La mortalité des «ptlseaux.
de 1a. Baie ‘de: Sïoÿgnie  

et de la Ccîæte ïÊiçäfi-‘cïi
_‘__. 

par
Xavier
COMMECY
et
Eric
MERCIER

Bien que non
comestibles,

les huitriers-pies
sont très souvent
victimes de la
chasse.

12

é; .

Photo A. VisagelJacana

En 1967, quelques personnes alertées par l’affaire du Torrey Cañon,
décident de parcourir le littoral picard pour retrouver d ’éventuels oiseaux
victimes du mazout. Intriguées par le grand nombre de cadavres qu’elles
découvrent, elles décident de renouveler l’opération dans les mois qui
suivent et c’est ainsi que naît l’une des principales activités de ce qui allait
devenir le G.E.P.O.P. (Groupe environnement protection et ornithologie
en Picardie) : les ramassages d’oiseaux morts échoués sur toute la côte
picarde : de la baie d’Authie à Mers-les-bains, soit un peu plus de 30 kilo-

mètres (Fig. 1).

Depuis cette année 1967, nous avons régu-
lièrement poursuivi cette activité et c'est le bilan
de ces ramassages que nous nous proposons
de présenter ici. En 19 ans nous avons réalisé
102 ramassages qui se répartissent sur toutes
les périodes de l'année. Nous avons ainsi col-
lecté 10.003 oiseaux. Plus de 80 96 de ces oi-
seaux appartenaient à des espèces protégées
par la loi.

Il s'agit donc d'un nombre important d'oi-
seaux ; pour comparaison rappelons que la ca-

tastrophe de l’Amoco Cadiz en mars 1978 a
provoqué l’échouage de 3.640 oiseaux sur l'en-
semble de la côte bretonne (J.-Y. Monnat-
1978). Parmi les cadavres que nous avons re-
cueillis, on note ceux d'un certain nombre de
représentants d'espèces très rares dont la dé-
couverte a enrichi notre connaissance de l'avi-
faune picarde : phalarope à bec large (Phaloro-
pus fulicarius), mergule nain (Plautus alle),
goéland à ailes blanches (Larus glaucoides).
Mais le but principal de ces ramassages est bien

Le Courrier de la Nature n” 106 - Novembre-Décembre 1986

entendu d'appréhender l'ampleur et les causes
de la mortalité des oiseaux sur la côte picarde
et non la recherche de quelques individus d'es-
pèces peu fréquentes.

La méthode de ces ramassages consiste à
diviser le littoral en une quinzaine de secteurs.
Une équipe de 3 à 5 personnes, dont le travail
est de parcourir méticuleusement l'estran et la
“laisse” de haute mer, est affectée à chacun de
ces secteurs. Tout oiseau trouvé est ramassé et
emporté vers un lieu de concentration où sont
effectués, en fin de journée, les déterminations,
comptages et éventuellement la recherche des
causes de mortalité. Ensuite, les cadavres sont
emmenés et éliminés dans des décharges géné-
ralement sur Amiens soit à 60 kilomètres à l'in-
térieur des terres pour éviter les doubles comp-
tages lors de ramassages ultérieurs.

Ce que nous découvrons régulièrement et
que nous publions dans la presse locale gêne
semble-t-il certaines personnes, aussi devons-
nous dénoncer les agressions (jusqu'à présent
verbales heureusement) que nous avons subies
de la part des porteurs de fusil locaux.

Les causes de mortalité

Nos ramassages n'ont pas été programmés
avec la rigueur nécessaire pour permettre une
interprétation statistique (dates fixes, mêmes
personnes...). Par ailleurs, vu l'espacement en-
tre chaque ramassage, nous n'avons retrouvé
qu'une petite partie des oiseaux qui meurent en
mer ; les expériences faites en Bretagne attes-
tent que moins d'un cadavre lâché en mer sur
quatre atteint la côte (JsY. Monnat 1978).
Néanmoins, étant donné le nombre d'oiseaux
trouvés (plus de 10.000) nous pensons que nos
chiffres peuvent être considérés comme don-
nant un bon reflet de ce qui se passe effective-
ment en baie de Somme et sur le littoral picard.

Pour un nombre important de ramassages,
qui ont été choisis de manière aléatoire (dispo-
nibilité des adhérents du G.E.P.O.P.), nous
avons essayé de définir la cause de la mort des
oiseaux. Ces ramassages représentant 2.885 oi-
seaux trouvés (soit près de 29 96 des effectifs
totaux et constituent ce que nous appellerons
“l'échantillonnage"). Au moins deux causes de
mortalité sont faciles à déterminer par dissec-

Le Courrier de la Nature n‘ 106 - Novembre-Décembre 1986

 
   

Cause (16 la mort

HYÛFOCBFDUFES

Causes anthruoiuues

ramenées a 100 Z
53 X
U7 X

Tableau 1 : Les causes de mortalité sur
l'échantillonnage (29 96 des oiseaux morts).

 
  
 

    

‘IINHHHHËNI
12ü5

1099

     

N3 1

      
 

Chasse 38 ‘i

  

Naturelle

 
  
 
 

  

Total

tion, radiographie X (depuis 1978) ou observa-
tion directe : il s'agit des causes imputables aux
hydrocarbures et celles dues aux actes de
chasse. Mais pour près de 20 96 des oiseaux, la
cause de la mort est restée indéterminée et doit
en grande partie recouvrir une certaine morta-
lité que nous qualifierons de “naturelle” par op-
position aux morts “anthropiques” qui repré-
sentent en conséquence près de 80 96 de la
mortalité dans l'échantillonnage. Les résultats
bruts des recherches sur les causes de mortalité
dans l'échantillonnage sont indiqués au ta-
bleau 1.

Fig. 1 : Les principaux traits géographiques du
littoral picard. 1 plage de galets, 2 plages de
sable, 3 falaises.

LOCALISATION

13

    

La mortalité naturelle

Cette cause de mortalité semble avoir un im-
pact relativement constant sur presque toutes
les espèces (entre 10 et 25 96). Pour quelques
rares espèces seulement on observe un pour-
centage très différent (beaucoup plus faible ou
beaucoup plus fort). Ces exceptions tout à fait
notables nous semblent facilement explicables.
On note parmi celles-ci: les alcidés, certains
groupes d’oiseaux gibier et la mouette tridac-
tyle (Rissa tridactyla). Pour cette dernière es-
pèce, la proportion de mort naturelle dépasse
60 96, mais si l'on exclut de l’échantillonnage
les ramassages de février 1984 pendant les-
quels ont été ramassé 56 96 des 1.066
mouettes tridactyles recueillies pendant les
19 ans, on retrouve une proportion similaire à
celle des autres espèces. La quasi totalité des
599 cadavres de mouettes tridactyles de février
1984 ne présentait en effet d’autre cause appa-
rente de mortalité qu’une extrême maigreur, té-
moignage d’une longue période de tempête en
mer. Ce phénomène fut d’ailleurs sensible sur

toutes les côtes de France (le Courrier de la Na-
ture n" 89 p. 36).

Cette constance de la mortalité naturelle
chez toutes les espèces (mises à part les deux
exceptions signalées et discutées plus loin) est
un argument en faveur de nos interprétations.

Un aperçu

de la récolte
d’un dimanche
d’hiuer. Ces
ramassages ne
laissent pas le
public indiffé-
rent

La solitude du
guillemot mazouté
et échoué.

 

14 Le Courrier de la Nature n° 106 - Novembre-Décembre 1986

MORTALITE DES OISEAUX EN BAIE DE SOMME

Photos J -M. Gerneî

 

Petits pingouins victimes de mazout
' en mer.

Quelques guillemets mazoutés
mais vivants enveloppés dans

un bas nylon afin de les
empêcher de se nettoyer et donc

 

- w ' »- - ‘ ' '  - de sïntoxîquer.
Fou de Basson ph°l° Ph Thléw
_ mazoute.
l téret Hort Causes anthroplaues ramenées
- " _ Naturelle a 100 x (échantlllonage)
cynégétique (EEHAIIHLOIAEE)

Hacreuse brune

Macreuse notre
Tableau 2 : Comparaison

Elder
entre le nombre et les causes
de mortalité des deux
groupes d 'anatidés gibier “unes canards
différenciés selon leur intérêt

Oles
cynégétique.

 

Le Courrier de la Nature n” 106 - Novembre-Décembre 1986

MORTALITE DES OISEAUX EN BAIE DE SOMME

Causes anthrooiuues ramenées a 100 Z
(échantilionage deouis la Drotection légale)

Esneces Nombre

Grebes (1972)

Plongeons (1972)
Fou de Bassan
Tadorne de Belon
Mouettes et Goéiands

SÎEFHES

 

Tableau 3 : Causes de mortalité pour quelques
espèces protégées (entre parenthèses : date de
la protection légale si elle est postérieure à 1967)

.J

Les actes de chasse
Le cas des oiseaux gibier

Les oiseaux gibier sont rares dans nos ra-
massages (un peu moins de 20 96) alors que
des années d’observations nous ont convaincus
qu’à toutes les époques de l’année la très
grande majorité des oiseaux présents sur le lit-
toral n’appartient pas à des espèces protégées.

L’étude des résultats de ramassages d’anati-
dés gibier (canards et oies) apporte une lumière
sur cette apparente anomalie. En 19 ans de ra-
massages, nous n’avons trouvé que 715 de ces
oiseaux (7 96 des effectifs totaux alors qu’ils for-
ment un des groupes d’oiseaux les plus abon-
dants de notre littoral). Ces anatidés peuvent
être divisés en deux groupes selon leur intérêt

Fulmar (1975)
Bernache cravant
Har les (1972)

cormorans (1975)

Héron cendré (1975)

Tableau 5 : Causes de mortalité des alcidés

(n.s. == non significatif).

Causes anthropiuues ramenées

Mort
Esnèces

Guillemot de ÏF0ll

Petit Dingouin

Macareux

Mergule

Non déterminés

16

à 130 1

Naturelle Hydrocarbures

 

(échantillonage)

 

cynégétique. D’une part les macreuses brunes
et noires (Melanitta fusca et nigra) et les eiders
à duvet (Somateria mollissima) qui sont des ca-
nards marins gibier au goût marqué qui les ren-
dent proprement immangeables, et d’autre part
les autres canards et oies, comestibles, qui sont
de loin les plus fréquents sur le littoral (du
moins près du bord). Les résultats de ramas-
sage des deux groupes ainsi définis sont indi-
qués dans le tableau 2.

Par extrapolation, nous pouvons supposer
que nous avons retrouvé 216 macreuses ou ei-
ders victimes de tirs gratuits sous prétexte qu’ils
sont gibier, mais non ramassés par les chas-
seurs car ils sont immangeables. Par contre
nous n’aurions que 88 canards et oies victimes
de la chasse : ces espèces supportent l’essentiel

Cygnes
Avocette

Labbes (1979)

RaDaces

PIQEOH VOYBQEUF

Tableau 4 : Quelques espèces protégées pour
lesquelles l’échantillonnage est trop faible
pour être significatif.

de la pression de chasse sur le littoral picard
mais finissent généralement (plusieurs cen-
taines de milliers d’entre eux chaque année)
dans les sacs des chasseurs. Autre observation :
d’après l’échantillonage, près de 50 96 des ana-
tidés comestibles qui échouent morts sur nos
plages sont victimes d’une mort naturelle (au
lieu de 15 à 20 96 pour la quasi totalité des au-
tres espèces). Ces données, ajoutées à la rela-
tive rareté des limicoles dans nos ramassages
(7 96) alors qu’ils constituent un gibier assez
abondant sur le littoral, met en évidence le biais
que supportent nos résultats pour le groupe
des oiseaux gibier comestibles puisqu’ils sont
récupérés par les chasseurs, tandis que ceux
qui ont un intérêt culinaire réduit (huitrier pie et
courlis) représentent plus de 50 96 des limicoles
trouvés lors des ramassages.

Le Courrier de la Nature n‘ 106 - Novembre-Décembre 1986

J)

  

‘.4
Phclo J ‘L, Lemo gne-Jacana

Le cas des oiseaux protégés

Plus qu’un long discours, les tableaux 3 et 4
montrent qu’aucune espèce n’échappe au mas-
sacre. On remarquera spécialement les quatre
dernières lignes du tableau 3 qui regroupent
des espèces très faciles à reconnaître mais qui
semblent être des cibles privilégiées. A ces ta»
bleaux il faut ajouter les résultats du tableau 5
(alcidés) où, bien que le pourcentage d’oiseaux
tirés soit “modeste”, le nombre de “bavures” est
important vu les effectifs totaux.

La chasse est la cause de 47 % des cas de
mort anthropique des oiseaux protégés de no-
tre échantillonage, soit presque autant que
pour le gibier à intérêt cynégétique réduit
(49 %, cf. tableau 2). On peut donc se poser
des questions sur l’efficacité des mesures de

protection légale d’autant plus que pour les Huïïrïerjpies
plongeons et les grèbes qui sont des espèces etcïwhs

assez fréquentes en ramassages et dont le sta- rîpreâenftäné
tut légal a été modifié depuis 1972, on n’ob— Zeïslmîicoles
serve ‘aucune evolution significative de la trouvées [ors des
contribution de la chasse à la mortalite an- ramassasæä

thropique de ces espèces.

Phalarope â bec
large, C ’est une
des espèces très
rares qu’il peut
nous anîuer

de ramasser.

La mortalité par les
hydrocarbures

Les hydrocarbures constituent une cause im-
portante et spectaculaire de mortalité d’oi-

Le Courrier de la Nature n" 106 - Novembre-Décembre 1986

MORTALITE DES OISEAUX EN BAIE DE SOMME

seaux, si bien que dans le but de retrouver et de
soigner des oiseaux vivants, nous avons eu ten-
dance à multiplier les ramassages en périodes
de marée noire. La conséquence est que les oi-
seaux mazoutés sont probablement sur—repré-
sentés dans nos effectifs totaux. Par contre no-
tre échantillonnage ne doit pas être victime de
cette sur-évaluation car aucun gros ramassage
de “marée noire” n'y a été intégré ; la disponibi-
lité des adhérents du G.E.P.O.P. s’orientant
pendant ces périodes vers le soin aux oiseaux
vivants et non vers la dissection des cadavres !

Parmi les victimes préférentielles des hydro-
carbures on trouve les oiseaux de mer avec no-
tamment les macreuses et les eiders (tableau
2), les grèbes, fous de bassan. plongeons et
sternes (tableau 3) ainsi que les fulmars, les

 

Photo Nardin - Jacana

cormorans et de nombreuses mouettes (surtout
tridactyles) et goélands. Evidemment les princi-
pales victimes sont les alcidés qui représentent
plus de 39 % du total des oiseaux ramassés. Le
tableau 5 qui illustre les causes de mortalité des
alcidés a été établi grâce à un échantillonnage
qui ne représente que 25 % des alcidés trouvés
alors qu’il dépasse les 31 % pour le reste des oi-
seaux, ce qui matérialise l’absence de mazou-
tages importants dans notre échantillonnage.
Par ailleurs, on remarque la faible proportion
de morts naturelles qui s‘explique par le fait
que la plupart de ces oiseaux ne font que pas-

17

Fig. 2 :
Contribution des
huit principales

périodes de
pollution marine
ser au large de nos côtes sans y stationner. Une POT lïÿdmcarbure
grande partie de la mortalité totale des alcidés _ a“ total des
s’explique par une série d’importantes polluv ' “lcldês ramassés
tions par les hydrocarbures. La figure 2 illustre (Cercle Complet)

la contribution des ramassages effectués pen-
dant les 8 principales périodes de forte pollu-
tion aux effectifs totaux d’alcidés trouvés morts.
Celles-ci ne représentent que 14 mois répartis
sur 19 années, néanmoins c’est pendant ces
périodes qu'ont été trouvés près de 80 96 des
alcidés. La figure 3 montre que 7 de ces pé-
riodes de forte pollution marine ne correspon-
dent pas à des échouages ou à des naufrages
de pétroliers sur les côtes de la Manche. Il s’agit
donc de mazoutages provoqués par des déga-
zages sauvages de pétroliers transitant dans la

 

vl
IIIIIIIIIIEIIIE
n: t t t n: n: t

. Fig. 3 : Position dans le temps des Sprincipaux mazoutages . _
Manche’ on remarque par allleurs sur cette (étoiles) enregistrées sur le littoral picard par la mortalité des alcides

llgnË que la fréquence de ces Catastrophes ne (uoir Fig. 2) et comparaison auec les échouages de pétroliers dans
presente aucune tendance a la baisse. Ceci est la Manche (flèches)

dlautant 13h15 graVe que 195 dégazagæ ont un 1 : Torrey Canyon 2: Olympic Brauery 3 : Bôhlen 4 :Amoco
impact très important sur l’avifaune migratrice, Cadiz 5 _- Gino 6 : Tanio

au moins aussi important que celui des grands
naufrages de pétroliers connus du public. Ainsi
les deux principales périodes de mazoutage phomg ph me“,
correspondent respectivement pour la Picardie
à 1.852 et 1.617 oiseaux morts pour 30 kilo-
mètres de côtes (soit 62 et 54 oiseaux morts
par kilomètre). Ces chiffres sont à comparer
aux 3.640 cadavres ramassés sur les côtes nord
de la Bretagne suite à la catastrophe de L’Amo—
co Cadiz (soit environ 10 oiseaux par kilomè-
tre) qui, il est vrai, s’est révélée heureusement
peu meurtrière pour l’avifaune du fait de son
caractère essentiellement côtier (J.Y. Monnat

1978).

Il nous reste à insister sur le fait que plus de
20 96 des alcidés mazoutés ont été trouvés en
dehors des 8 principales périodes de pollution
marine. Ceci indique une pollution chimique
permanente qui se manifeste aussi par le fait
que chacun de nos 102 ramassages nous ont
permis de retrouver des oiseaux mazoutés.

4- q__
5-: l’

a.

Conclusion

Nous avons montré que la méthode des ra-
massages ne permettait pas d’appréhender de
manière satisfaisante l’impact de la chasse sur
la mortalité des oiseaux gibier. Pour cet aspect
des choses nous nous contenterons de citer
quelques chiffres. Les chasseurs eux-mêmes

18 Le Courrier de la Nature n‘ 106 - Novembre Décembre 1986

Il!

Radiographie

de fou de Bassan
tiré à bout
portant, comme le
montre la densité
de plomb.

‘J

Couple de harles
piettes, espèce
protégée et rare,
victimes de

la chasse.

Fou if Bnssÿa
_ ‘HIJS’ .-
_ r-oAnHnno/Vr

avouent tuer 200.000 oiseaux par an dans le
département. Ils sont 15.000 pour réaliser ce
tableau. (Miguet 1984). Nos recherches, en
analysant les différentes sources de données à
notre disposition, nous font penser que ce chif-
fre est plutôt de l'ordre de 1 million d'oiseaux
(X. Commecy et E. Mercier en préparation).
Nos chiffres de ramassages ne sont significatifs
que pour les oiseaux protégés, nous limiterons
donc nos conclusions à ce niveau. Près de 80 96
des oiseaux protégés qui meurent et viennent
s'échouer sur le littoral picard sont des victimes
d'activités humaines (morts anthropiques) avec
à parts sensiblement égales la chasse et les
hydrocarbures.

En extrapolant notre échantillonage à l'en-
semble des oiseaux récoltés nous pouvons pen-
ser que nous avons ramassé plus de 3.000 oi-
seaux protégés tués par les chasseurs en 19 ans
de ramassage et ce sur 30 kilomètres de côtes
dont 17 kilomètres en réserve de chasse.
Quelle proportion de la réalité ce chiffre repré-
sent—il ? Combien d’oiseaux protégés n'avons
nous pas retrouvé soit du fait de l’espacement
de nos ramassages, soit du fait que certains oi-
seaux meurent sur la terre ferme, coulent en

mer, sont ramassés ou cachés par d'autres per-
sonnes ?

Le tir aux oiseaux protégés n'est donc pas
une exception mais bien un sport régional très
populaire, bon reflet de leur affirmation selon
laquelle “les chasseurs sont les seuls vrais pro-

Le Courrier de la Nature n" 106 - Novembre-Décembre 1986

tecteurs de la nature” (sic). Mais ces chiffres
énormes ne sont pas étonnant quand on
connait les conditions dans lesquelles s'exerce
la chasse en baie de Somme. La réglementa-
tion et surtout les dérogations pour “chasses
traditionnelles" sont en effet extrêmement per-
missives. (sans parler des constantes infractions
à cette réglementation). On citera notamment
une période d'ouverture (du 14 juillet à la fin
février) qui empiète largement sur la saison de
reproduction, l'utilisation d’appelants de toutes
espèces. la chasse de nuit. . . A ceci s'ajoute de-
puis quelques mois le lancement d'un pro-
gramme informatique directement interrogea-
ble par minitel et renouvelé chaque jour en
période de chasse, sur les passages de migra-
teurs (histoire de ne pas se déplacer pour rien
et de réaliser à coup sûr un massacre. . .) (Le
Courrier de la Nature n” 95 p. 7 et 8).

Le scandale permanent de la chasse aux mi-
grateurs telle qu'elle est pratiquée en baie de
Somme ne doit pas faire oublier cet autre scan-
dale qu'est celui des mazoutages. Nous avons
retrouvé près de 4.000 alcidés à 90 96 mazou-
tés, plus des grèbes, plongeons et autres es-
pèces marines souvent rares et aux populations
en régression. Là encore des pratiques intoléra-
bles et illégales de dégazages massifs peuvent
seuls expliquer ces pollutions en dehors des
échouages de pétroliers. De plus, comme pour
la chasse aux migrateurs, on constate un laisser
faire total des autorités. Aucune amélioration
n'est intervenue depuis les promesses solen-
nelles de 1973, renouvelées en 1978, de lutter
contre la pollution marine.

Si aucune volonté politique ne s'exerce pour
remédier à ces états de choses, les écologistes
picards (et d'autres si notre exemple est suivi)
ont encore de gros ramassages devant eux. . .
jusqu'à la disparition de l'avifaune marine euro-
péenne.

X.C. et E.M.

BIBLIOGRAPHIE z

Miguet G. (1984) : Chasse des oiseaux d'eau et

gestion des zones humides en Picardie, L'envi-
ronnement en Picardie, A.M.B.E. Picardie.

Monnat J.Y. (1978) : L'Amoco Cadiz et les oi-
seaux.

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