentrent particulièrement dans les graisses. Les femelles s'en
déchargent alors régulièrement en allaitant les jeunes phoques tandis
que les mâles les concentrent toute leur vie.

L’association Picardie Nature est membre du Réseau National
Echouage (RNE) coordonné par l’observatoire PELAGIS de La Rochelle.
Ainsi, dès qu’un mammifère marin s’échoue sur la zone littorale
allant du Touquet (8) au Tréport (9), l'association intervient. Lorsque
les états de décomposition des animaux morts le permettent, ceux-ci
sont autopsiés au laboratoire vétérinaire départemental de la Somme.
Ainsi, 103 autopsies de phoques veaux-marins y ont été réalisées entre
1977 et 2013. Pour 89 animaux, la présence de PCB a été recherchée
dans les graisses. Les analyses montrent des traces de PCB, soit une
dose inférieure à 0,01 ug/g, pour 4 individus et des doses variables
allant jusqu'à 163,7 ug/g retrouvées chez un mâle adulte.

Les PCB ont un impact direct sur la santé des mammifères marins,
les études menées sur les phoques veaux-marins montrent le rôle
immunodéficient (10) des PCB dès 17 pg/g (Ross et all, 1996) favorisant
ainsi la propagation des virus au sein des populations. D'autres auteurs
font état d'impacts sur le taux de fécondité des populations ainsi que
sur les malformations fœtales (11).

Cependant, les PCB ne sont pas les seuls polluants présents dans le
milieu marin. Lors des analyses réalisées sur ces phoques, la présence
de DDT, de lindane, d'endosulfan, de carbofuran et de plomb a
également été relevée. Malheureusement, le bassin Artois-Picardie
ne fait pas figure d’exception, d’autres bassins, tels que celui de la
Loire par exemple, sont soumis à de multiples formes de pollutions
(mercure etc.) impactant de nombreuses espèces, telles que la Loutre
d’Europe et le Balbuzard pêcheur.

/ r -

Des phoques veaux-marins au repos hors de l'eau, à marée basse, en baie de Somme - © C.lVIartin-Picardie Nature

 

(5) L'Omignon est une rivière de Picardie, du département de l'Aisne et du département de la Somme. (6) http://www.picardie-naturéorg/IMG/pdt/CopieJLJge-
mentÿatfÿMaissemyÿ25ÿ06ÿ2009ÿpdf. (7) CAA Amiens, 22 mars 2012 : http://www.picardie-nature.org/IMG/pdf/ArretÿrenduÿparÿlaÿCourÿdÿAppeL22ÿ03ÿ20l2*.
pdf. (8) Département Pas-de-Calais. (9) Département Seine-Maritime. (10) L'immunodéficience correspond a un déficit du système immunitaire. (l 1) Voir Ency-

clopedia of marine mammals, 2002.

L“ ICHr‘ËâLu > n°67 France Nature Environnement

 

 

>IO

L’AMENAeEMENT Du CANAL DE LA Lys z

transport fluvial à grand gabarit Versus zones humides patrimoniales remarquables Ÿ.

Par Anitq Villers,

de I’associa tion environnement et développement altema tif (1)

Depuis plus de 20 ans, les atermoiements se succèdent quant a un potentiel projet de construction d'un canal à grand gabarit

 

<< Seine Nord “Europ >>(2)d stin’ àr mplac r, ntr Compi‘gn

t Cambrai (106 km), l'ancien canal du Nord, gui, construit au

 

 

début du 20eme siècle, ne permet pas aux péniches grand gabarit d circul r. Dansl cadr d c proj t, d s travaux de rnise

 

à grand gabarit des canaux et rivières existants d part td'autr d c tt nouv ll infrastructure sont également prévus. lls sont
très avancés chez nos voisins Belges alors que la décision de construction de ce nouveau canal n'est pas encore prise en France.
La Lys, affluent de l'Èscaut, située en territoire transfrontalier, est concernée par des travaux d'élargissement ou de nouveau
tracé. Cet article me en lumière, en s'appuyant sur le projet de canalisation de la Lys bordant la zone humide des << Bas—Prés >> à
Comin s, l s nj ux, voir l s att int s nvironn rn ntal s, ng ndr ’ s parl s travaux de rnise à grand gabarit d'un cours d'eau.

 

 

LA LYS -. uNE KIVIÈKE AMÉNAerEE
Où IL SUBSISTE DES HAVKES DE
BIODIVEKSITÉ l

La Lys prend sa source en France, à Lisbourg, au nord des Collines
d’Artois. Elle parcourt 190 km jusqu’à la confluence avec l’Escaut à
Gand. Rectifications, écoulements plus rapides de l’eau, segmentation
des zones inondables, surélévation de la zone de vallée inondable,
drainage des prés humides... Telles ont été les interventions de l'homme
sur ce cours d’eau depuis la seconde moitié du 20ème siècle. Située
dans une enclave belge jouxtant la France, constituée de prairies basses
destinées à l'élevage ou laissées en friche, la zone des Bas-Prés abrite
un fabuleux réservoir de biodiversité nécessaire au bon fonctionnement
écologique. On y trouve des plantes typiques des zones humides,
des espèces de graminées devenues rares favorisant l'existence d'un
écosystème riche dans une vallée fortement remaniée.

De plus, la zone des Bas-Prés contribue au processus de régulation
des régimes hydrologiques en absorbant l’eau de pluie et en la
restituant en cas de sécheresse. Elle s'avère indispensable lors des
crues soudaines de la rivière et sert de vaste bassin tampon, protecteur
des habitations voisines. Elle permet aussi d’épurer naturellement les
nappes phréatiques environnantes polluées par les nitrates agricoles
et les rejets urbains.

Inondation des Bas Près à Comines (2006). © Philippe lvbuton

 

Enfin, la zone des Bas—Prés fait aussi l’objet de nombreuses animations
pédagogiques grand public destinées à sensibiliser aux enjeux liés à un
tel corridor écologique.

 MENACE PAK DEux PROJETS
uKBANisnouEs DE aKANDE ENVEKGIUKE -.
LA MISE A âKAND eABAKiT ET LA
coNerucnoN D’UNE KouTE

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Projet d' aménagement du canal Seine-Nord Europe
Source : http://www.développement-durable.gouv.fr/Le-projet-
initialement-envisage.html

Aujourd'hui, le projet de calibration de la Lys doit permettre d'assurer
la jonction entre les réseaux de canaux français, belges et néerlandais
permettant le transit de péniches au gabarit de 4500 tonnes. Plus
précisément, les travaux envisagés s’inscrivent dans le cadre du projet
européen de liaison fluviale Seine-Escaut et prévoient d’une part, des
travaux d’aménagement de la Lys et d’autre part, la construction d’une

li) L'EDA est l'une des lOO associations aui composent la Maison Régionale de l'Environnement et des Solidarités de Lille (MRES). (2) La liaison SeineeEscaut est un

projet visant a relier par canal a grand gabarit la ville du Havre au Benelux.

La 'chJrr—Ëau > n°67 France Nature Environnement

 

Comme: - Belgique

Pont de Comines .r 4 f

Prés de Lys

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ec'use de Gommes V Nouveau lit de la Lys
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‘7' v Lit existant de la Lys

a Comines—Franco \ l . 

Schéma du projet initial de l’ aménagement de la Lys à Comines prévu par le Service Public de Wallonie ; Sources: D602 (Direction des Voies Hydrauliques

de Tournai) http://bit.ly/1shWth

 

voie rapide sur la berge du futur tracé du cours d’eau, en surplomb
de la zone humide.

En 2008, les associations EDA et Eco-Vie (3) se sont mobilisées contre
le projet initial traçant le nouveau cours d’eau en plein milieu de la
zone des Bas—près et prévoyant de réutiliser les dépôts de terres comme
socles pour une voie rapide. Cette dernière est destinée à relier deux
zones industrielles et remplacera ainsi l’ancienne route traversant les
villes alentour : soit la quasi disparition de la zone humide.

Notre plaidoyer a consisté d’une part, à rappeler que les travaux
doivent impérativement se dérouler de façon exemplaire afin d’éviter
toute atteinte aux écosystèmes et d’autre part, à pointer du doigt
les incohérences ainsi que les risques irréversibles que ferait peser
la construction d’une route desservant une future zone industrielle
sur la zone des bas—près. En effet, si la construction d’une voie d’eau
grand gabarit est envisagée pour répondre aux objectifs de diminution
du trafic routier et de rejets de gaz à effets de serre, il est alors
difficile de comprendre qu’une voie rapide dédiée aux camions y soit
parallèlement associée.

Dès lors la mobilisation des associations locales environnementales
transfrontalières a été permanente et s'est surtout traduite par de
nombreuses rencontres et visites commentées sur les lieux pour
sensibiliser tous les acteurs : habitants, riverains, élus et instances
telles Voies Navigables de France, l’Agence de l'eau etc.

En juin 2011 a lieu une première enquête publique. Effectuant
une étude faune/flore et proposant des alternatives argumentées,
les associations EDA et Eco—Vie rejettent le premier tracé au cœur
de la zone humide proposé en 2006 par les autorités belges. Elles
recueillent un écho positif qui conduit les autorités à repenser le
projet. C'est ainsi qu'un nouveau tracé empiétant moins sur la zone
humide a été décidé et validé officiellement tout en conservant,
néanmoins, l'option d'une route sur la berge surplombant la zone
humide. Les associations contestent ce nouveau projet et sa route :
elles proposent un élargissement de la Lys actuelle sans route sur
berge !

Nous avions jusqu'au 31 mars 2014 pour adresser aux autorités
belges nos remarques suite à l'octroi du permis d'aménagement de la
future Lys. Profitant de ce court laps de temps pour tenter une ultime
révision, nous avons multiplié les contacts auprès d'élus français et
belges afin qu’ils prennent connaissance des conclusions partagées
par l’ensemble des organismes consultés dans le cadre d’une enquête
de risques irréversibles pour la zone humide.

UN PROJET LOURD DE PAKADOXES.

Ce projet de grand canal est officiellement présenté comme un
projet « porteur d’espoir » dans un territoire victime de fermetures
successives des petites industries locales. Si des retombées
environnementales positives sont attendues du développement du
transport fluvial, en raison de ses faibles émissions de pollutions et de
consommation d’énergie, il est néanmoins important de souligner le
prix environnemental causé par la destruction des rivières actuelles,
ainsi que les paradoxes profonds sous—tendant un tel projet. En effet,
la volonté affichée par les autorités locales de construction d'une route
dédiée principalement au trafic camions sur la berge de la nouvelle
Lys a été accordée au titre d'un potentiel développement d'une zone
d'activité économique et commerciale. Cet accord officiel a été pris
en dépit des réticences émises par les services de protection de
l'environnement et de voirie face à la complexité de la réalisation des
ouvrages et des coûts financiers en partie imprévisibles.

En réponse à l'avis officiel favorable émis le 9 janvier 2014, les associations
ont mis en lumière plusieurs paradoxes. D’une part, les acteurs en faveur
d’un élargissement de la Lys actuelle réprouvent totalement la présence
d'une route « camions ». D’autre part, si beaucoup de précautions sont
exigées dans le permis octroyé pour protéger au maximum la zone
humide, notons que le moindre accident routier constituera une menace
de pollution catastrophique pour les biotopes remarquables, sans parler
des rejets C02, des particules diesel véhiculées par les pluies vers les
lieux sensibles, du bruit... Soit des nuisances permanentes.

QUELLE LEÇON POUVONS—NOUS EN
TIKEK ?

L’ampleur des enjeux soulevés par ce projet de mise à grand gabarit
du canal de la Lys souligne, à plus grande échelle, la nécessité d’insérer
tout projet d’aménagement des cours d’eau dans une démarche
transversale intégrant les enjeux environnementaux, sociaux et
économiques sur le long terme. De plus, la création d'une commission
spécifique de suivi du projet apportant une analyse complémentaire
pourrait s'avérer essentielle. Enfin, à l’image des enjeux soulevés par
le projet de Notre—Dame—des-Landes (suppression de zones humides),
ce projet nous interroge, plus profondément encore, sur notre capacité
à privilégier le foncier agricole de proximité au service des populations
citadines plutôt que de favoriser la création de nouvelles zones
d'activités dans un secteur qui en comporte déjà beaucoup.

 

(3) EcoeVie est une Association Sans But Lucratif (ASBL) belge reconnue par la Communauté Française créée en i978.

La 'chJrr—Ëau > n°67 France Nature Environnement

 

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RISQUES D’lNoNDATIoN

{mur proche ? Rien n'est moins sûr.

La Flandre Maritime occupe l‘espace d‘un polder qu'elle partage avec
la Belgique et les Pays Bas. Asséchée depuis une dizaine de siècles,
cette plaine ceinturée par un cordon dunaire complété par des digues
est plus basse que le niveau des hautes mers. ll suffit donc que ces
fragiles barrières cèdent ici ou là lors d'une tempête pour que les
terres intérieures soient submergées. Ce fut déjà le cas, notamment,
en 1953 où sous les coups de boutoir de la houle, le niveau de la pleine
mer atteignit 7,90 m à Dunkerque. Cela a suffi pour qu‘une digue cède
provoquant l‘inondation de plusieurs quartiers urbains. Si l‘évènement
n'entraîna que d'importants dégâts matériels, les intrusions marines
furent beaucoup plus catastrophiques aux Pays Bas où l'on dénombra
1800 morts, tandis que la Belgique déplora 25 pertes humaines.

A l’époque on ne parlait pas encore de dérèglements
climatiques, ni de risques de montée des eaux. Le GIEC (2)
n'occupait pas encore l'espace médiatique. En sorte que les
autorités locales et nationales considérèrent sans doute que ces
assauts des flots drossés par la tempête avaient eu à l'époque un
caractère tout à fait exceptionnel et qu‘il n‘y avait pas lieu de s‘alarmer
outre mesure. Durement touchés, Belges et Néerlandais pensèrent
différemment : les changements climatiques semblant de plus en plus
avérés et augurant d'une élévation mesurée, mais continue, du niveau
de la mer, ils retroussèrent leurs manches et entreprirent sur leurs
territoires de spectaculaires travaux de renforcement des ouvrages de
défense contre la mer. Ces travaux ont conduit à la mise en place des
plans Delta (3) et Sigma (4) qui ont fortement marqué et influencé le
paysage des bords de mer.

En France, après la tempête Xynthia (5) qui fut particulièrement
dévastatrice en Vendée, et la piqûre de rappel de la tempête Xaver (6)
en décembre dernier, les politiques publiques prirent progressivement
en compte la nécessité de conforter les maillons faibles. Ainsi, on vit
fleurir, dès 2007, les prémices de Plans de Prévention des Risques
Littoraux (PPRL) sous la responsabilité de l‘Etat, mais comportant
néanmoins une forte implication des collectivités et des acteurs
locaux, dont les associations environnementales à travers les Comités
Techniques (Cotec) et les Comités de Concertation (Cocon).

Dans un secteur comme celui de la Flandre Maritime, les enjeux sont
d’autant plus importants que le littoral se trouve être le réceptacle d'un
bon nombre de sites industriels bâtis à fleur d'eau. Comment, en effet,
ne pas porter une attention toute particulière à la présence in situ d‘une
quinzaine de sites Seveso (n seuil haut et de la centrale nucléaire de
Gravelines qui, avec ses six réacteurs, est l'une des plus importantes
au monde ? On y trouve aussi des zones urbanisées rassemblant des
dizaines de milliers d'habitants, susceptibles d’être également inondées
si dans le plat pays on ne parvient pas à évacuer les eaux des rivières,
des canaux et des watergangs (8), qui coulent paresseusement vers
le rivage.

 

6+ 9écuri+é clos populafionç en bord clc mer

Par Jean Sename,
Président de l’ADELFA (1)

La prospérité du littoral dunkerquois s'est construite au fil des siècles autour de la Mer du Nord. En sera—t—il encore ainsi dans un

La Mer du Nord à l'assaut du plat pays. © J ean Sename

S’agissant plus particulièrement de la centrale de Gravelines, site
d’évidence le plus vulnérable et en tout cas porteur des risques les
plus graves pour son environnement, l’aléa déterminant, de l’avis de
l’Institut Wise-Paris (9), « est la crue bord de mer par surcote (CBMS)
correspondant à l’association d’une surcote millénale et d’une marée
théorique de coefficient 120 » (10). En clair, la cote majorée de sécurité
(CMS), qui a évolué entre 1969 et 1997 de 5,36 à 6,12 m NGF N (11),
dépasse de 60 cm celle de la plate—forme supportant les réacteurs l

Certes, des travaux de renforcement des digues et des murets ont
été menés depuis, mais Wise Paris considère que le canal d’amenée
des eaux marines de refroidissement des six réacteurs, lequel se situe
bien sûr au niveau de la mer, est un axe de propagation potentielle de
submersion des installations.

Enfin, s’y ajoute le risque venu de l’intérieur car sur ce polder la
centrale de Gravelines est proche du chenal de l’Aa collectant avec
le port de Dunkerque l’important volume d’eaux douces venues de
l’hinterland (12).

C’est dire s’il existe beaucoup d’incertitudes quant à savoir,
comme l’indique Wise, si les marges de sûreté restent suffisantes
quant à une possible submersion marine ou une inondation de l’îlot
nucléaire gravelinois, avec le risque de perte de la source froide et des
alimentations électriques. Dans ce cas, un scénario à la Fukushima ne
serait pas à exclure sur les bords de la Mer du Nord.

(l)Fédération d'associations, créée en 1974, agréée par les pouvoirs publics qui regroupé la plupart des associations de défense de l' Environnement et du Citoyen
du Littoral FlandreeArtois. (2) Le GIEC est le Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, (3) Le plan Delta est un systémé néerlandais de défense
contre les inondations maritimes. Il a été mis en place a partir du 18 octobre 1955 suite aux inondations catastrophiques du 2] février 1953. (4) Le plan Sigma est un
plan flamand de gestion des inondations de l’Escaut. Il a été mise en place suite aux inondations survenues en 1953. (5) La tempête Xynthia a touché, entre le 26
février et le ler mars 20lO, I'Espagne, le Portugal, la France, la Belgique, le Luxembourg, le RoyaumeÿUni, la Scandinavié et le pays au bord de la mer Baltique. (6) La
tempête Xaver a touché le NordÿEst de l‘Europe (Ecosse, PayseBas, Allemagne, Scandinavie) le vendredi 6 septembre 2013, (7) La directive 96/82/CE, dite dirécÿ
tive Seveso, est une directive européenne qui impose aux États membres de lUnion Européenne d’identifier les sites industriels présentant des risques d'accidents
majeurs, (8) Waten/vang est synonyme de waeteringue. (9) WiseÿParis (World Information Service on Energy) est une agence d’information et d'études sur l'énergie
basée a Paris, proche du mouvement antinucléaire. (lO) Noté de WiseeParis du 25 février 2014 sur << le risque d'inondation de la centrale de Gravelines n établie
par Manon Besnard, chargée d'études, et Yves Marignac, directeur. (l l) NGF N signifie Nivellement général français normal. (12) Hinterland signifie arrièreepays.

La ICH'Y'Ëau > n°67 France Nature Environnement

 

un combat sans Fin pour“ réduire la vulnérabilfié du pla+ pays

Dans un contexte de risque croissant de submersion des plaines maritimes bordant la Mer du Nord, il est nécessaire de

LES WAETEKINGIUES z

Par Jean Sename,
Président de l’ADELFA (i)

 

rappelerles processus historiques al’otigin d l’ass’ch m ntd c svast s ’t ndu sd t rr s. En ff t, loin d’Atr unpaysage

 

 

 

« natur l», c st rritoir s ass’ch’s sontl fruit d’un longu conquAt d la natur par l’homme. Cependant, cette dernière

semble aujourd’hui remise en cause. ..

Un exutoire stratégique pour l'évacuation des eaux des waeteringues : l'écluse Tixier à Dunkerque. © Jean Sename

 

La plaine maritime entourant Dunkerque est un polder, c’est-à—dire
un territoire gagné sur la mer grâce à l’action opiniâtre des hommes
qui procédèrent à cette reconquête. On estime que celle-ci débuta
de façon parcellaire au 6ème siècle pour prendre une toute autre
dimension lorsque le comte de Flandres, Philippe d’Alsace, créa
l’institution des waeteringues en 1169. Ces « chemins d’eau » permirent
progressivement d’assécher les terres marécageuses en renvoyant vers
la Mer du Nord l’eau invasive. Cette évacuation ne se fit pas en un
jour : l’écoulement s’effectuant de façon gravitaire, il fallut tout le
savoir-faire d’un ingénieur, Wenceslas Cobergher (2), pour que, par la
création de digues et de canaux, les terres émergent et que la plaine
maritime prenne la forme qu’on lui connaît.

Est—ce à dire que la partie était définitivement gagnée ? Non, car
au risque de submersion marine contenu ici par des digues, ailleurs
par les cordons dunaires, s’ajoutait celui des inondations provoquées
par l’accumulation d’eau pluviale et fluviale à l’intérieur des terres.
Pour juguler ce type d’agression, l’institution des waeteringues et ses
quatre sections territoriales se virent donc attribuer la responsabilité
d’acheminer ces eaux vers la côte à grand renfort d’une centaine
de pompes. En sorte que, parvenues à un exutoire aussi large qu’un
canal, leur évacuation puisse se faire quand la marée est basse par une
écluse, elle-même dotée de puissantes pompes. Les portes de l’écluse
se referment quand la marée est haute, au risque autrement de voir

la mer prendre le chemin inverse et envahir le polder. Ce système
d’évacuation complexe suit le rythme des marées et nécessite des
opérations de pompage et d’éclusage fiables.

Afin de parfaire le système, a été mis en place en 2003 un
Programme d’Actions de Prévention des Inondations (PAPI), outil de
contractualisation entre les collectivités et l’Etat. Il vise d’abord à
réduire le risque d’inondation, mais permet également aux collectivités
de mobiliser des fonds importants pour conforter la protection des
personnes et des biens. En effet, le pompage en continu ou seulement
en période de crues, l’entretien des ouvrages hydrauliques, la mise
en place de zones d’expansion de crues, etc...coûtent cher, voire très
cher. L’une des préoccupations constantes de l’administration des
waeteringues et des partenaires qui la soutiennent, étant de faire
face à tout type de risque, l’Etat, Région, Agence de l’eau, etc. sont
régulièrement sollicités par des demandes de financement public.

En des temps où le changement climatique sera sûrement assorti
d’une montée des eaux marines, c’est un nouveau défi que devront
relever les habitants des plaines littorales : le rejet des eaux terrestres
dans la mer sera nécessairement plus ardu. Dans le plat pays,
l’administration des waeteringues n’est pas prête de disparaître. Le
combat contre submersions et inondations a encore de beaux jours
devant lui.

 

(i)Federation d’associations, créée en i974, agréée parles pouvoirs publics qui regroupe la plupart des associations de detense de I'Environnement et du Citoyen
du Littoral FIandreÿArtois. (2)Architecte et ingénieur né a Anvers en 156i et décède en 1634 a Bruxelles

La leHrËâlu > n°67 France Nature Environnement

   

Cul“-

 

>I4-

SCHÉMAKÈaDNALDECoHÊRENŒECOLoaiaŒTRNwEVERŒETBLEŒDuNORD—PASDECALArs:

rétablir“ le; continuités écologiques

Par Jean-Louis Woflez,
Président de Leïrem Nature

 

 

Pionni’r n mati‘r d tram v ri tbl u (1) t d prot otion d la biodiversité, la Région Nord—Pas de Calais inscrit
l’élaboration du Schéma Régional de Cohérence Écologique (2) (SRC'E) dans la continuit’ d la d ’ march initi’ , d \ sl s ann ’ s
1990, et qui allait devenir << la Trame Verte et BleLe >> ( VB). C’est pOL rquoi le terme de SRC'E—l VB (3) est aujourd’hui employé.

 

UNE MÉTHODOLOérIE ANCKÈE DANS LE
TERRITOIRE.

L’élaboration du SRCE-TVB repose sur une double approche : l’une éco-
systémique, dite « par milieux », tel que le prévoient les textes de loi, et
l’autre basée sur l’analyse écologique des paysages afin de territorialiser
les enjeux en vue d’une meilleure appropriation par les acteurs locaux.
Approche fondatrice de la TVB régionale adoptée en 2006, la définition
d’unités écopaysagères renvoie à un découpage du territoire régional
en unités homogènes.

L’approche par milieux de la SRCE-TVB consiste à présenter les
continuités et corridors (4) écologiques, ainsi que les conditions
nécessaires à réunir afin d’assurer le bon état des milieux.

En associant l’analyse des milieux à celle des paysages, cette
démarche vise à inscrire la notion de paysage dans un objectif plus
large d’équilibre écologique.

Les rivières 6+ au+rcç cours d’eau

Présent sur l’ensemble de la région Nord-Pas de Calais, le réseau
hydrographique constitue un important réservoir de biodiversité (5)
recelant des richesses écologiques contrastées selon la qualité de l’eau
et leur dynamique naturelle. Aujourd’hui très artificialisés et limités
dans leur fonctionnement par la présence d’obstacles tels que les
écluses ou les barrages, certains cours d’eau n’assurent plus ni les
fonctions écologiques qui leur sont dévolues (migration, reproduction,

 

mana...
nm

    

(Mutation du ml

E190!“ anlntllmh (mura

Les actions prioritaires par écopaysage

 

"-‘m .. Les actions prioritaires par écopaysage

 

 

 

habitat), ni les fonctions de régulation essentielles à la prévention de
risques pour l’homme et ses biens (inondations, coulées de boue...).

Les zoncç humides 6+ Plane d’eau

Les zones humides abritent des habitats rares d’intérêt
supranational, voire européen, et remplissent de nombreuses fonctions
environnementales, économiques et récréatives. Un tiers des espèces
végétales protégées ou menacées y est recensé. De plus, elles constituent
des lieux d’habitat, de halte, de reproduction et de nourrissage pour la
moitié des espèces d’oiseaux et la totalité des amphibiens.

À l’échelle régionale, ces milieux, autrefois très étendus, sont à
présent sous-représentés et en régression (artificialisation des sols,
drainage, abandon, reconversion en cultures ou peupleraies...).

LA NÉCESSITÉ D'UNE &ESTION INTÉâKÉE DES
couRs D’EAU ET ZONES HUMIDES.

L’impact de l’aménagement et de la gestion des eaux sur la biodiversité
est particulièrement marqué dans la région Nord-Pas de Calais. La région
Nord-Pas de Calais a connu de nombreux projets d’aménagements
fragilisant fortement l’équilibre écologique de ses cours d’eau : lutte
contre les intrusions salées, drainage des zones humides, évacuation des
eaux de ruissellement, extension des espaces urbanisés, infrastructures
hydrauliques etc. Ce phénomène d’artificialisation (6) est d’autant
plus préoccupant que la gestion des eaux de la région agit à la fois
sur le volume des eaux de surfaces et souterraines, ainsi que sur la

morphologie des cours d’eau, la qualité
des eaux et la biodiversité du milieu.

Ainsi, sur les 8000 km de voies d’eau
du bassin Artois-Picardie, plus de 2000
ouvrages hydrauliques ont été recensés.
La densité moyenne correspond à
un ouvrage tous les 4,5 km. L’effet
« retenue » de chaque ouvrage, cumulé à
l’échelle de chaque bassin versant, induit
en moyenne une perte de 25 % des habitats
aquatiques d’eau courante indispensables
à certaines espèces telles que, par
exemple, la truite et le barbeau. Par
ailleurs, ces aménagements constituent
des obstacles au transit sédimentaire et
aux continuités écologiques. En effet,
78 % de ces ouvrages sont infranchissables
par les poissons alors que seulement 6 %
de ces ouvrages comportent un usage
économique avéré. Enfin, ces ouvrages
empêchent les anguilles et autres grands
migrateurs, tels que les aloses, lamproies,
saumons et truites de mer, d’accéder aux
frayères situés en amont des cours d’eau.

hum - wanwrnwmm

(l )La TVB est définie par la loi du 3 août 2009 (dite (( Grenelle l ») et a pour objectif d'enrayer la perte de biodiversité en participant a la préservation, a la gestion et
a la remise en état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural,
(2) Le SRCE est un outil d’aménagement du territoire défini par la loi du l2 juillet 20l0 (dite (( Grenelle 2 li), élaboré conjointement par la Région et l’Etat, qui cloit
prendre en compte les orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques. (3) La SRCEÿTVB est un réseau des contié
nuités écologiques terrestres et aquatiques. (4) Les corridors renvoient aux fonctionnalités potentielles géographiquement localisées a l’échelle de la région, stae
tistiquement les plus probables, et cartographiées en fonction d'un objectif assigné a un type de milieu parmi les biotopes retenus (dunes, bocages, forêts, zones
humides, etc.) (5) (r Les réservoirs de biodiversité sont des espaces dans lesquels la biodiversité est la plus riche ou la mieux représentée, ou les espèces peuvent
effectuer tout ou partie cle leur cycle de vie et ou les habitats naturels peuvent assurer leur fonctionnement, en ayant notamment une taille suffisante. lls abritent
des noyaux de population d’espèces, a partir desquels les individus se dispersent, ou qui sont susceptibles de permettre l’accueil cle nouvelles populations d'esé
peces », définition extraite de l'article R.37l7l9 du code de l'environnement, (6) «Surface artificialisée >> renvoie a toute surface retirée de son état naturel, forestier
ou agricole, qu'elle soit batie ou non et qu’elle soit revêtue ou non e voir http://wwwdeveloppementédurable.gouv.fr/

La leHrËâlu > n°67 France Nature Environnement

LE PLAN D'ACTION STRATÉGIQUE

L’élaboration du plan d’action stratégique a fait l’objet d’un atelier
de travail associant un large panel d’acteurs locaux. L’objectif de ce
plan est de permettre à l’ensemble des acteurs compétents d’agir au
niveau de la mise en œuvre de la TVB par :

- L’intégration des objectifs du SRCE—TVB dans leurs activités,
leurs projets et leurs politiques

- Le développement de partenariats susceptibles de les mettre en
œuvre et de s’impliquer dans des maîtrises d’ouvrage adaptées

Cependant, le plan d’action stratégique ne vise pas à l’exhaustivité
des mesures et ne comporte pas de dimension réglementaire.
Par conséquent, la mise en place des actions prioritaires est effectuée
dans le respect des compétences respectives des acteurs concernés (7).

Enfin, à titre d’exemple, sont développées ci—dessous les deux
démarches d’actions prioritaires déclinées au sein de la SRCE-TVB du
Nord-Pas de Calais : l’approche dite « par milieux » et l’approche dite
« écopaysage 

Ae+ion9 priori+aire9 par milieux — approche
eeoçyçJremique

PKIOKrrE I

- Rétablissement des fonctionnalités et des continuités
écologiques latérales, longitudinales et sédimentaires des cours
d’eau (suppression de barrages et création de passes à poissons
par exemple).

PRIORITÉ z

- Poursuivre les actions visant à améliorer la qualité des cours
d’eau, notamment celles visant à atteindre le bon état
écologique prescrit par la Directive Cadre sur l’Eau.

- Lutter contre l’érosion des sols sur les bassins versants amont.

PRIORITÉ a

- Rétablir la fonctionnalité des lits majeurs des cours d’eau en
tête de bassin (admettre les débordements)

- Restaurer la qualité des habitats des cours d’eau (méandres,
berges végétales, etc. .)

Ae+ion9 Priori+aire9 çelon l’approche ali+e
<< eeopayçage >> ale la Plaine ale la Scarpe.

N‘V‘Ÿa‘l île Objectifs
pnonte

Remailler les réservoirs de

biodiversité

Favoriser la continuité
forestière

Renforcer le maillage bocager par des haies vives

Réduire l’effet fragmentant
des principales voies de
communication

Améliorer la franchissabilité
des canaux par les espèces à
déplacement terrestre

Opérations susceptibles d'impacts positifs sur
les continuités écologiques

Mettre en place des connexions biologiques
le long de l’A23

Améliorer la qualité de l’eau des cours d’eau

inscrire la vocation des zones humides dans les
documents d’urbanisme

Veiller à assurer le déplacement de la faune
terrestre par des aménagements adaptés ou
la restauration de milieux de substitution

Exemple d’action prioritaire : la suppression du « Barrage de l’étroit »
sur la Lawe à Lestrem. ©Jean-Louis Wattez

DE LA PKocEDuKE DE CONSULTATION Aux
RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION DENouETE

L’enquête publique qui s’est déroulée du 18 novembre 2013
au 2 janvier 2014 a constitué la dernière phase de la procédure
d’élaboration.

A l’issue de l’enquête publique, la commission d’enquête a constaté
que la procédure de concertation a atteint son objectif en touchant un
grand nombre d’acteurs concernés par ce projet. En effet, l’ampleur
de cette phase de concertation a permis de mettre l’accent sur les
principaux enjeux, ainsi que de formuler des réponses adaptées
aux inquiétudes de certaines catégories socioprofessionnelles dont
l’activité dépend du bon équilibre écologique.

Enfin, la commission d’enquête a émis un avis favorable assorti de
deux recommandations au projet de Schéma Régional de Cohérence
Ecologique Trame Verte et Bleue du Nord-Pas de Calais.

D’une part, la commission recommande que soit établi un document
de mise en œuvre du SRCE—TVB à destination des collectivités
territoriales, insistant sur la nécessaire association des acteurs locaux
(agriculture, chasseurs, forestiers...) dans une démarche ascendante
de propositions. D’autre part, la commission recommande que soit
fait mention, dans le document présentant l’agriculture, de la mise
en application des textes concernant les bonnes conditions agricoles
et environnementales et la conditionnalité des aides de la PAC qui ont
modifié très sensiblement la donne en matière de biodiversité.

Opérations susceptibles d’atteintes
ou d’impacts très négatifs sur les
continuités écologiques

Boisement en zones inondables

Création de nouveaux plans
d’eau dans les continuités
écologiques à préserver

Plantations en zones inondables
d’intérêt patrimonial non boisées

Nouvelles plantations
monospécifiques dans les
réservoirs de biodiversité

Développer des circuits économiques

Développer les initiatives
permettant des activités
compatibles ou renforçant le
réseau écologique

basés sur l’exploitation des ressources
renouvelables du terroir (bois, prairies...)

Poursuivre l’information du public sur le
patrimoine naturel et culturel du Parc

Naturel Régional

 

(7) Voir le document en ligne : http://www.nordeposedeeeolois.developpementeduroblegouv.fr/IMG/pdt/resumeÿsrceetvbÿversionÿl8704720l4.pdt

La leHrËâlu > n°67 France Nature Environnement

   

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VUÊ

LA COMPÉTENCE érEsrioN DES MILIEUX AQUATIQUES

 

ET PRÉVENTION DES INONDATIONS.

La loi du 27 janvier 2014 de moderrisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles

 

(MAPAM) cr' un comp’t nc d

 

publics de coooération intercommL nale ('
inondations (G‘EMAPl). D plus, ll

 

g stion d s mili ux aquatiques et de prévention des inondations qui
confèrera, a partir du le‘janvier 2016, une nouvelle compétence aux communes et a leurs établissements
EPCl) sur la gestion des milieux aquatiques et la prévention des

 

 

 

 

 

 

’tablit un nouv ll tax facultative, l’<< aquataxe >>, pour l’exercice de
cette compétence et crée les -PAG - (établissements publics d’aménagement et de gestion des eaux) aux
côtés des EPTB (établissements publics territoriaux de bassin). Dans le prochain numéro, Frédéric Tricot

nous offrira son point de vue sur ce te thématique.

En quoi la loi de modernisation de
l’action puin ue e+ d’alïlïirmafion
des me+ropâle9 perme+—elle de
Pacili+er la ouvernance de la
politique de ’eau ?

Cette loi était nécessaire, néanmoins, elle
entraîne de ma part deux remarques. D’une part, elle
a suscité une grande inquiétude, voire de la colère,
de la part des élus ou de certains agriculteurs car
elle a été préparée sans réelle concertation et elle
n’aborde pas les questions de biodiversité, telle que
la Trame Verte et Bleue. D’autre part, elle présente
un aspect très positif car elle prend réellement en
compte la gestion intégrée de l’eau en donnant aux
collectivités locales la responsabilité à la fois des
services publics d’eau et d’assainissement, et de
l’entretien des cours d’eau ou de lutte contre les
inondations. Cela va dans le sens que je défends
depuis longtemps selon lequel il n’existe qu’un
seul cycle de l’eau auquel viennent se greffer de
multiples usages. L’aménagement du territoire est
la politique fondamentale qui interfère avec la
politique de l’eau. Il s’agit donc de donner à ceux
qui ont la charge de l’aménagement du territoire
la responsabilité de la prévention des inondations
et de la qualité des milieux aquatiques. Cela me
semble d’une logique absolue.

Qu'est—ce qu'un EPAâE e+ en
9e distingue—Jeu d’un EPTB ?

La politique de l’eau se fait globalement
et à l’échelle du bassin ou d’un sous bassin. La
commune n’est donc pas l’échelle pertinente
même si la responsabilité GEMAPI a été donnée
aux collectivités, celles—ci doivent la transférer
immédiatement aux EPCI. Or I’EPCI ne se situe
pas non plus à l’échelle adaptée car la rivière vit
au-delà du périmètre administratif. Nous avons

quoi

des agences qui sont des planificateurs, des
financiers, mais il faut aussi des maîtres d’ouvrages
au travers d’organismes tels que les EPAGE et
EPTB. Les EPAGE sont des syndicats de rivière qui
reçoivent ce « label » lorsqu’ils ont l’ensemble des
compétences dites « GEMAPI  Quant aux EPTB, ils
ont une fonction de coordination, de compétence
et d’ingénierie et sont souvent également maîtres
d’ouvrage. Les EPTB et les EPAGE sont des outils
que se donnent les collectivités territoriales pour
organiser une politique cohérente à l’échelle du
bassin ou sous bassin versant d’une rivière.

Compte Jrenu du carac+ere
obliga’roire de la compe+ence
âemapi trançlïeree aux communes
e+ du carac+ere volon+aire

de << l’aqua+axe >> a l’echelle
communale, comment assure—ton
le PinancemenJr opera+ionnel d’un Jrel
+rançlïer+ de compétences ?

En ce qui concerne les financements de cette
politique, je considère qu’ils relèvent de mécanismes
de solidarité. Au niveau national, cette solidarité
se manifeste par l’intermédiaire soit de l’État soit
du fonds Barnier (2). Au niveau local, la loi a créé
une « aquataxe » facultative afin de financer les
ouvrages de protection. Le montant de cette taxe
est strictement fléché et est fonction des travaux à
effectuer. Elle sera payée par tous dans le périmètre
de I’EPCI et votée par l’AssembIée intercommunale
qui aura pour obligation légale de faire les travaux.
En ce qui concerne les districts, il n’existe pas de
financement spécifique. Or si nous voulons rester
cohérents, nous devons confirmer que la politique
de prévention des inondations s’exerce au niveau
du bassin hydrographique et nous devons mettre
en place une taxe finançant la sécurité de bassin.

 

Entretien avec Daniel Marcovitch (1)

Daniel Marcovitch

 

Dans quelle mesure ce++e loi
assure—telle l’équilibre en+re
l’imperatill de preven+ion des
inondaJrionç e+ celui d’une e9+ion
souple e+ respectueuse es milieux
aquatiques?

Actuellement, la France est soumise à
plusieurs directives (3) concernant la politique
de l’eau. Le fait de donner la responsabilité
« milieux aquatiques >>, ainsi que la lutte contre
les inondations aux acteurs qui administrent les
territoires doit favoriser une vision cohérente
des politiques qui pourraient apparaître, parfois,
comme contradictoires. Cependant, à ce jour, la
définition de la gestion des milieux aquatiques de
GEMAPI n’est pas réellement définie. Il semble
que l’acception admise serait qu’il faille établir
un lien entre l’entretien de la rivière et le risque
inondation et que, par ailleurs, la nouvelle taxe ne
servirait qu’à financer les ouvrages « lourds >>, soit
des digues et des protections en dur. Il reste donc
à intégrer dans les programmes et les financements
les politiques « douces » de prévention. Tout ceci
confirme la nécessité d’un travail collectif entre les
différents niveaux de responsabilité afin qu’aucune
facette de la politique de l’eau et des milieux
aquatiques ne reste sur le bord du chemin et que
les divers financements nécessaires soient mis en
place avec l’accord des acteurs, c’est-à-dire des
citoyens.

(I) Daniel Marcovitcn a été Député de la I9è'"e circonscription de Paris et rapporteur de la << loi Voynet Il sur l’eau en 2002 et Président de l’AFEPTB. Il est membre du Comité National
de I’Eau dont il a été le Ie' viceé Président ainsi que de l’ONEMA. il préside actuellement la Commission Mixte inondations. (2) Le FPRNM, dit (r fonds Bornier >>, a été instauré par la loi
du 2 février I995 relative au renforcement de la protection de l’environnement. || intervient dans le financement d’actions de prévention afin d'assurer la sécurité des personnes et de
réduire les dommages aux biens exposés a un risque naturel majeur. (3) La Directive Cadre sur I’Eau (2000), la Directive Inondation (2007), la Directive Cadre Stratégie pour le Milieu

Marin (2008).

La leHrËâlu > n°67 France Nature Environnement

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